[1056] πολλάκις γὰρ οἱ σοφοὶ ψεύδει χρῶνται
(1056a) πρὸς τοὺς φαύλους καὶ φαντασίαν παριστᾶσι πιθανήν, οὐ μὴν αἰτίαν
τῆς συγκαταθέσεως· ἐπεὶ καὶ τῆς ὑπολήψεως αἰτία τῆς ψευδοῦς ἔσται καὶ τῆς
ἀπάτης. »
Ταῦτ´ οὖν ἄν τις ἀπὸ τοῦ σοφοῦ μεταφέρων ἐπὶ τὴν εἱμαρμένην λέγῃ μὴ διὰ
τὴν εἱμαρμένην γίνεσθαι τὰς συγκαταθέσεις, ἐπεὶ διὰ τὴν εἱμαρμένην ἔσονται
καὶ ψευδεῖς συγκαταθέσεις καὶ ὑπολήψεις καὶ ἀπάται καὶ βλαβήσονται διὰ τὴν
εἱμαρμένην, ὁ τοῦ βλάπτειν τὸν σοφὸν ἐξαιρούμενος λόγος ἅμα καὶ τὸ μὴ
πάντων αἰτίαν εἶναι τὴν εἱμαρμένην ἀποδείκνυσιν. Εἰ γὰρ μήτε δοξάζουσι
μήτε βλάπτονται διὰ τὴν εἱμαρμένην, δῆλον ὅτι οὐδὲ κατορθοῦσιν (1056b)
οὐδὲ φρονοῦσιν οὐδ´ ὑπολαμβάνουσι βεβαίως οὐδ´ ὠφελοῦνται διὰ τὴν
εἱμαρμένην, ἀλλ´ οἴχεται τὸ πάντων αἰτίαν εἶναι τὴν εἱμαρμένην. Ὁ δὲ
λέγων, ὅτι Χρύσιππος οὐκ αὐτοτελῆ τούτων αἰτίαν ἀλλὰ προκαταρκτικὴν μόνον
ἐποιεῖτο τὴν εἱμαρμένην, ἐκεῖ πάλιν αὐτὸν ἀποδείξει μαχόμενον πρὸς αὑτόν,
ὅπου τὸν μὲν Ὅμηρον ὑπερφυῶς ἐπαινεῖ περὶ τοῦ Διὸς λέγοντα·
« Τῷ ἔχεθ´, ὅττι κεν ὔμμι κακὸν πέμπῃσιν ἑκάστῳ »
ἢ ἀγαθόν, καὶ τὸν Εὐριπίδην
« Ὦ Ζεῦ, τί δῆτα τοὺς ταλαιπώρους βροτοὺς
φρονεῖν λέγοιμ´ ἄν; Σοῦ γὰρ ἐξηρτήμεθα,
δρῶμέν τε τοιάδ´, ἃ σὺ τυγχάνεις φρονῶν· »
(1056b) αὐτὸς δὲ πολλὰ τούτοις ὁμολογούμενα γράφει, τέλος δέ φησι μηδὲν
ἴσχεσθαι μηδὲ κινεῖσθαι μηδὲ τοὐλάχιστον ἄλλως ἢ κατὰ τὸν τοῦ Διὸς λόγον,
ὃν τῇ εἱμαρμένῃ τὸν αὐτὸν εἶναι. Ἔτι τοίνυν τὸ μὲν προκαταρκτικὸν αἴτιον
ἀσθενέστερόν ἐστι τοῦ αὐτοτελοῦς καὶ οὐκ ἐξικνεῖται κρατούμενον ὑπ´ ἄλλων
ἐνισταμένων, τὴν δ´ εἱμαρμένην αἰτίαν ἀνίκητον καὶ ἀκώλυτον καὶ ἄτρεπτον
ἀποφαίνων αὐτὸς Ἄτροπον καλεῖ καὶ Ἀδράστειαν καὶ Ἀνάγκην καὶ Πεπρωμένην ὡς
πέρας ἅπασιν ἐπιτιθεῖσαν.
