[1113] ἀλλ´ ὥσπερ οἱ ποιηταὶ πολλάκις ἀνειδωλοποιοῦντες λέγουσιν
« Ἐν δ´ Ἔρις, ἐν δὲ Κυδοιμὸς ὁμίλεον, ἐν δ´ ὀλοὴ Κήρ » ,
οὕτως γένεσίν τινα καὶ φθορὰν καλοῦσιν οἱ πολλοὶ ἐπὶ τοῖς
συνισταμένοις καὶ διαλυομένοις; τοσοῦτον δ´ ἐδέησε τοῦ κινεῖν τὰ ὄντα
καὶ μάχεσθαι τοῖς φαινομένοις, ὥστε μηδὲ τὴν φωνὴν ἐκβαλεῖν ἐκ τῆς
συνηθείας, ἀλλ´ ὅσον εἰς τὰ πράγματα βλάπτουσαν ἀπάτην παρεῖχεν
ἀφελὼν αὖθις ἀποδοῦναι τοῖς ὀνόμασι τὸ νενομισμένον ἐν τούτοις·
« Οἱ δ´ ὅτε μὲν κατὰ φῶτα μιγὲν φῶς αἰθέρι ...
Ἢ κατὰ θηρῶν ἀγροτέρων γένος ἢ κατὰ θάμνων
ἠὲ κατ´ οἰωνῶν, τότε μὲν τὸν ... Γενέσθαι.
Εὖτε δ´ ἀποκρινθῶσι, τὸ δ´ αὖ δυσδαίμονα πότμον.
ᾗ θέμις, οὐ καλέουσι· νόμῳ δ´ ἐπίφημι καὶ αὐτός. »
ἃ Ὁ Κωλώτης παραθέμενος οὐ συνεῖδεν ὅτι φῶτας μὲν καὶ θῆρας
καὶ θάμνους καὶ οἰωνοὺς ὁ Ἐμπεδοκλῆς οὐκ ἀνῄρηκεν, ἅ γέ φησι
μιγνυμένων τῶν στοιχείων ἀποτελεῖσθαι, τοὺς δὲ τῇ συγκρίσει ταύτῃ καὶ
διακρίσει « φύσιν » τινὰ καί « πότμον δυσδαίμονα » καί « θάνατον ἀλοίτην
» ἐπικατηγοροῦντας ᾗ σφάλλονται διδάξας οὐκ ἀφείλετο τὸ χρῆσθαι ταῖς
εἰθισμέναις φωναῖς περὶ αὐτῶν. Ἐμοὶ μέντοι δοκεῖ μὴ τοῦτο κινεῖν τὸ
ἐκφορικὸν ὁ Ἐμπεδοκλῆς ἀλλ´, ὡς πρότερον εἴρηται, πραγματικῶς
διαφέρεσθαι περὶ τῆς ἐξ οὐκ ὄντων γενέσεως, ἣν φύσιν τινὲς καλοῦσι·
δηλοῖ δὲ μάλιστα διὰ τούτων τῶν ἐπῶν
« Νήπιοι· οὐ γάρ σφιν δολιχόφρονές εἰσι μέριμναι·
οἳ δὴ γίνεσθαι πάρος οὐκ ἐὸν ἐλπίζουσιν
ἤ τι καταθνήσκειν τε καὶ ἐξόλλυσθαι ἁπάντῃ. »
Ταῦτα γὰρ τὰ ἔπη μέγα βοῶντός ἐστι τοῖς ὦτα ἔχουσιν, ὡς οὐκ
ἀναιρεῖ γένεσιν ἀλλὰ τὴν ἐκ μὴ ὄντος, οὐδὲ φθορὰν ἀλλὰ τὴν πάντῃ,
τουτέστι τὴν εἰς τὸ μὴ ὂν ἀπολλύουσαν. Ἐπεὶ τῷ γε βουλομένῳ μὴ ἀγρίως
οὕτω μηδ´ ἠλιθίως ἀλλὰ πραότερον συκοφαντεῖν τὸ μετὰ ταῦτ´ ἐπὶ
τοὐναντίον ἂν αἰτιάσασθαι παράσχοι, τοῦ Ἐμπεδοκλέους λέγοντος
« Οὐκ ἂν ἀνὴρ τοιαῦτα σοφὸς φρεσὶ μαντεύσαιτο,
ὡς ὄφρα μέν τε βιῶσι, τὸ δὴ βίοτον καλέουσι,
