[9] Τῇ μὲν οὖν πολυμαθείᾳ τὴν πολυλογίαν ἕπεσθαι
συμβαίνει (διὸ καὶ Πυθαγόρας ἔταξε τοῖς νέοις πενταετῆ
σιωπήν, ἐχεμυθίαν προσαγορεύσας), τῇ δὲ περιεργίᾳ τὴν
κακολογίαν ἀνάγκη συνακολουθεῖν· ἃ γὰρ ἡδέως ἀκούουσιν
ἡδέως λαλοῦσι, καὶ ἃ παρ´ ἄλλων σπουδῇ συλλέγουσι
πρὸς ἑτέρους μετὰ χαρᾶς ἐκφέρουσιν. ὅθεν αὐτοῖς μετὰ
τῶν ἄλλων κακῶν τὸ νόσημα καὶ πρὸς τὴν ἐπιθυμίαν
ἐμποδών ἐστι. πάντες γὰρ αὐτοὺς φυλάττονται καὶ ἀποκρύπτονται,
καὶ οὔτε πρᾶξαί τι πολυπράγμονος ὁρῶντος
οὔτ´ εἰπεῖν ἀκούοντος ἡδέως ἔχουσιν, ἀλλὰ καὶ βουλὰς
ἀνατίθενται καὶ σκέψεις πραγμάτων ὑπερβάλλονται, μέχρις
ἂν ἐκποδὼν ὁ τοιοῦτος γένηται· κἂν ἢ λόγου τινὸς
ἀπορρήτου παρόντος ἢ πράξεως σπουδαίας περαινομένης
ἀνὴρ πολυπράγμων ἐπιφανῇ, καθάπερ ὄψον γαλῆς παραδραμούσης
αἴρουσιν ἐκ μέσου καὶ ἀποκρύπτουσιν· ὥστε
πολλάκις τὰ τοῖς ἄλλοις ῥητὰ καὶ θεατὰ τούτοις μόνοις
ἄρρητα καὶ ἀθέατα γίνεσθαι.
Διὸ καὶ πίστεως πάσης ἔρημος ὁ πολυπράγμων ἐστίν·
οἰκέταις γοῦν καὶ ξένοις πιστεύομεν μᾶλλον ἐπιστολὰς
καὶ γράμματα καὶ σφραγῖδας ἢ φίλοις καὶ οἰκείοις
πολυπράγμοσιν. ὁ δὲ Βελλεροφόντης ἐκεῖνος
οὐδὲ καθ´ ἑαυτοῦ γράμματα κομίζων ἔλυσεν, ἀλλ´ ἀπέσχετο
τῆς ἐπιστολῆς τοῦ βασιλέως ὡς τῆς γυναικὸς
διὰ τὴν αὐτὴν ἐγκράτειαν. ἀκρασίας γὰρ τὸ πολυπραγμονεῖν
ὡς καὶ τὸ μοιχεύειν, καὶ πρὸς τῇ ἀκρασίᾳ δεινῆς
ἀνοίας καὶ ἀφροσύνης· τὸ γὰρ τοσαύτας παρελθόντα
κοινὰς καὶ δεδημοσιωμένας γυναῖκας ἐπὶ τὴν κατάκλειστον
ὠθεῖσθαι καὶ πολυτελῆ, πολλάκις ἂν οὕτω
τύχῃ καὶ ἄμορφον οὖσαν, ὑπερβολὴ μανίας καὶ παραφροσύνης.
ταὐτὸν δ´ οἱ πολυπράγμονες ποιοῦσι· πολλὰ καὶ
καλὰ θεάματα καὶ ἀκούσματα καὶ σχολὰς καὶ διατριβὰς
παρελθόντες ἐπιστόλια διορύττουσιν ἀλλότρια καὶ παραβάλλουσι
γειτόνων τοίχοις τὰ ὦτα καὶ συμψιθυρίζουσιν
οἰκέταις καὶ γυναίοις, πολλάκις μὲν οὐδ´ ἀκινδύνως ἀεὶ δ´ ἀδόξως.
| [9] Qu'à la manie de s'informer de tout se joigne celle de
parler sans relâche, c'est ce qui arrive constamment. Aussi
Pythagore imposait-il à ses néophytes un silence de cinq
ans; et il avait donné à cette épreuve le nom d'échémythie.
La curiosité est nécessairement suivie de la médisance. Ce
qu'on entend avec plaisir, avec plaisir on le redit. Ce qu'on
a hâte de recueillir des uns, on est joyeux de le colporter
chez les autres. Mais cette maladie, entre plusieurs inconvénients,
a celui d'être un obstacle à l'accomplissement des
propres désirs de celui qui en est atteint. Tous se gardent
du curieux, tous se cachent de lui. On n'aime pas à faire, à
dire quoi que ce soit si un curieux doit le voir ou l'écouter.
On diffère tout projet, on ajourne tout examen jusqu'à ce que
de tels importuns aient disparu. Si une affaire secrète est
sur le tapis, si l'on s'occupe de quelque opération sérieuse
et qu'un curieux survienne, il semble que ce soit un chat à
l'arrivée duquel on fait disparaître et l'on cache un plat de
viande. Si bien, que souvent ils sont les seuls qui n'aient ni
entendu ni vu ce qu'on laisse entendre et voir à tout le monde.
C'est par la même raison que le curieux n'obtient aucune
espèce de confiance. A des domestiques, à des gens d'un
autre pays nous confions nos lettres, nos papiers, nos cachets,
plus volontiers qu'à des proches et à des amis, quand
ces proches et ces amis sont des curieux. Le célèbre Bellérophon,
porteur d'une lettre écrite contre lui-même, ne l'ouvrit pas,
et il respecta le secret qu'y avait déposé le Souverain.
Il était animé du même sentiment de continence qui lui
avait fait repousser les offres de la reine. Car le curieux est
coupable d'incontinence, aussi bien que l'homme adultère;
il y ajoute de plus l'irréflexion et l'étourderie. Laisser de côté
tant de femmes qui sont publiques et à tout le monde, pour
courir après celle qui est tenue sous clef, après celle qu'il
faut acheter fort cher, et qui souvent, (cela se rencontre),
est fort laide, c'est le comble de la folie et de la démence.
Voilà précisément ce que font les curieux. Ils négligent un
grand nombre de choses belles à voir, belles à entendre,
ils renoncent aux amusements et aux exercices les plus honnêtes,
pour fouiller dans la correspondance d'autrui, pour
appliquer leur oreille contre la cloison du voisin, pour chuchoter
avec des domestiques et des servantes; et cela le
plus souvent avec danger, toujours avec honte.
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