[9] Τὰ μὲν οὖν φαῦλα παραδείγματα τὴν θέαν οὐκ
εὔχαριν ἀλλ´ ἀναγκαίαν μόνον εἶχε· τοὺς δ´ ἠπίως καὶ
λείως ὁμιλοῦντας ὀργαῖς κάλλιστα μὲν ἀκούσματα κάλλιστα
δὲ θεάματα ποιούμενος ἄρχομαι καταφρονεῖν τῶν
λεγόντων·
"ἄνδρ´ ἠδίκησας· ἄνδρ´ ἀνεκτέον τόδε;"
καί "βαῖνε λάξ, ἐπὶ τραχήλου βαῖνε, καὶ πέλα χθονί,"
καὶ τἄλλα παροξυντικά, δι´ ὧν ἔνιοι τὸν θυμὸν ἐκ τῆς
γυναικωνίτιδος εἰς τὴν ἀνδρωνῖτιν οὐκ εὖ μετοικίζουσιν.
ἡ γὰρ ἀνδρεία κατὰ τἄλλα τῇ δικαιοσύνῃ συμφερομένη
περὶ μόνης μοι δοκεῖ διαμάχεσθαι τῆς πραότητος ὡς
αὐτῇ μᾶλλον προσηκούσης. ἀνθρώπων μὲν γὰρ κρατῆσαι
καὶ χείροσι βελτιόνων ὑπῆρξε, τὸ δ´ ἐν ψυχῇ στῆσαι
κατὰ θυμοῦ τρόπαιον (ᾧ χαλεπὸν εἶναι μάχεσθαι φησὶν
Ἡράκλειτος· "ὅ τι γὰρ ἂν θέλῃ, ψυχῆς ὠνεῖται")
μεγάλης ἐστὶ καὶ νικητικῆς ἰσχύος, ὥσπερ νεῦρα καὶ
τόνους ἀληθῶς ἐπὶ τὰ πάθη τὰς κρίσεις ἐχούσης. διὸ καὶ
συνάγειν ἀεὶ πειρῶμαι καὶ ἀναγινώσκειν οὐ ταῦτα δὴ
νοῦν μόνα τὰ τῶν φιλοσόφων, οὕς φασι χολὴν οὐκ ἔχειν οἱ
οὐκ ἔχοντες, ἀλλὰ μᾶλλον τὰ τῶν βασιλέων καὶ τυράννων·
οἷον Ἀντιγόνου τὸ πρὸς τοὺς στρατιώτας τοὺς παρὰ
τὴν σκηνὴν λοιδοροῦντας αὐτὸν ὡς οὐκ ἀκούοντα· τὴν γὰρ
βακτηρίαν ὑποβαλὼν ἔξω "παπαί" εἶπεν "οὐ πορρωτέρω
ποι τραπόμενοι κακῶς ἐρεῖθ´ ἡμᾶς;" Ἀρκαδίωνος δὲ τοῦ
Ἀχαιοῦ τὸν Φίλιππον ἀεὶ κακῶς λέγοντος καὶ φεύγειν
παραινοῦντος,
"εἰσόκε τοὺς ἀφίκηται οἳ οὐκ ἴσασι Φίλιππον",
εἶτά πως ἐν Μακεδονίᾳ φανέντος ᾤοντο δεῖν οἱ φίλοι
κολάσαι καὶ μὴ περιιδεῖν· ὁ δὲ Φιλίππος ἐντυχὼν αὐτῷ
φιλανθρώπως καὶ ξένια καὶ δῶρα πέμψας ἐκέλευσεν
ὕστερον πυνθάνεσθαι, τίνας λόγους ἀπαγγέλλοι πρὸς τοὺς
Ἕλληνας· ὡς δὲ πάντες ἐμαρτύρουν ἐπαινέτην αὐτοῦ γεγονέναι
τὸν ἄνδρα θαυμάσιον,"ἐγὼ τοίνυν" ἔφη"βελτίων
ἰατρὸς ὑμῶν." ἐν Ὀλυμπίοις δὲ βλασφημίας περὶ αὐτοῦ
γενομένης καί τινων λεγόντων, ὡς οἰμῶξαι προσήκει τοὺς
Ἕλληνας, ὅτι εὖ πάσχοντες ὑπὸ τοῦ Φιλίππου κακῶς
αὐτὸν λέγουσι·"τί οὖν" ἔφη"ποιήσουσιν, ἂν κακῶς πάσχωσι;"
καλὰ δὲ καὶ Πεισιστράτου τὰ πρὸς Θρασύβουλον καὶ
Πορσίννα τὰ πρὸς Μούκιον καὶ Μάγα τὰ πρὸς Φιλήμονα·
δημοσίᾳ γὰρ ὑπ´ αὐτοῦ κωμῳδηθεὶς ἐν θεάτρῳ·
"παρὰ τοῦ βασιλέως γράμμαθ´ ἥκει σοι, Μάγα.
