[1118] Εἰ δὲ καὶ
ταῦτα πράττει καὶ τοὺς ποταμούς, ὅταν ὦσι μεγάλοι, ποσὶν οὐ διέρχεται,
καὶ τοὺς ὄφεις φεύγει καὶ τοὺς λύκους, μηδὲν εἶναι τούτων οἷον φαίνεται
πεπεισμένος ἀμεταπείστως ἀλλὰ πράττων ἕκαστα κατὰ τὸ φαινόμενον,
οὐδὲ Σωκράτει δήπουθεν ἐμποδὼν ἦν ἡ περὶ τῶν αἰσθήσεων δόξα τοῦ
χρῆσθαι τοῖς φαινομένοις ὁμοίως. Οὐ γὰρ Κωλώτῃ μὲν ὁ ἄρτος ἄρτος
ἐφαίνετο καὶ χόρτος ὁ χόρτος, ὅτι τούς « διοπετεῖς » ἀνεγνώκει Κανόνας, ὁ
δὲ Σωκράτης ὑπ´ ἀλαζονείας ἄρτου μὲν ὡς χόρτου χόρτου δ´ ὡς ἄρτου
φαντασίαν ἐλάμβανε. Δόγμασι γὰρ ἡμῶν καὶ λόγοις οὗτοι χρῶνται
βελτίοσιν οἱ σοφοί, τὸ δ´ αἰσθάνεσθαι καὶ τυποῦσθαι πρὸς τὰ φαινόμενα
κοινόν ἐστι πάθος ἀλόγοις περαινόμενον αἰτίαις. Ὁ δὲ τὰς αἰσθήσεις λόγος
ἐπαγόμενος ὡς οὐκ ἀκριβεῖς οὐδ´ ἀσφαλεῖς πρὸς πίστιν οὔσας οὐκ ἀναιρεῖ
τὸ φαίνεσθαι τῶν πραγμάτων ἡμῖν ἕκαστον, ἀλλὰ χρωμένοις κατὰ τὸ
φαινόμενον ἐπὶ τὰς πράξεις ταῖς αἰσθήσεσι τὸ πιστεύειν ὡς ἀληθέσι πάντῃ
καὶ ἀδιαπτώτοις οὐ δίδωσιν αὐταῖς· τὸ γὰρ ἀναγκαῖον ἀρκεῖ καὶ χρειῶδες
ἀπ´ αὐτῶν, ὅτι βέλτιον ἕτερον οὐκ ἔστιν· ἣν δὲ ποθεῖ φιλόσοφος ψυχὴ
λαβεῖν ἐπιστήμην περὶ ἑκάστου καὶ γνῶσιν, οὐκ ἔχουσι. Περὶ μὲν οὖν
τούτων καὶ πάλιν ὁ Κωλώτης εἰπεῖν παρέξει, ταὐτὰ πολλοῖς ἐγκεκληκώς.
Ἐν οἷς δὲ κομιδῇ διαγελᾷ καὶ φλαυρίζει τὸν Σωκράτην ζητοῦντα τί
ἄνθρωπός ἐστι καὶ νεανιευόμενον, ὥς φησιν, ὅτι μηδ´ αὐτὸς αὑτὸν εἰδείη,
δῆλος μέν ἐστιν αὐτὸς οὐδέποτε πρὸς τούτῳ γενόμενος, ὁ δ´ Ἡράκλειτος
ὡς μέγα τι καὶ σεμνὸν διαπεπραγμένος « ἐδιζησάμην » φησίν « ἐμεωυτόν»,
καὶ τῶν ἐν Δελφοῖς γραμμάτων θειότατον ἐδόκει τό « γνῶθι σαυτόν
»· ὃ δὴ καὶ Σωκράτει τῆς ἀπορίας καὶ ζητήσεως ταύτης ἀρχὴν ἐνέδωκεν,
ὡς Ἀριστοτέλης ἐν τοῖς Πλατωνικοῖς εἴρηκε. Κωλώτῃ δὲ γελοῖον δοκεῖ.
