[1041] (1041a) Τίς οὖν τούτου πρὸς λόγους ἰταμώτερος γέγονεν, ὃς δυεῖν τῶν
ἀρίστων φιλοσόφων ἐγκέκληκε τῷ μὲν ὅτι πᾶσαν ἀρετὴν ἀναιρεῖ μὴ μόνον τὸ
καλὸν ἀγαθὸν ἀπολιπών, τῷ δ´ ὅτι τῆς ἡδονῆς τέλους οὔσης οὐ πᾶσαν ἀρετὴν
ἄνευ τῆς δικαιοσύνης σῴζεσθαι νομίζει; Θαυμαστὴ γὰρ ἡ ἐξουσία περὶ τῶν
αὐτῶν πραγμάτων διαλεγόμενον, ἃ τίθησιν αὐτὸς ἐγκαλῶν Ἀριστοτέλει, ταῦτ´
ἀναιρεῖν πάλιν Πλάτωνος κατηγοροῦντα. Καὶ μὴν ἐν ταῖς περὶ Δικαιοσύνης
Ἀποδείξεσι λέγει ῥητῶς ὅτι « πᾶν κατόρθωμα καὶ εὐνόμημα καὶ δικαιοπράγημά
ἐστι· τὸ δέ γε (1041b) κατ´ ἐγκράτειαν ἢ καρτερίαν ἢ φρόνησιν ἢ ἀνδρείαν
πραττόμενον κατόρθωμά ἐστιν· ὥστε καὶ δικαιοπράγημα. » Πῶς οὖν, οἷς
ἀπολείπει φρόνησιν καὶ ἀνδρείαν καὶ ἐγκράτειαν, οὐκ ἀπολείπει δικαιοσύνην;
Εὐθὺς αὐτῶν ὅσα κατορθοῦσιν ἐν ταῖς εἰρημέναις ἀρεταῖς καὶ δικαιοπραγούντων;
Τοῦ δὲ Πλάτωνος εἰπόντος τὴν ἀδικίαν ὡς διαφορὰ ψυχῆς οὖσα καὶ στάσις οὐδ´
ἐν αὐτοῖς τοῖς ἔχουσιν ἀποβάλλει τὴν δύναμιν ἀλλ´ αὐτὸν ἑαυτῷ συμβάλλει
καὶ συγκρούει {ταράττει} τὸν πονηρόν, ἐγκαλῶν Χρύσιππος ἀτόπως φησὶ
λέγεσθαι τὸ ἀδικεῖν ἑαυτόν· εἶναι γὰρ πρὸς ἕτερον οὐ πρὸς ἑαυτὸν τὴν
ἀδικίαν· ἐπιλαθόμενος δὲ τούτων (1041c) αὖθις ἐν ταῖς περὶ Δικαιοσύνης
Ἀποδείξεσιν ἀδικεῖσθαί φησιν ὑφ´ ἑαυτοῦ τὸν ἀδικοῦντα καὶ αὑτὸν ἀδικεῖν,
ὅταν ἄλλον ἀδικῇ, γενόμενον ἑαυτῷ τοῦ παρανομεῖν αἴτιον καὶ βλάπτοντα παρ´
ἀξίαν ἑαυτόν. Ἐν μὲν τοῖς πρὸς Πλάτωνα ταῦτ´ εἴρηκε περὶ τοῦ τὴν ἀδικίαν
λέγεσθαι μὴ πρὸς ἑαυτὸν ἀλλὰ πρὸς ἕτερον·
«Οἱ γὰρ κατ´ ἰδίαν ἄδικοι συνεστήκασιν ἐκ πλειόνων τοιούτων τἀναντία
λεγόντων, καὶ ἄλλως τῆς ἀδικίας λαμβανομένης ὡς ἂν ἐν πλείοσι πρὸς ἑαυτοὺς
οὕτως ἔχουσιν εἰς δὲ τὸν ἕνα μηδενὸς διατείνοντος τοιούτου, καθ´ ὅσον δὲ
πρὸς τοὺς πλησίον ἔχει οὕτως. »
(1041d) Ἐν δὲ ταῖς Ἀποδείξεσι τοιούτους ἠρώτηκε λόγους περὶ τοῦ τὸν ἄδικον
καὶ ἑαυτὸν ἀδικεῖν·
« Παραίτιον γενέσθαι παρανομήματος ἀπαγορεύει ὁ νόμος· καὶ τὸ ἀδικεῖν ἐστι
παρανόμημα· ὁ τοίνυν παραίτιος γενόμενος αὑτῷ τοῦ ἀδικεῖν παρανομεῖ εἰς
ἑαυτόν· ὁ δὲ παρανομῶν εἰς ἕνα καὶ ἀδικεῖ ἐκεῖνον· ὁ ἄρα καὶ ὁντινοῦν
ἀδικῶν καὶ ἑαυτὸν ἀδικεῖ. »
Πάλιν
« Τὸ ἁμάρτημα τῶν βλαμμάτων ἐστί, καὶ πᾶς ἁμαρτάνων παρ´ ἑαυτὸν ἁμαρτάνει·
πᾶς ἄρ´ ὁ ἁμαρτάνων βλάπτει ἑαυτὸν παρὰ τὴν ἀξίαν· εἰ δὲ τοῦτο, καὶ ἀδικεῖ
ἑαυτόν.»