Μάγα κακόδαιμον, γράμματ´ οὐκ ἐπίστασαι;"
λαβὼν ὑπὸ χειμῶνος εἰς Παραιτόνιον ἐξενεχθέντα στρατιώτην
μὲν ἐκέλευσε γυμνῇ μαχαίρᾳ θιγεῖν τοῦ τραχήλου
μόνον εἶτα κοσμίως ἀπελθεῖν, ἀστραγάλους δὲ καὶ σφαῖραν
ὡς παιδαρίῳ νοῦν οὐκ ἔχοντι προσπέμψας ἀφῆκε.
Πτολεμαῖος δὲ γραμματικὸν εἰς ἀμαθίαν ἐπισκώπτων
ἠρώτησε τίς ὁ τοῦ Πηλέως πατὴρ ἦν· κἀκεῖνος"ἂν σὺ
πρότερον εἴπῃς" ἔφη"τίς ὁ τοῦ Λάγου·" τὸ δὲ σκῶμμα τῆς
δυσγενείας ἥπτετο τοῦ βασιλέως, καὶ πάντες ἠγανάκτησαν
ὡς οὐκ ἐπιτήδειον ὂν καὶ ἄκαιρον· ὁ δὲ Πτολεμαῖος" εἰ
μὴ τὸ φέρειν" ἔφη "σκωπτόμενον, οὐδὲ τὸ σκώπτειν βασιλικόν
ἐστιν." Ἀλέξανδρος δὲ πικρότερος αὑτοῦ γέγονεν ἐν
τοῖς περὶ Καλλισθένη καὶ Κλεῖτον. ᾗ καὶ Πῶρος ἁλοὺς
παρεκάλει χρήσασθαι βασιλικῶς αὐτῷ· καὶ πυθομένου
"μή τι πλέον;" "ἐν τῷ βασιλικῶς" ἔφη "πάντ´ ἔνεστι." διὸ
καὶ τῶν θεῶν τὸν βασιλέα "Μειλίχιον" Ἀθηναῖοι δέ "Μαιμάκτην"
οἶμαι καλοῦσι· τὸ δὲ κολαστικὸν ἐρινυῶδες καὶ
δαιμονικόν, οὐ θεῖον οὐδ´ ὀλύμπιον.
| [9] Ces odieux exemples ne devaient pas présenter un
spectacle bien agréable, mais il était pourtant nécessaire de
les produire. Contemplons maintenant les hommes qui dans
la colère se conduisent avec douceur et modération. Rien
ne saurait être plus beau à entendre, plus beau à voir. Je
commence d'abord par mépriser ceux qui disent :
"zQuand un homme de cœur par toi fut insulté
Un tel affront par lui sera-t-il supporté?"
ou bien : "Mets le pied sur sa gorge, écrase-le par terre."