Τί οὖν οὐ καταγελᾷ καὶ τοῦ καθηγεμόνος τοῦτ´ αὐτὸ πράττοντος, ὁσάκις
γράφοι καὶ διαλέγοιτο περὶ οὐσίας ψυχῆς καὶ τοῦ ἀθρόου τῆς καταρχῆς; εἰ
γὰρ τὸ ἐξ ἀμφοῖν, ὡς ἀξιοῦσιν αὐτοί, σώματος τοιοῦδε καὶ ψυχῆς,
ἄνθρωπός ἐστιν, ὁ ζητῶν ψυχῆς φύσιν ἀνθρώπου ζητεῖ φύσιν ἐκ τῆς
κυριωτέρας ἀρχῆς. Ὅτι δ´ αὕτη λόγῳ δυσθεώρητος αἰσθήσει δ´ ἄληπτός
ἐστι, μὴ παρὰ Σωκράτους « σοφιστοῦ καὶ ἀλαζόνος ἀνδρός », ἀλλὰ παρὰ
τῶν σοφῶν τούτων λάβωμεν, οἳ μέχρι τῶν περὶ σάρκα τῆς ψυχῆς
δυνάμεων, αἷς θερμότητα καὶ μαλακότητα καὶ τόνον παρέχει τῷ σώματι,
τὴν οὐσίαν συμπηγνύντες αὐτῆς ἔκ τινος θερμοῦ καὶ πνευματικοῦ καὶ
ἀερώδους οὐκ ἐξικνοῦνται πρὸς τὸ κυριώτατον ἀλλ´ ἀπαγορεύουσι· τὸ γὰρ
ᾧ κρίνει καὶ μνημονεύει καὶ φιλεῖ καὶ μισεῖ, καὶ ὅλως τὸ φρόνιμον καὶ
λογιστικὸν ἔκ τινός φησιν « ἀκατονομάστου » ποιότητος ἐπιγίνεσθαι. Καὶ
ὅτι μὲν αἰσχυνομένης ἐστὶν ἀγνοίας τουτὶ τό « ἀκατονόμαστον »
ἐξομολόγησις οὐκ ἔχειν ὀνομάσαι φασκόντων ὃ μὴ δύνανται καταλαβεῖν,
ἴσμεν· « ἐχέτω δὲ συγγνώμην καὶ τοῦτο », ὡς λέγουσι. Φαίνεται γὰρ οὐ
φαῦλον οὐδὲ ῥᾴδιον οὐδὲ τοῦ τυχόντος εἶναι καταμαθεῖν ἀλλ´ ἐνδεδυκὸς
ἀπόρῳ τινὶ τόπῳ καὶ δεινῶς ἀποκεκρυμμένον, ᾧ γ´ ὄνομα μηδὲν ἐν
τοσούτοις πρὸς δήλωσιν οἰκεῖόν ἐστιν. Οὐ Σωκράτης οὖν ἀβέλτερος, ὅστις
εἴη ζητῶν ἑαυτόν, ἀλλὰ πάντες, οἷς ἔπεισί τι τῶν ἄλλων πρὸ τούτου ζητεῖν,
ὅτι τὴν γνῶσιν ἀναγκαίαν ἔχον οὕτως εὑρεθῆναι χαλεπόν ἐστιν. Οὐ γὰρ ἂν
ἐλπίσειεν ἑτέρου λαβεῖν ἐπιστήμην, ὃν διαπέφευγε τῶν ἑαυτοῦ τὸ
κυριώτατον καταλαβεῖν.
