[1042] (1042a) Ἔστιν οὖν ὅπως ἄν τις ἐξομολογήσαιτο σαφέστερον τἀναντία λέγειν
αὐτὸς πρὸς ἑαυτὸν ἢ οὗτος, ἃ δι´ ὑπερβολήν φησι πλάσματα δοκεῖν εἶναι καὶ
ὑπὲρ τὸν ἄνθρωπον καὶ ὑπὲρ τὴν ἀνθρωπίνην φύσιν λέγεσθαι, ταῦτα συμφωνεῖν
τῷ βίῳ φάσκων καὶ μάλιστα τῶν ἐμφύτων ἅπτεσθαι προλήψεων;
Οὐσίαν κακοδαιμονίας ἀποφαίνει τὴν κακίαν, ἐν παντὶ βιβλίῳ φυσικῷ καὶ
ἠθικῷ γράφων καὶ διατεινόμενος ὅτι « τὸ κατὰ κακίαν ζῆν τῷ κακοδαιμόνως
ζῆν ταὐτόν ἐστιν »· ἐν δὲ τῷ τρίτῳ περὶ Φύσεως ὑπειπὼν ὅτι « λυσιτελεῖ ζῆν
ἄφρονα μᾶλλον ἢ μὴ βιοῦν, κἂν μηδέποτε μέλλῃ φρονήσειν
(1042b) ἐπιλέγει
« τοιαῦτα γὰρ τἀγαθά ἐστι τοῖς ἀνθρώποις, ὥστε τρόπον τινὰ τὰ κακὰ τῶν ἀνὰ
μέσον προτερεῖν.»
Ὅτι μὲν οὖν εἰρηκὼς ἐν ἑτέροις μηδὲν εἶναι τοῖς ἄφροσι λυσιτελὲς ἐνταῦθά
φησι λυσιτελεῖν τὸ ἀφρόνως ζῆν, ἀφίημι· τῶν δ´ ἀνὰ μέσον λεγομένων παρὰ
τοῖς Στωικοῖς μήτε κακῶν ὄντων μήτ´ ἀγαθῶν τὰ κακὰ προτερεῖν λέγων οὐδὲν
ἄλλο λέγει πλὴν τῶν μὴ κακῶν τὰ κακὰ προτερεῖν καὶ τὸ κακοδαιμονεῖν
λυσιτελέστερον εἶναι τοῦ μὴ κακοδαιμονεῖν, καὶ τοῦ κακοδαιμονεῖν
ἀλυσιτελέστερον ἡγεῖται τὸ μὴ κακοδαιμονεῖν· εἰ δ´ ἀλυσιτελέστερον, καὶ
βλαβερώτερον· τὸ μὴ κακοδαιμονεῖν ἄρα βλαβερώτερον τοῦ κακοδαιμονεῖν.
Βουλόμενος οὖν ταύτην ἐπιλεαίνειν τὴν ἀτοπίαν ἐπιλέγει περὶ τῶν κακῶν·
(1042c) « Ἔστι δ´ οὐ ταῦτα προτεροῦντα, ἀλλ´ ὁ λόγος, μεθ´ οὗ βιοῦν
ἐπιβάλλει μᾶλλον, καὶ εἰ ἄφρονες ἐσόμεθα.»
Πρῶτον μὲν οὖν τὰ κακὰ κακίαν λέγει καὶ τὰ μετέχοντα κακίας, ἄλλο δ´
οὐθέν· ἡ δὲ κακία λογικόν ἐστι μᾶλλον δὲ λόγος ἡμαρτημένος· οὐδὲν οὖν
ἕτερόν ἐστι τὸ μετὰ λόγου βιοῦν ἄφρονας ὄντας ἢ τὸ μετὰ κακίας βιοῦν·
ἔπειτα τὸ βιοῦν ἄφρονας ὄντας βιοῦν ἐστι κακοδαίμονας ὄντας. Πρὸς τί οὖν
προτερεῖ τοῦτο τῶν ἀνὰ μέσον; Οὐ γὰρ πρός γε τὸ εὐδαιμονεῖν φήσει
προτερεῖν τὸ κακοδαιμονεῖν. Ἀλλ´ οὐδ´ ὅλως, φασίν, οἴεται δεῖν Χρύσιππος
(1042d) οὔτε μονὴν ἐν τῷ βίῳ τοῖς ἀγαθοῖς οὔτ´ ἐξαγωγὴν τοῖς κακοῖς
παραμετρεῖν ἀλλὰ τοῖς μέσοις κατὰ φύσιν· διὸ καὶ τοῖς εὐδαιμονοῦσι γίνεταί
ποτε καθῆκον ἐξάγειν ἑαυτοὺς καὶ μένειν αὖθις ἐν τῷ ζῆν τοῖς
κακοδαιμονοῦσιν.
