[6] ‘Δεύτερον τοίνυν τοῦτο διανοηθῶμεν, ὡς αἱ μὲν
δικαιώσεις αἱ παρ´ ἀνθρώπων μόνον ἔχουσαι τὸ ἀντιλυποῦν
καὶ ἐν τῷ κακῶς τὸν δεδρακότα παθεῖν ἵστανται,
περαιτέρω δ´ οὐκ ἐξικνοῦνται, διὸ τοῖς ἡμαρτηκόσι κυνὸς
δίκην ἐφυλακτοῦσαι κατακολουθοῦσι καὶ τὰς πράξεις ἐκ
ποδὸς ἐπιδιώκουσι· τὸν θεὸν δ´ εἰκός, ἧς ἂν ἐφάπτηται τῇ
δίκῃ ψυχῆς νοσούσης, τά τε πάθη διορᾶν, εἴ πή τι καμπτόμενα
πρὸς μετάνοιαν ἐνδίδωσι, καὶ χρόνον γε, οἷς οὐκ
ἄκρατος οὐδ´ ἄτρεπτος ἡ κακία πέφυκε, προσορίζειν. ἅτε
γὰρ εἰδώς, ὅσην μοῖραν ἀρετῆς ἀπ´ αὐτοῦ φερόμεναι πρὸς
γένεσιν αἱ ψυχαὶ βαδίζουσι, καὶ τὸ γενναῖον ὡς ἰσχυρὸν
αὐταῖς καὶ οὐκ ἐξίτηλον ἐμπέφυκεν, ἐξανθεῖ δὲ τὴν κακίαν
παρὰ φύσιν ὑπὸ τροφῆς καὶ ὁμιλίας φαύλης φθειρόμενον,
εἶτα θεραπευθὲν ἐνίοις καλῶς ἀπολαμβάνει τὴν προσήκουσαν
ἕξιν, οὐ πᾶσι κατεπείγει τὴν τιμωρίαν ὁμοίως, ἀλλὰ
τὸ μὲν ἀνήκεστον εὐθὺς ἐξεῖλε τοῦ βίου καὶ ἀπέκοψεν, ὡς
ἑτέροις γε πάντως βλαβερὸν αὑτῷ τε βλαβερώτατον ἀεὶ
συνεῖναι μετὰ πονηρίας, οἷς δ´ ὑπ´ ἀγνοίας τοῦ καλοῦ
μᾶλλον ἢ προαιρέσει τοῦ αἰσχροῦ τὸ ἁμαρτητικὸν εἰκὸς
ἐγγεγονέναι, δίδωσι μεταβαλέσθαι χρόνον, ἐὰν δ´ ἐπιμένωσι,
καὶ τούτοις ἀπέδωκε τὴν δίκην· οὐ γάρ που δέδιε,
μὴ διαφύγωσι. σκόπει δ´ ὅσαι μεταβολαὶ γεγόνασιν εἰς
ἦθος ἀνδρῶν καὶ βίον· ᾗ καὶ τρόπος ὠνομάσθη τὸ μεταβάλλον
αὐτοῦ, καὶ ἦθος, ὡς πλεῖστον αὐτοῦ ἐνδύεται τὸ
ἔθος καὶ κρατεῖ μάλιστα καθαπτόμενον. οἶμαι μὲν οὖν καὶ
τὸν Κέκροπα διφυᾶ προσαγορεῦσαι τοὺς παλαιούς, οὐχ
ὡς ἔνιοι λέγουσιν ἐκ χρηστοῦ βασιλέως ἄγριον καὶ δρακοντώδη
γενόμενον τύραννον, ἀλλὰ τοὐναντίον ἐν ἀρχῇ
σκολιὸν ὄντα καὶ φοβερόν, εἶθ´ ὕστερον ἄρξαντα πράως
καὶ φιλανθρώπως. εἰ δὲ τοῦτ´ ἄδηλον, ἀλλὰ Γέλωνά γ´
ἴσμεν καὶ Ἱέρωνα τοὺς Σικελιώτας καὶ Πεισίστρατον τὸν
Ἱπποκράτους, ὅτι πονηρίᾳ κτησάμενοι τυραννίδας ἐχρήσαντο
πρὸς ἀρετὴν αὐταῖς | καὶ παρανόμως ἐπὶ τὸ ἄρχειν
ἐλθόντες ἐγένοντο μέτριοι καὶ δημωφελεῖς ἄρχοντες, οἱ
μὲν εὐνομίαν τε πολλὴν καὶ γῆς ἐπιμέλειαν παρασχόντες
αὐτούς τε σώφρονας τοὺς πολίτας καὶ φιλεργοὺς ἐκ πολυτελῶν
καὶ λάλων κατασκευάσαντες, Γέλων δὲ καὶ προπολεμήσας
ἄριστα καὶ κρατήσας μάχῃ μεγάλῃ Καρχηδονίων
οὐ πρότερον εἰρήνην ἐποιήσατο πρὸς αὐτοὺς δεομένους ἢ
καὶ τοῦτο ταῖς συνθήκαις περιλαβεῖν, ὅτι παύσονται τὰ
τέκνα τῷ Κρόνῳ καταθύοντες. ἐν δὲ Μεγάλῃ πόλει Λυδιάδας
ἦν τύραννος, εἶτ´ ἐν αὐτῷ τῷ τυραννεῖν μεταβαλόμενος
καὶ δυσχεράνας τὴν ἀδικίαν ἀπέδωκε μὲν τοὺς νόμους τοῖς
πολίταις, μαχόμενος δὲ πρὸς τοὺς πολεμίους ὑπὲρ τῆς
πατρίδος ἐπιφανῶς ἔπεσεν. εἰ δέ τις ἢ τύραννον ἀπέκτεινε
