[6] Ἀλλ´ ἔοικεν ἡ πολυπραγμοσύνη μὴ χαίρειν ἑώλοις
κακοῖς ἀλλὰ θερμοῖς καὶ προσφάτοις καὶ καινὰς τραγῳδίας
ἡδέως θεᾶσθαι, | τοῖς δὲ κωμικοῖς καὶ ἱλαρωτέροις
πράγμασιν οὐ μάλα προθύμως ὁμιλεῖν. διὸ γάμον μέν τινος
ἢ θυσίαν ἢ προπομπὴν διεξιόντος ἀμελὴς ὁ πολυπράγμων
καὶ ῥᾴθυμος ἀκροατής ἐστι, καὶ προακηκοέναι τὰ πλεῖστά
φησι καὶ κελεύει ταῦτα συντέμνειν καὶ παρέρχεσθαι τὸν
διηγούμενον· ἂν δ´ ἢ φθοράν τις παρθένου παρακαθήμενος
ἢ μοιχείαν γυναικὸς ἢ δίκης παρασκευὴν ἢ στάσιν ἀδελφῶν
διηγῆται, οὔτε νυστάζει οὔτ´ ἀσχολεῖται, ‘ἄλλα τε δίζηται
ἐπέων παρά τ´ οὔατα βάλλει.’ καὶ τὸ
‘οἴμοι, τὸ κακὸν τῆς εὐτυχίας
ὡς μᾶλλον ἐς οὖς φέρεται θνητῶν’
ἐπὶ τῶν πολυπραγμόνων ἐστὶν εἰρημένον ἀληθῶς. ὡς γὰρ
αἱ σικύαι τὸ χείριστον ἐκ τῆς σαρκὸς ἕλκουσιν, οὕτως τὰ
τῶν πολυπραγμόνων ὦτα τοὺς φαυλοτάτους λόγους ἐπισπᾶται.
μᾶλλον δ´, ὥσπερ αἱ πόλεις ἔχουσί τινας πύλας
ἀποφράδας καὶ σκυθρωπάς, δι´ ὧν ἐξάγουσι τοὺς θανατουμένους
καὶ τὰ λύματα καὶ τοὺς καθαρμοὺς ἐκβάλλουσιν,
εὐαγὲς δ´ οὐδὲν οὐδ´ ἱερὸν εἴσεισι οὐδ´ ἔξεισι δι´ αὐτῶν,
οὕτω καὶ τὰ τῶν πολυπραγμόνων ὦτα χρηστὸν οὐδὲν οὐδ´
ἀστεῖον ἀλλ´ οἱ φονικοὶ λόγοι διέρχονται καὶ τρίβουσιν,
ἐκθύσιμα καὶ μιαρὰ διηγήματα παρακομίζοντες.
‘ἀεὶ δ´ ἀοιδῶν μοῦνος ἐν στέγαις ἐμαῖς
κωκυτὸς ἐμπέπτωκεν’·
αὕτη τοῖς πολυπράγμοσι ‘μοῦσα καὶ σειρὴν μία’, τοῦθ´
ἥδιστον ἀκουσμάτων αὐτοῖς.
Ἔστι γὰρ ἡ πολυπραγμοσύνη φιλοπευστία τῶν ἐν
ἀποκρύψει καὶ λανθανόντων· οὐδεὶς δ´ ἀγαθὸν ἀποκρύπτει
κεκτημένος, ὅπου καὶ τὰ μὴ ὄντα προσποιοῦνται. κακῶν
οὖν ἱστορίας ὁ πολυπράγμων ὀρεγόμενος ἐπιχαιρεκακίας
συνέχεται πάθει, φθόνου καὶ βασκανίας ἀδελφῷ. φθόνος
μὲν γάρ ἐστι λύπη ἐπ´ ἀλλοτρίοις ἀγαθοῖς, ἐπιχαιρεκακία
δ´ ἡδονὴ ἐπ´ ἀλλοτρίοις κακοῖς· ἀμφότερα δ´ ἐκ πάθους
ἀνημέρου καὶ θηριώδους γεγένηται τῆς κακοηθείας.
| [6] Mais il paraît que la curiosité n'aime pas les malheurs
anciens. Il lui en faut de tout récents, de tout frais. Les tragédies
nouvelles sont pour ses yeux un agréable spectacle,
tandis qu'aux comédies, non plus qu'aux tableaux joyeux, elle
n'assiste pas avec un bien vif intérêt. Un mariage, un
sacrifice, une pompe religieuse, sont des récits que le curieux
entendra sans attention, avec négligence : « J'ai ouï cela cent
fois, dira-t-il au narrateur; abrégez, passez à autre chose. »
Au contraire, qu'assis à côté de lui un quidam vienne à raconter
qu'une fille a été séduite, qu'une femme a trompé
son mari, qu'on prépare un procès, que des frères se sont
brouillés, il ne sera plus endormi ou distrait.
"Avide de détails, il dresse les oreilles";
et ces deux vers :
"Mauvaises nouvelles, hélas!
S'apprennent plus vite que bonnes",
sont bien justement applicables aux curieux. De même que
les ventouses attirent à la surface de la peau le sang le moins
pur, ainsi l'oreille du curieux absorbe les discours qui sont
les plus mauvais. Ou plutôt, comme il y a dans les villes
certaines portes néfastes et sinistres par lesquelles on emmène
les condamnés à mort et par où l'on fait sortir les
immondices ainsi que les victimes expiatoires, sans que
jamais rien de pur ni de sacré entre ou sorte par là; de
même rien de bon , rien d'agréable n'entre et ne circule
dans l'oreille de l'homme curieux. Ce ne sont que des
propos où il est question de meurtres, que des anecdotes
scandaleuses et impures qui y trouvent accès.
"On n'entend que sanglots chanter en ma demeure".
Les curieux n'ont pas d'autre Muse, pas d'autre Sirène :
c'est pour eux le plus délicieux des concerts. La curiosité
est une manie d'apprendre ce que les autres cachent et
dissimulent. Or comme, loin de cacher ce qu'ils possèdent
de bon, les gens s'attribuent même le bien qu'ils n'ont pas,
il en résulte que le curieux, ne désirant apprendre que les
mauvaises choses, est atteint d'une maladie que j'appellerai
"joie du chagrin des autres". C'est là une joie qui est soeur
de la haine et de l'envie. L'envie est la douleur du bien qui
arrive aux autres, et la passion du curieux est la joie du
chagrin qu'ils éprouvent. L'une et l'autre ont pour principe
la méchanceté, sentiment sauvage et cruel.
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