Εἶτα τί τούτου μεῖζόν ἐστιν ὑπεναντίωμα πρὸς αἵρεσιν καὶ φυγήν, εἰ τοῖς
ἐπ´ ἄκρον εὐδαιμονοῦσιν ἀπουσίᾳ τῶν ἀδιαφόρων ἀφίστασθαι τῶν ἀγαθῶν
παρόντων καθήκει; Καίτοι τῶν ἀδιαφόρων οὐθὲν αἱρετὸν οὐδὲ φευκτόν, ἀλλὰ
μόνον αἱρετὸν τὸ ἀγαθὸν καὶ μόνον φευκτὸν ἡγοῦνται τὸ κακόν· ὥστε
συμβαίνει κατ´ αὐτοὺς μὴ πρὸς τὰ αἱρετὰ μηδὲ πρὸς (1042e) τὰ φευκτὰ τοὺς
τῶν πράξεων τίθεσθαι λογισμούς, ἀλλ´ ἑτέρων στοχαζομένους ἃ μήτε φεύγουσι
μήθ´ αἱροῦνται, πρὸς ταῦτα καὶ ζῆν καὶ ἀποθνήσκειν.
Τἀγαθὰ πρὸς τὰ κακὰ τὴν πᾶσαν ἔχειν διαφορὰν ὁμολογεῖ Χρύσιππος· καὶ
ἀναγκαῖόν ἐστιν, εἰ τὰ μὲν ἐσχάτως ποιεῖ κακοδαίμονας εὐθὺς οἷς ἂν παρῇ,
τὰ δ´ ἐπ´ ἄκρον εὐδαίμονας. Αἰσθητὰ δ´ εἶναι τἀγαθὰ καὶ τὰ κακά φησιν, ἐν
τῷ προτέρῳ περὶ Τέλους ταῦτα γράφων·
« Ὅτι μὲν γὰρ αἰσθητά ἐστι τἀγαθὰ καὶ τὰ κακά, καὶ τούτοις ἐκποιεῖ λέγειν·
οὐ γὰρ μόνον τὰ πάθη ἐστὶν αἰσθητὰ σὺν τοῖς (1042f) εἴδεσιν, οἷον λύπη καὶ
φόβος καὶ τὰ παραπλήσια, ἀλλὰ καὶ κλοπῆς καὶ μοιχείας καὶ τῶν ὁμοίων ἔστιν
αἰσθέσθαι, καὶ καθόλου ἀφροσύνης καὶ δειλίας καὶ ἄλλων οὐκ ὀλίγων κακιῶν·
οὐδὲ μόνον χαρᾶς καὶ εὐεργεσιῶν καὶ ἄλλων πολλῶν κατορθώσεων, ἀλλὰ καὶ
φρονήσεως καὶ ἀνδρείας καὶ τῶν λοιπῶν ἀρετῶν.»
Ούτων τὴν μὲν ἄλλην ἀτοπίαν ἀφῶμεν, ὅτι δὲ μάχεται τοῖς περὶ τὸν
διαλεληθότα σοφόν, τίς οὐκ ἂν ὁμολογήσειεν; Αἰσθητοῦ γὰρ ὄντος τοῦ ἀγαθοῦ
καὶ μεγάλην πρὸς τὸ κακὸν διαφορὰν ἔχοντος,
| [1042] (1042a) Est-il possible de se reconnaître plus ouvertement en
contradiction avec soi-même que ne le fait cet homme, qui prétend que
l'excellence de ses opinions les fait regarder comme des fables qui sont
au-dessus de la nature de l'homme, et que cependant elles s'accordent
parfaitement avec la vie humaine, et ont le plus grand rapport avec les
notions que la nature a mises en nous ?