Πότερον οὖν τὰς συγκαταθέσεις μὴ λέγωμεν ἐφ´ ἡμῖν εἶναι μηδὲ τὰς ἀρετὰς
(1056d) μηδὲ τὰς κακίας μηδὲ τὸ κατορθοῦν μηδὲ τὸ ἁμαρτάνειν, ἢ τὴν
εἱμαρμένην λέγωμεν ἐλλείπουσαν εἶναι καὶ τὴν πεπρωμένην ἀπεράτωτον καὶ τὰς
τοῦ Διὸς κινήσεις καὶ σχέσεις ἀσυντελέστους; Τούτων γὰρ ἕπεται τὰ μὲν τῷ
αὐτοτελῆ τὰ δὲ τῷ προκαταρκτικὴν μόνον αἰτίαν εἶναι τὴν εἱμαρμένην.
Αὐτοτελὴς μὲν γὰρ αἰτία πάντων οὖσα τὸ ἐφ´ ἡμῖν καὶ τὸ ἑκούσιον ἀναιρεῖ,
προκαταρκτικὴ δὲ τὸ ἀκώλυτος εἶναι καὶ τελεσιουργὸς ἀπόλλυσιν. Οὐδὲ γὰρ
ἅπαξ ἢ δὶς ἀλλὰ πανταχοῦ μᾶλλον δ´ ἐν πᾶσι τοῖς Φυσικοῖς (1056e) γέγραφε
ταῖς μὲν κατὰ μέρος φύσεσι καὶ κινήσεσιν ἐνστήματα πολλὰ γίνεσθαι καὶ
κωλύματα, τῇ δὲ τῶν ὅλων μηδέν. Καὶ πῶς εἰς τὰς κατὰ μέρος ἡ τῶν ὅλων
διατείνουσα κίνησις, ἐμποδιζομένων καὶ κωλυομένων ἐκείνων, ἀνεμπόδιστος
αὐτὴ καὶ ἀκώλυτός ἐστιν; Οὐδὲ γὰρ ἡ τοῦ ἀνθρώπου φύσις ἀνεμπόδιστος, εἰ
μηδ´ ἡ τοῦ ποδὸς ἢ τῆς χειρός· οὐδ´ ἡ τῆς νεὼς κίνησις ἀκώλυτος ἂν εἴη, ἂν
αἱ περὶ τὸ ἱστίον ἢ τὴν εἰρεσίαν ἐνέργειαι κωλύσεις τινὰς ἔχωσιν. Ἄνευ δὲ
τούτων, εἰ μὲν αἱ φαντασίαι μὴ γίνονται καθ´ εἱμαρμένην τῶν
συγκαταθέσεων· εἰ δ´ ὅτι ποιεῖ φαντασίας ἀγωγοὺς ἐπὶ τὴν συγκατάθεσιν,
καθ´ εἱμαρμένην αἱ συγκαταθέσεις γίνεσθαι λέγονται, πῶς οὐ μάχεται πρὸς
(1056f) ἑαυτὴν πολλάκις ἐν τοῖς μεγίστοις διαφόρους ποιοῦσα φαντασίας καὶ
περισπώσας ἐπὶ τἀναντία τὴν διάνοιαν, ὅτε τοὺς προστιθεμένους τῇ ἑτέρᾳ καὶ
μὴ ἐπέχοντας ἁμαρτάνειν λέγουσιν, ἂν μὲν ἀδήλοις εἴκωσι, προπίπτοντας, ἂν
δὲ ψευδέσι, διαψευδομένους, ἂν δὲ κοινῶς ἀκαταλήπτοις, δοξάζοντας; Καίτοι
δεῖ, τριῶν ὄντων, ἢ μὴ πᾶσαν εἶναι φαντασίαν εἱμαρμένης ἔργον ἢ πᾶσαν
παραδοχὴν φαντασίας καὶ συγκατάθεσιν ἀναμάρτητον ἢ μηδ´ αὐτὴν τὴν
εἱμαρμένην ἀνεπίληπτον·
| [1056] Car souvent les sages emploient le mensonge (1056a) à
l'égard des méchants, et ils offrent à leur imagination des motifs
vraisemblables, mais qui ne sont pas la cause de leur consentement ;
autrement ils le seraient aussi d'une opinion fausse et de l'erreur. On
pourra donc transporter ce raisonnement du sage au Destin, et dire que le
Destin ne détermine pas le consentement ; car autrement il serait la cause
de consentements faux, d'erreurs et d'opinions nuisibles. Ainsi la raison,
qui fait que le sage ne nuit à personne, nous montre aussi que le Destin
n'est pas la cause de tout. Car si le Destin ne produit pas les opinions
des hommes, et s'il ne leur cause aucun dommage, ce ne sera pas lui non
plus qui les fera agir (1056b) avec droiture et avec prudence, qui les
rendra fermes dans leurs opinions et qui leur procurera des avantages, ce
qui détruit cette assertion des stoïciens, que le Destin est la cause de
tout. Si quelqu'un m'objecte que Chrysippe ne dit pas que le Destin soit
la cause absolue de tout, mais seulement la cause antécédente, il prouvera
encore que ce philosophe est en contradiction avec lui-même, puisqu'il
loue singulièrement ce qu'Homère dit de Jupiter :
"Et des biens et des maux Jupiter est l'arbitre".