τόφρα μὲν οὖν εἰσιν καί σφιν πάρα δεινὰ καὶ ἐσθλά,
πρὶν δὲ πάγεν τε βροτοὶ καὶ ἐπεὶ λύθεν, οὐδὲν ἄρ´ εἰσί. »
Ταῦτα γὰρ οὐκ ἀρνουμένου μὴ εἶναι τοὺς γεγονότας καὶ ζῶντάς ἐστιν,
εἶναι δὲ μᾶλλον οἰομένου καὶ τοὺς μηδέπω γεγονότας καὶ τοὺς ἤδη
τεθνηκότας. Ἀλλ´ ὅμως ὁ Κωλώτης τοῦτο μὲν οὐκ ἐγκέκληκε, λέγει δὲ κατ´
αὐτὸν οὐδὲ νοσήσειν ἡμᾶς οὐδὲ τραυματισθήσεσθαι. Καὶ πῶς ὁ πρὸ τοῦ
βίου καὶ μετὰ τὸν βίον ἑκάστῳ λέγων παρεῖναι δεινὰ καὶ ἐσθλά, περὶ τοὺς
ζῶντας οὐκ ἀπολείπει τὸ πάσχειν; τίσιν οὖν ἀληθῶς ἕπεται τὸ μὴ
τραυματίζεσθαι μηδὲ νοσεῖν, ὦ Κωλῶτα; ὑμῖν τοῖς ἐξ ἀτόμου καὶ κενοῦ
συμπεπηγόσιν, ὧν οὐδετέρῳ μέτεστιν αἰσθήσεως. Καὶ οὐ τοῦτο δεινόν,
ἀλλ´ ὅτι μηδ´ ἡδονὴν τὸ ποιῆσον ὑμῖν ἔστι, τῆς μὲν ἀτόμου μὴ δεχομένης
τὰ ποιητικὰ τοῦ δὲ κενοῦ μὴ πάσχοντος ὑπ´ αὐτῶν. —
Ἐπεὶ δ´ ὁ μὲν Κωλώτης ἐφεξῆς τῷ Δημοκρίτῳ τὸν Παρμενίδην
ἐβούλετο συγκατορύσσειν, ἐγὼ δ´ ὑπερβὰς τὰ ἐκείνου τὰ τοῦ
Ἐμπεδοκλέους προέλαβον διὰ τὸ μᾶλλον ἀκολουθεῖν τοῖς πρώτοις
ἐγκλήμασιν αὐτοῦ, ἀναλάβωμεν τὸν Παρμενίδην. Ἃ μὲν οὖν αὐτόν φησιν
αἰσχρὰ σοφίσματα λέγειν ὁ Κωλώτης, τούτοις ἐκεῖνος ὁ ἀνὴρ οὐ φιλίαν
ἐποίησεν ἀδοξοτέραν, οὐ φιληδονίαν θρασυτέραν, οὐ τοῦ καλοῦ τὸ
ἀγωγὸν ἐφ´ ἑαυτὸ καὶ δι´ ἑαυτὸ τίμιον ἀφεῖλεν, οὐ τὰς περὶ θεῶν δόξας
συνετάραξε· τὸ δὲ πᾶν ἓν εἰπὼν οὐκ οἶδ´ ὅπως ζῆν ἡμᾶς κεκώλυκε.
| [1113] Comme les poètes personnifient les choses, et disent en style figuré :
"Là paraissaient le trouble et l'affreuse discorde";
de même bien des gens appellent génération et corruption la
composition et la dissolution des substances. Empédocle est si éloigné de
détruire ce qui existe et de combattre les apparences, qu'il ne prend pas
un seul terme hors de sa signification ordinaire, et qu'en évitant même le
tour figuré, qui pourrait obscurcir le sens du discoure, il conserve aux
mots, dans les vers, leur acception simple et usitée.