Il soutient que l'essence du malheur est dans le vice, et il assure, dans
tous ses ouvrages de physique et de morale, que vivre dans le vice, c'est
être malheureux. Mais, dans son troisième livre de la Nature, après avoir
dit qu'il vaut mieux pour l'insensé de vivre que d'être privé de la vie,
encore qu'il n'ait aucune espérance de devenir sage, (1042b) il ajoute :
« Car il y a pour les hommes une sorte de biens qui font que les maux
mêmes sont préférables pour eux aux choses indifférentes. »
Je ne fais pas remarquer ici qu'ayant dit précédemment que rien ne
profitait aux insensés, il soutient ensuite qu'il leur est utile de vivre.
Mais dans l'opinion des stoïciens, les choses indifférentes n'étant ni
bonnes ni mauvaises, dire que les mauvaises l'emportent sur les
indifférentes, c'est dire que les choses mauvaises valent mieux que celles
qui ne le sont pas, et qu'être malheureux est un état meilleur que de ne
l'être pas. S'il n'est pas, selon lui, plus avantageux de n'être pas
malheureux, il croit donc aussi que cette exemption de malheurs est plus
nuisible. Il est vrai que, pour adoucir un peu cette étrange doctrine, il
dit en parlant des maux :
(1042c) « Ce ne sont pas les maux qui valent mieux, mais la raison, qui
fait que la vie est préférable, même avec la certitude de n'être jamais sage. »
Premièrement, il donne le nom de maux au vice et à ce qui tient de la
nature du vice, et à rien autre chose. Or le vice est uni à la raison, ou
plutôt c'est une raison dépravée. Vivre donc même avec la raison lorsqu'on
manque de sagesse, c'est vivre dans le vice. D'ailleurs, vivre sans
sagesse, c'est être malheureux. En quoi donc les maux sont-ils préférables
aux choses indifférentes? Sans doute il n'a pas voulu dire que ces choses
indifférentes fissent le bonheur ou le malheur; car Chrysippe (1042d) au
dire des stoïciens, n'a jamais cru qu'il fallût mettre au rang des biens
de demeurer dans la vie, ni au nombre des maux d'en sortir; mais il a
pensé que c'étaient des choses indifférentes de leur nature, et par
conséquent qu'il convient quelquefois aux gens heureux de sortir de la
vie, et aux malheureux d'y rester.
Mais dans quelle plus grande contradiction peut-on tomber, par rapport aux
choses à rechercher et à fuir, que de vouloir que ceux qui sont
parfaitement heureux renoncent, pour l'absence d'une chose indifférente, à
tous les biens présents, tandis que les stoïciens soutiennent que rien de
ce qui est indifférent n'est par soi-même à rechercher ou à fuir, mais que
le bien seul est désirable, et que le mal seul doit être évité? Il suit de
là, disent-ils, que quand on délibère sur le parti qu'on prendra, (1042e)
il ne faut avoir égard ni aux biens ni aux maux, mais qu'en se proposant
d'autres choses, qui ne sont ni à rechercher ni à fuir, on décidera
d'après ces sortes de choses si l'on doit vivre ou mourir.
Chrysippe convient que les biens diffèrent essentiellement des maux, et il
faut bien que cela soit, puisque les uns rendent l'homme très malheureux,
et que les autres sont pour lui le souverain bonheur. Dans son premier
livre sur la Fin de nos actions, il dit que les biens et les maux sont du
nombre des choses sensibles. Voici ses expressions :
«Les raisons suivantes nous obligent de convenir que les biens et les
maux sont dans la classe des choses sensibles, car non seulement les
passions et leurs différentes (1042f) espèces, comme la tristesse, la
crainte et les autres affections semblables, sont de ce nombre, mais
encore le larcin, l'adultère et les autres crimes de cette nature, et même
en général la folie, la lâcheté, et tous les vices pareils. Il faut y
comprendre aussi non seulement la joie, la bienfaisance et plusieurs
autres bonnes actions, mais la prudence, la force et les autres vertus. »
Je ne relève pas tout ce ce qu'il y a d'absurde dans ces paroles. Il n'est
personne qui ne sente combien elles sont en contradiction avec ce qu'ils
avancent ailleurs, qu'un homme devient sage sans qu'il s'en aperçoive; car
si le bien est sensible, s'il a une si grande différence avec le mal,
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