Ἔτι καὶ οὕτως
« Ὁ βλαπτόμενος ὑφ´ ἑτέρου ἑαυτὸν βλάπτει (1041e) καὶ παρὰ τὴν ἀξίαν
ἑαυτὸν βλάπτει· τοῦτο δ´ ἦν τὸ ἀδικεῖν· ὁ ἄρ´ ἀδικούμενος καὶ ὑφ´ ὁτουοῦν
πᾶς ἑαυτὸν ἀδικεῖ. »
Τὸν περὶ ἀγαθῶν καὶ κακῶν λόγον, ὃν αὐτὸς εἰσάγει καὶ δοκιμάζει,
συμφωνότατον εἶναί φησι τῷ βίῳ καὶ μάλιστα τῶν ἐμφύτων ἅπτεσθαι προλήψεων.
Ταυτὶ γὰρ ἐν τῷ τρίτῳ τῶν Προτρεπτικῶν εἴρηκεν· ἐν δὲ τῷ πρώτῳ τοῦτον τὸν
λόγον φησὶν ἀπὸ τῶν ἄλλων ἁπάντων ἀφέλκειν τὸν ἄνθρωπον ὡς οὐδὲν ὄντων
πρὸς ἡμᾶς οὐδὲ συνεργούντων πρὸς εὐδαιμονίαν οὐδέν. Ὅρα τοίνυν, πῶς αὑτῷ
σύμφωνός ἐστι, τὸν ἀφέλκοντα τοῦ ζῆν καὶ τῆς ὑγιείας καὶ τῆς ἀπονίας καὶ
τῆς τῶν αἰσθητηρίων ὁλοκληρίας καὶ μηδὲν (1041f) εἶναι ταῦτα φάσκοντα
πρὸς ἡμᾶς, ἃ παρὰ τῶν θεῶν αἰτούμεθα, μάλιστα συμφωνεῖν τῷ βίῳ καὶ ταῖς
κοιναῖς προλήψεσιν ἀποφαινόμενος. Ἀλλ´ ἵνα μηδ´ ἄρνησις ᾖ τοῦ τἀναντία
λέγειν, ἐν τῷ τρίτῳ περὶ Δικαιοσύνης ταῦτ´ εἴρηκε·
« Διὸ καὶ διὰ τὴν ὑπερβολὴν τοῦ τε μεγέθους καὶ τοῦ κάλλους πλάσμασι
δοκοῦμεν ὅμοια λέγειν καὶ οὐ κατὰ τὸν ἄνθρωπον καὶ τὴν ἀνθρωπίνην φύσιν. »
| [1041] (1041a) Mais qui fut jamais plus inconsidéré dans ses paroles que
Chrysippe, qui, en attaquant deux des plus grands philosophes, impute à
l'un de détruire toute vertu en n'admettant pas qu'il n'y ait de bien que
ce qui est honnête, et à l'autre de ne pas croire qu'en donnant à la
volupté la qualité de fin dernière, toutes les vertus puissent subsister,
la justice seule exceptée ? Quelle plus étonnante licence que d'établir
sur une même matière ce qu'il blâme dans Aristote, pour le détruire
ensuite quand il attaque Platon? Mais, dans ses Démonstrations sur la
justice, il dit formellement que toute bonne action est conforme à la loi
et à la justice. Or, (1041b) tout acte qui est l'effet de la continence,
de la patience, de la prudence et de la force, est une bonne action ; elle
est donc aussi conforme à la justice. Comment donc peut-il refuser la
justice à ceux à qui il conserve la prudence, la continence et la force,
puisque tous les actes qu'ils font de conformes à ces vertus sont des
actions bonnes, et par conséquent justes ?