Μιλτιάδην ἐν Χερρονήσῳ πρότερον ἢ Κίμωνα συνόντα τῇ
ἀδελφῇ διώξας εἷλεν ἢ Θεμιστοκλέους, ἐφ´ οἷς ἀσελγαίνων
ἐκώμαζε καὶ ὕβριζε δι´ ἀγορᾶς, ἀφείλετο τὴν πόλιν ὡς
ὕστερον Ἀλκιβιάδου γραψάμενος, ἆρ´ οὐκ ἂν ἀπωλώλεσαν
ἡμῖν οἱ Μαραθῶνες οἱ Εὐρυμέδοντες τὸ καλὸν Ἀρτεμίσιον,
’ὅθι παῖδες Ἀθηναίων ἐβάλοντο φαεννὰν
κρηπῖδ´ ἐλευθερίας‘;
οὐδὲν γὰρ αἱ μεγάλαι φύσεις μικρὸν ἐκφέρουσιν οὐδ´ ἀργεῖ
δι´ ὀξύτητα τὸ σφοδρὸν ἐν αὐταῖς καὶ δραστήριον, ἀλλ´ ἐν
σάλῳ διαφέρονται, πρὶν εἰς τὸ μόνιμον καὶ καθεστηκὸς
ἦθος ἐλθεῖν. ὥσπερ οὖν ὁ γεωργίας ἄπειρος οὐκ ἂν ἀσπάσαιτο
χώραν ἰδὼν λόχμης ἔμπλεω δασείας καὶ φυτῶν
ἀγρίων καὶ θηρία πολλὰ καὶ ῥεύματα καὶ πολὺν ἔχουσαν
πηλόν, ἀλλὰ τῷ μεμαθηκότι διαισθάνεσθαι καὶ κρίνειν
αὐτὰ ταῦτα τὴν ἰσχὺν καὶ τὸ πλῆθος ὑποδείκνυσι καὶ τὴν
μαλακότητα τῆς γῆς, οὕτως ἄτοπα πολλὰ καὶ φαῦλα
προεξανθοῦσιν αἱ μεγάλαι φύσεις, ὧν ἡμεῖς μὲν εὐθὺς τὸ
τραχὺ καὶ νύττον οὐ φέροντες ἀποκόπτειν οἰόμεθα δεῖν
καὶ κολούειν, ὁ δὲ βελτίων κριτὴς καὶ ἀπὸ τούτων τὸ
χρηστὸν ἐνορῶν καὶ γενναῖον περιμένει λόγου καὶ ἀρετῆς
συνεργὸν ἡλικίαν καὶ ὥραν, ᾗ τὸν οἰκεῖον ἡ φύσις καρπὸν
ἀποδίδωσι.’
| [6] «Il est une seconde réflexion que nous devons faire.
Les expiations humaines rendent seulement le mal pour le
mal. Elles se bornent à infliger un mauvais traitement au
coupable, et elles ne vont pas plus loin. Voilà pourquoi
aboyant, comme un chien furieux, contre les méfaits, la justice
humaine s'acharne après leurs auteurs et les poursuit
aussitôt pas à pas. Mais Dieu, comme il est naturel,
reconnaît d'abord l'état d'une âme malade qui tombe sous
sa juridiction. Il voit si elle est capable de céder au repentir;
et quand la perversité n'est ni complète ni incurable, il lui
accorde un délai pour qu'elle revienne au bien. Il sait quelle
est la portion de sagesse que les âmes ont emportée d'auprès
de lui pour venir en ce monde. Il sait que dans ces âmes
les sentiments généreux sont profonds et difficiles à s'effacer;
que si le vice s'y développe contrairement à leur nature,
c'est qu'elles ont été corrompues par une mauvaise éducation
et de mauvaises sociétés; qu'enfin des soins attentifs
rendent à quelques-unes l'état qui leur convient. C'est
pourquoi il ne hâte pas également pour tous l'accomplissement
de la vengeance. Les incorrigibles sont aussitôt retranchés
de la vie. Dieu les fait disparaître, comme essentiellemeut
nuisibles aux autres, et nuisibles surtout à
eux-mêmes en raison de leur état constant de perversité.