Et ce vers d'Euripide : "Jupiter, l'homme tient de ta seule puissance
Sa raison, ses talents et toute sa prudence".
(1056b) Chrysippe, après avoir écrit beaucoup de choses analogues à ces
maximes, finit par dire que rien n'est en repos et que rien ne se meut,
même ce qu'il y a de plus petit, que conformément à la raison de Jupiter,
qu'il dit être une même chose avec le Destin. Mais une cause antécédente
est plus faible qu'une cause absolue, et, forcée de céder à des obstacles
qui lui résistent, elle ne parvient pas à produire son effet. Or
Chrysippe, pour montrer que le Destin est une cause invincible que rien ne
peut arrêter ni changer, lui donne les noms d'Atropos, d'Adrastée, de
Nécessité, de Fin déterminante, parce qu'il donne à toutes choses leur fin
et leur terme.
Dirons-nous donc que ni les consentements, (1056d) ni les vertus, ni les
vices, ni les bonnes, ni les mauvaises actions ne sont en notre pouvoir?
Ou croirons-nous que le Destin n'atteint pas à son but, qu'une faculté
faite pour donner à toutes choses leur terme ne les termine point, et que
les mouvements et les habitudes de Jupiter n'ont pas leur accomplissement?
L'une de ces conséquences suit de l'opinion qui veut que le Destin soit
une cause absolue, et l'autre de celle qui n'en fait qu'une cause
antécédente : s'il est une cause absolue, il détruit notre libre arbitre
et le choix de notre volonté; s'il n'est qu'une cause antécédente, il
n'aura plus le pouvoir d'arriver sans obstacle aux fins qu'il se propose.
Or, dans tous ses ouvrages, et principalement dans ceux de physique,
(1056e) Chrysippe ne cesse de répéter que les natures particulières et
leurs mouvements éprouvent beaucoup d'obstacles et d'empêchements, au lieu
que le mouvement de l'univers n'en connaît aucun. Mais si les mouvements
des êtres particuliers rencontrent des obstacles, comment est-il
possible que le mouvement de l'univers, qui renferme celui des êtres
particuliers, n'en éprouve point? La nature de l'homme ne trouvera-t-elle
pas de l'empêchement dans ses fonctions, si le pied et la main n'ont pas
toute leur liberté? ou le mouvement d'un vaisseau peut-il être libre,
quand il y a de l'embarras dans les voiles ou dans les rames? Et sans
cela, si les imaginations ne sont pas produites par le Destin, elles
n'opèrent pas les consentements. Ou si Chrysippe prétend que lorsque les
imaginations conduisent aux consentements, ceux-ci sont déterminés par le
Destin, comment le Destin pourrait-il n'être pas (1056f) contraire à
lui-même, puisque dans les choses les plus importantes il nous imprime des
imaginations opposées et qui tirent nos pensées en sens contraire ? Ils
disent cependant que ceux qui se déterminent d'après l'une ou l'autre de
ces imaginations, et qui ne retiennent pas leur consentement, se rendent
coupables; que s'ils cèdent à des imaginations obscures, ils se heurtent à
chaque pas ; si elles sont fausses, ils donnent dans l'erreur ; si elles
sortent de l'appréhension commune, ils n'ont que des opinions vagues et
incertaines. Il faut donc de trois choses l'une, ou que toute imagination
ne soit pas l'effet du Destin, ou que tout consentement à une imagination
soit exempte de blâme, ou enfin que le Destin lui-même ne soit pas irrépréhensible ;
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