Ἀλλὰ διδόντες αὐτῷ τὸ μηδὲν οὕτως ἄχρηστον εἶναι μηδὲ φορτικὸν ὡς
τὸ ζητεῖν αὑτόν,
| [1118] Si donc il
fait toutes ces actions, si même il ne passe pas au gué des grandes
rivières, s'il évite les serpents et les loups, quoiqu'il ne soit pas
irrévocablement persuadé que ces objets soient tels qu'ils le paraissent,
et qu'en toutes ces occasions il n'agisse que d'après les apparences, il en
était de même de Socrate; son opinion sur les sensations extérieures
ne l'empêchait pas d'user des choses conformément à ce qu'elles
paraissaient à ses yeux. En effet, il ne faut pas croire que le pain et le foin
parussent à Colotes ce qu'ils sont, parce qu'il avait lu ces règles d'Épicure
descendues du ciel pour le bonheur des hommes, et que c'était par vanité
que Socrate s'imaginait que le pain était du foin, et le foin du pain. Ces
sages sans doute professaient de meilleurs dogmes, et tenaient des
discours plus sensés que nous; mais d'avoir des sensations, d'être frappé
par les objets présents, ce sont des affections communes à tous les
hommes, et qui sont produites par des causes purement mécaniques. Le
raisonnement qui affirme que les sens naturels ne sont pas parfaits et ne
peuvent être le fondement d'une entière confiance, ne nie point pour cela
que chaque objet ne nous apparaisse réellement ; mais il nous avertit
qu'en usant de nos sensations pour agir conformément aux apparences,
nous ne devons pas y croire comme si elles étaient absolument vraies et
incapables d'erreur. L'usage nécessaire de nos sens et les avantages que
nous en retirons nous suffisent, parce que nous n'avons rien de meilleur;
mais cette connaissance de chaque objet qu'une âme philosophe désire
d'acquérir ne peut être dans les sens. Colotes nous donnera lieu de
revenir encore sur cette matière, parce qu'elle est le sujet des reproches
qu'il faisait à plusieurs philosophes.
« Un des points sur lesquels il insulte Socrate, c'est la question que
se fait ce philosophe sur la nature de l'homme, et à laquelle, par une
vanité puérile, suivant Colotes, il répond qu'il ne la connaît point ; mais il
est évident que Colotes n'a jamais réfléchi sur cette matière. Héraclite
croyait avoir beaucoup fait que de pouvoir dire : Je me suis cherché moi-même.
Entre les maximes qui sont gravées au temple de Delphes, celle
qu'on regarde comme la plus digne de Dieu est celle-ci : "Connais-toi toi-même".
Ce fut cette sentence qui donna lieu au doute de Socrate et à
la question dont nous parlons, comme le dit Aristote dans ses Questions
platoniques. Colotes trouve cela ridicule. Pourquoi donc ne se moque-t-il
pas aussi de son maître, qui montre la même disposition que Socrate
toutes les fois qu'il écrit ou qu'il raisonne sur la substance de l'âme et sur
les principes dont elle est composée? Si, comme le disent les épicuriens
eux-mêmes, il y a dans l'homme deux substances, l'âme et le corps, celui
qui recherche la nature de l'âme fait par cela seul des recherches sur la
nature de l'homme en commençant par le principe le plus noble. Que
cette nature soit pour la raison même difficile à comprendre et
inaccessible aux sens, c'est ce qu'il faut apprendre, non pas de Socrate,
qui n'est qu'un sophiste vain et arrogant, mais de ces sages philosophes,
qui, n'allant pas au delà des affections charnelles par le moyen desquelles
l'âme communique au corps la chaleur, la force et la souplesse, et qui,
formant sa substance d'un composé de chaud, d'esprit et d'air, ne
pénètrent pas jusqu'à sa faculté principale, et restent loin du but. Ils
prétendent que la partie de l'âme qui juge est le siège de la mémoire, qui
aime et qui hait; en un mot, la faculté raisonnable et intellectuelle vient
d'une qualité qu'ils ne nomment point. C'est la honte de leur ignorance qui
leur fait dire qu'ils ne savent pas nommer ce qu'au fait ils ne peuvent pas
comprendre. Mais accordons-leur sur ce point le pardon qu'ils demandent
; car l'intelligence de cette question n'est ni facile ni commune, et peu de
personnes en sont capables. C'est un secret enveloppé de ténèbres
profondes qu'il est difficile de percer, et, malgré la richesse de notre
langue, nous n'avons pas de terme propre pour l'exprimer. Socrate n'était
donc pas un sot lorsqu'il cherchait à se connaître lui-même ; il faut plutôt
le dire de tous ceux qui cherchent quelque autre chose avant celle-là,
dont la connaissance est aussi nécessaire que difficile; rarement
pouvons-nous espérer d'acquérir aucune autre science tant que nous
ignorons ce que nous avons de plus grand et de plus parfait en nous.
Mais accordons à Colotes que rien n'est plus inutile et plus
insupportable que de chercher à se connaître,
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