Mais à ceux dont les erreurs semblent tenir à l'ignorance
du bien plutôt qu'à un choix libre du mal il donne le
temps de rentrer en eux-mêmes ; et s'ils persistent, il les
frappe, eux aussi, des coups de sa justice, sans avoir jamais
à craindre qu'ils ne lui échappent.
«Examinez, du. reste, combien les moeurs et la vie des
hommes subissent de changements. C'est même pourquoi
les Grecs ont donné aux moeurs à la fois le nom de "tropos"
(conversion) et celui d' "ithos" (habitude) : l'un, parce qu'elles
sont sujettes à changer et à se modifier, l'autre, parce
qu'elles pénètrent en nous principalement par la force de
l'habitude, et qu'elles demeurent fermes quand elles sont
une fois imprimées. Je crois que si les anciens ont appliqué
à Cécrops le mot de «nature double», ce n'est pas, ainsi que
le veulent quelques-uns, parce qu'après avoir été un bon roi
il devint un tyran cruel et féroce comme un dragon, mais
parce qu'étant, au contraire, pervers et redoutable dans le
commencement, il gouverna plus tard avec clémence et bonté.
«Que si cet exemple offre de l'incertitude, nous connaissons
du moins l'histoire de Gélon, celle d'Hiéron, tyran
de Sicile, celle de Pisistrate, fils d'Hippocrate. Nous savons
qu'après s'être emparés du pouvoir par des moyens criminels,
ils l'exercèrent en princes vertueux; que, parvenus
illégalement au trône, ils devinrent des souverains recommandables
par leur modération et par leur amour du peuple.
Les deux premiers, s'attachant à donner les meilleures lois
et à faire fleurir l'agriculture, rendirent les Siciliens aussi
sages et aussi laborieux qu'ils étaient auparavant rieurs et
bavards. Gélon, en particulier, après s'être couvert de
gloire dans la guerre et avoir remporté une grande bataille
sur les Carthaginois, n'accorda la paix à ceux-ci, malgré
leurs supplications, qu'en stipulant dans le traité cette convention
spéciale, qu'ils cesseraient d'immoler leurs enfants
à Saturne. A Mégalopolis, le tyran Lydiadas, qui avait
usurpé le souverain pouvoir, changea de conduite au milieu
de sa domination. Maudissant son injustice, il rendit aux
citoyens leurs lois; enfin, plus tard, en combattant contre
les ennemis de son pays, il succomba d'une mort glorieuse.
Si quelqu'un avait tué Miltiade pendant qu'il exerçait
une première fois la tyrannie en Chersonèse; si
quelqu'un avait poursuivi en justice et fait condamner
Cimon quand il vivait avec sa propre soeur; si Thémistocle,
à la suite des excès de table auxquels il se livrait et de ses
actes scandaleux en pleine place publique, avait été, sur la
proposition de quelqu'un, privé de ses droits de citoyen,
comme le fut plus tard Alcibiade, ne seraient-ce pas de glorieux
exploits perdus pour nous que les victoires de Marathon
et d'Eurymédon, que le brillant fait d'armes d'Artémisium
"Où jadis vous avez, fils d'Athènes, jeté
Les nobles fondements de votre liberté"?
«C'est que les grandes natures ne produisent rien de médiocre.
En raison de leur véhémence, ce qu'elles ont de fort
et d'énergique ne reste point oisif. Elles sont tumultueuses
et agitées tant qu'elles n'ont pas pris une assiette solide et
composé leurs moeurs. De même que, mis en présence de
certain terrain, un homme inexpérimenté en agriculture ne
saura l'apprécier, parce qu'il le verra plein de broussailles
épaisses et de plantes sauvages, peuplé d'animaux féroces,
et noyé de cours d'eau fangeux, mais qu'aux yeux d'un
observateur intelligent ce seront autant d'indices de la
puissance et de la richesse du sol; de même il se produit, au
début, dans les grandes âmes une foule de passions fâcheuses
et mauvaises, que nous croyons devoir anéantir et
réprimer, parce que nous ne supportons pas d'abord ce
qu'elles ont de rude et de blessant. Mais un juge mieux
éclairé sait reconnaître, même à ces imperfections, la
bonté et la générosité. Il attend l'âge où la raison viendra
prêter son concours à la vertu; il attend la saison où la
nature produira les fruits qui lui sont propres.
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