Ces paroles, et d'autres semblables, ne sont propres qu'à
irriter davantage. Il semble que de l'appartement des
femmes on veuille, très mal à propos, faire passer la colère
dans celui des hommes. Mais le vrai courage, qui dans tout
le reste s'accorde si bien avec la justice, ne me semble lutter
contre elle que pour lui disputer le prix de la douceur
comme lui convenant mieux à lui-même. On a vu des
hommes moins forts triompher d'hommes qu'ils ne valaient
pas. Mais s'ériger en son âme un trophée pour avoir vaincu
la colère, (et il est très difficile de la vaincre, dit Héraclite,
parce que quand elle veut se satisfaire, elle sacrifierait, s'il
le faut, sa vie), c'est là un acte de force puissante et victorieuse,
de force luttant contre la passion non pas avec des
nerfs et des muscles, mais avec l'énergie de la volonté. C'est
pourquoi je m'étudie constamment à recueillir et à étudier
non seulement les exemples laissés par ces philosophes que
les gens sensés disent n'avoir point de fiel, mais encore, et
plus volontiers, ceux des monarques et des tyrans.
Citons quelques-uns de ces traits. Des soldats d'Antigone,
installés près de sa tente, parlaient mal de lui sans se douter
qu'il les entendait. Il se contenta de faire passer son
bâton hors du rideau en disant : «Eh bien ! ne pouvez-vous
donc aller vous camper plus loin d'ici, pour dire du mal de
moi?" Un Achéen nommé Arcadion ne cessait de médire
sur le compte de Philippe, et conseillait de fuir
"En des lieux où Philippe à tous fût inconnu".
Il eut occasion lui-même de se rendre en Macédoine. Les
courtisans du prince pensaient que l'occasion était propice
pour châtier un tel homme et ne pas le laisser impuni.
Mais Philippe, usant envers lui d'une bonté excessive, lui
envoya, comme à un hôte, des présents d'hospitalité avec
d'autres cadeaux. Il ordonna que l'on s'enquît des discours
par lui tenus sur le compte de Philippe depuis qu'il était
retourné en Grèce; et quand on lui eut appris, d'un témoignage
commun, qu'Arcadion était devenu un fervent admirateur
de sa personne : «Eh bien! dit-il, je suis meilleur
médecin que vous autres.» Une autre fois, aux jeux olympiques,
le même prince avait été l'objet d'imputations calomnieuses,
et quelques-uns disaient que ce serait justice
s'il arrivait malheur aux Grecs, puisqu'ils disaient ainsi du
mal de Philippe leur bienfaiteur. «Que feront-ils donc, s'écria
le monarque, s'ils ont à se plaindre de moi!» Il y a
également beaucoup de magnanimité dans la conduite de
Pisistrate envers Thrasybule, de Porsenna envers Mucius,
de Magas envers Philémon. Ce dernier avait joué Magas
en plein théâtre, en faisant dire à un de ses personnages :
"On t'apporte, ô Magas, un message royal.
Mais tu ne sais pas lire : oh ! contre-temps fatal!"
Plus tard une tempête jeta le poète sur les côtes de Parétonium,
et l'on s'empara de lui. Par ordre de Magas un
soldat se contenta de lui toucher le cou avec la lame d'une
épée nue, et on le congédia ensuite poliment après lui avoir
remis de la part du prince, qui le laissait partir, des osselets
et une balle, comme à un petit enfant qui ne comprend pas
la portée de ses actes. Ptolémée, fils de Lagus, pour se
moquer de l'ignorance d'un grammairien lui demanda
«Quel est le père de Pélée ?» — «Je vous le dirai, répondit
l'autre, quand vous m'aurez nommé d'abord le père de Lagus.»
Cette raillerie sur l'obscurité de sa naissance allait
droit au monarque, et tous s'indignèrent de sa modération à
tolérer pareille inconvenance. «Si un prince, dit-il, ne sait
pas supporter une raillerie, à son tour il ne doit pas railler.»
Il est bien vrai qu'Alexandre démentit sa douceur habituelle
dans sa conduite contre Callisthène et contre Clitus.
Mais d'autre part, lorsque Porus, devenu son prisonnier, lui
eut demandé d'être par lui traité en roi, Alexandre lui dit
«N'as-tu rien à ajouter?» — «Ces deux mots, «en roi»
comprennent tout», répondit Porus. Voilà pourquoi, encore,
par les Athéniens le roi des Dieux est appelé Milichius
(doux comme miel), et Mars, sanguinaire. Mais le pouvoir
qui châtie est dévolu aux Furies infernales, aux Démons
on ne veut rien y voir qui convienne à des Dieux,
à des habitants de l'Olympe.
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