Platon a dit que l'injustice est la corruption et la révolte de l'âme, et
que, conservant une domination tyrannique sur ceux qui s'y livrent, elle
trouble, elle agite l'homme méchant et le met en guerre contre lui-même.
Chrysippe blâme cette maxime, et prétend qu'il est absurde de dire qu'un
homme se fasse tort à lui-même ; que l'injustice a toujours rapport à
autrui, et non à soi. Mais ensuite, oubliant ce principe, (1041c) il dit,
dans ses Démonstrations sur la justice, que l'homme injuste se fait tort
à lui-même ; que l'injustice dont il se rend coupable envers autrui
retombe sur lui-même, puisqu'elle lui fait transgresser les lois, en quoi
il se fait à lui-même une offense injuste. Dans son ouvrage contre Platon, il
soutient que l'injustice n'a jamais rapport à soi, mais à autrui .
« Les hommes injustes envers eux-mêmes devraient, pour ainsi dire, être
composés de plusieurs individus qui seraient contraires les uns aux autres
; et en recevant une injustice, ils seraient affectés comme une seule
personne peut l'être par plusieurs. Or, un seul homme ne peut éprouver
rien de semblable en lui-même, mais seulement à l'égard des autres.»
(1041d) Ensuite, dans ses Démonstrations sur la justice, voici comment il
raisonne pour prouver que l'homme injuste se fait tort à lui-même:
« La loi défend d'être la cause d'une transgression de la loi ; or,
commettre une injustice, c'est transgresser la loi. Celui donc qui est
cause qu'il commet lui-même une injustice se rend coupable d'une
transgression de la loi ; mais celui qui viole la loi au préjudice de
quelqu'un lui fait tort. De même, celui qui commet une injustice contre
quelque homme que ce soit se fait tort à lui-même. »
Il dit encore :
« Une faute est une sorte de dommage : par conséquent, tout homme qui
commet une faute se cause à lui-même du dommage ; sa faute est un tort
qu'il se fait injustement ; il est donc injuste envers lui-même. Celui qui
est blessé par un autre s'offense injustement lui-même, et c'est là
commettre une injustice. Ainsi tout homme qui est offensé (1041e) par
quelque personne que ce soit, est injuste envers lui-même. »
Il prétend que la doctrine qu'il expose et qu'il approuve sur les biens et
sur les maux s'accorde parfaitement avec la vie humaine, et qu'elle a le plus grand
rapport avec les notions que nous avons en nous-mêmes : c'est ce qu'il établit dans le
troisième livre des Exhortations. Et il avait dit au contraire dans le
premier que cette doctrine détourne l'homme de tous les autres objets,
comme n'ayant aucun rapport avec nous et ne contribuant en -rien à notre
bonheur. Voyez comment il est d'accord avec lui-même, quand il dit qu'une
doctrine qui nous rend indifférents à la vie, à la santé, au repos, à
l'intégrité des sens, et qui nous fait regarder comme étrangers (1041f)
pour nous les biens que nous demandons aux dieux, est très conforme à la
vie humaine et aux notions communes que nous avons reçues de la nature. Et
afin qu'on ne puisse pas nier cette contradiction, il s'exprime ainsi dans
son troisième livre sur là Justice :
« L'excellence et la beauté de nos maximes les font regarder comme des
fables qui ne sauraient convenir à la nature humaine. »
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