"Quand la réunion des corps indivisibles
A fait paraître au jour des substances sensibles ;
Qu'elle a produit un homme, un sauvage animal,
Ou bien l'oiseau léger, le faible végétal,
Dans l'usage commun cela s'appelle naître;
Leur séparation est la mort de chaque être".
Colotes, qui a cité ces vers, n'a pas compris qu'Empédocle ne détruit
ni les hommes, ni les bêtes féroces, ni les oiseaux, ni les buissons,
puisqu'il dit qu'ils sont formés par le mélange des éléments ; et lorsqu'il
enseigne que ceux qui attachent à ces unions et à ces dissolutions la
naissance et la mort sont dans l'erreur, il ne nous ôte pas la liberté
d'employer pour ces objets les expressions usitées. Pour moi, il me
semple qu'Empédocle n'a point voulu changer ces termes métaphoriques ;
mais, comme on l'a déjà dit, il disputait sur le fond même des choses
avec ceux qui donnaient le nom de nature à la génération des êtres qui
n'avaient aucune sorte d'existence ; c'est ce qui paraît clairement dans
ces vers :
"Vains et faibles esprits! de ce qui n'a point d'être,
Croyez-vous que jamais quelque chose ait pu naître;
Ou que rien doive un jour entièrement périr" ?
N'est-ce pas dire hautement à qui veut l'entendre qu'il ne nie point la
génération ni la corruption, mais la création proprement dite, et
l'anéantissement total? Et un écrivain qui aurait voulu se montrer plus
honnête et ne pas se permettre une calomnie aussi dure qu'injuste aurait
plutôt trouvé dans les vers suivants le sujet d'une accusation toute
contraire. Voici comment Empédocle s'explique:
"Est-il un esprit sain qui puisse imaginer
Que l'homme, dans le cours de cette faible vie,
Et de biens et de maux également suivie,
Vive avant que de naître, ou qu'après son trépas
Son être soit dissous et qu'il n'existe pas"?
« Ce ne sont point là les expressions d'un homme qui nie que ceux
qui sont nés et qui vivent n'existent pas ; c'est plutôt le langage de
quelqu'un qui croit que ceux qui ne sont pas encore nés et ceux qui sont
morts existent réellement ; aussi n'est-ce pas là précisément l'objection de
Colotes. Il dit que, suivant Empédocle, nous ne serions jamais ni malades
ni blessés. Mais comment ce philosophe, qui soutient qu'avant la
naissance et après la mort les hommes existent, et qu'ils éprouvent les
mêmes biens et les mêmes maux que s'ils étaient vivants, pourrait-il nier
que nous ne soyons sujets à des affections? A qui donc, Colotes,
appartient-il de n'être ni blessé ni malade? C'est à vous autres épicuriens,
formés d'atomes et de vide, ces principes privés de tout sentiment. Mais
ce n'est pas là tout ; ce qu'il y a de pire encore, c'est que vous n'avez pas
même en vous la source du plaisir, puisque les atomes ne sont pas
susceptibles de ce qui peut le produire, et que le vide ne saurait en
recevoir l'impression.
« Mais puisque Colotes a voulu, pour ainsi dire, ensevelir dans une
même fosse Démocrite et Parménide, et que j'ai différé la défense de ce
dernier pour commencer par celle d'Empédocle, qui avait plus de rapport
aux premières inculpations de cet écrivain, revenons maintenant à
Parménide. Colotes lui reproche d'avoir avancé les sophismes les plus
honteux; cependant ce philosophe n'a, par ces prétendus sophismes, ni
avili l'amitié, ni enhardi la volupté, ni ôté à la vertu sa dignité et son attrait
naturel ; il n'a pas renversé les opinions reçues sur la Divinité , et lorsqu'il
a dit que l'univers est un, je ne vois pas en quoi cette assertion détruit la
vie humaine.
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