| [10] Ὥσπερ οὖν ἐπὶ τοῦ Φιλίππου τις εἶπε κατασκάψαντος
 Ὄλυνθον "ἀλλ´ οὐκ ἂν ἀνοικίσαι γε πόλιν ἐκεῖνος
 δύναιτο τηλικαύτην," οὕτως ἔστιν εἰπεῖν πρὸς τὸν θυμόν
"ἀνατρέψαι μὲν δύνασαι καὶ διαφθεῖραι καὶ καταβαλεῖν,
 ἀναστῆσαι δὲ καὶ σῶσαι καὶ φείσασθαι καὶ καρτερῆσαι
 πραότητός ἐστι καὶ συγγνώμης καὶ μετριοπαθείας, καὶ
 Καμίλλου καὶ Μετέλλου καὶ Ἀριστείδου καὶ Σωκράτους· τὸ
 δ´ ἐμφῦναι καὶ δακεῖν μυρμηκῶδες καὶ μυῶδες". οὐ μὴν ἀλλὰ
 καὶ πρὸς ἄμυναν ἅμα σκοπῶν τὸν δι´ ὀργῆς τρόπον ἄπρακτον
 εὑρίσκω τὰ πολλά, δήγμασι χειλῶν καὶ πρίσεσιν ὀδόντων
 καὶ κεναῖς ἐπιδρομαῖς καὶ βλασφημίαις ἀπειλὰς ἀνοήτους
 ἐχούσαις καταναλισκόμενον, εἶθ´ ὥσπερ ἐν τοῖς δρόμοις τὰ
 παιδία τῷ μὴ κρατεῖν ἑαυτῶν προκαταπίπτοντα τοῦ
 τέλους ἐφ´ ὃ σπεύδει γελοίως. ὅθεν οὐ φαύλως ὁ Ῥόδιος
 πρὸς ὑπηρέτην τοῦ Ῥωμαίων στρατηγοῦ βοῶντα καὶ
 θρασυνόμενον"οὐ μέλει μοι τί σὺ λέγεις ἀλλὰ τί τῆνος
 σιγῇ." καὶ τὸν Νεοπτόλεμον ὁ Σοφοκλῆς καὶ τὸν Εὐρύπυλον
 ὁπλίσας "ἄκομπ´ ἀλοιδόρητα"
 φησίν"ἐρρηξάτην ἐς κύκλα χαλκέων ὅπλων." τὸν μὲν γὰρ
 σίδηρον ἔνιοι τῶν βαρβάρων φαρμάσσουσιν, ἡ δ´ ἀνδρεία
 χολῆς οὐ δεῖται· βέβαπται γὰρ ὑπὸ τοῦ λόγου· τὸ δὲ
 θυμικὸν καὶ μανικὸν εὐπερίθραυστόν ἐστι καὶ σαθρόν.
 ἀφαιροῦσι γοῦν αὐλοῖς τὸν θυμὸν οἱ Λακεδαιμόνιοι τῶν
 μαχομένων, καὶ Μούσαις πρὸ πολέμου θύουσιν ὅπως ὁ
 λόγος ἐμμένῃ· καὶ τρεψάμενοι τοὺς πολεμίους οὐ διώκουσιν,
 ἀλλ´ ἀνακαλοῦνται τὸν θυμόν, ὥσπερ τὰ σύμμετρα τῶν
 ἐγχειριδίων εὐανακόμιστον ὄντα καὶ ῥᾴδιον. ὀργὴ δὲ μυρίους
 προανεῖλε τῆς ἀμύνης, ὡς Κῦρον καὶ Πελοπίδαν τὸν
 Θηβαῖον. Ἀγαθοκλῆς δὲ πράως ἔφερε λοιδορούμενος ὑπὸ
 τῶν πολιορκουμένων, καί τινος εἰπόντος"κεραμεῦ, πόθεν
 ἀποδώσεις τοῖς ξένοις τὸν μισθόν;" ἐπιγελάσας"αἴκα
 ταύταν ἐξέλω." καὶ τὸν Ἀντίγονον ἀπὸ τοῦ τείχους τινὲς
 εἰς ἀμορφίαν ἔσκωπτον· ὁ δὲ πρὸς αὐτούς"καὶ μὴν
 ἐδόκουν εὐπρόσωπος εἶναι"· λαβὼν δὲ τὴν πόλιν ἐπίπρασκε
 τοὺς σκώπτοντας, μαρτυράμενος ὅτι πρὸς τοὺς δεσπότας
 ἕξει τὸν λόγον, ἂν πάλιν αὐτὸν λοιδορῶσιν. ὁρῶ δὲ καὶ
 κυνηγοὺς σφαλλομένους ὑπ´ ὀργῆς μεγάλα καὶ ῥήτορας.
 Ἀριστοτέλης δ´ ἱστορεῖ  Σατύρου τοῦ Σαμίου
 τοὺς φίλους  ἐμφράξαι τὰ ὦτα κηρῷ δίκην ἔχοντος, ὅπως
 μὴ συγχέῃ τὸ πρᾶγμα διὰ θυμὸν ὑπὸ τῶν ἐχθρῶν λοιδορούμενος.
 αὐτοὺς δ´ ἡμᾶς οὐ πολλάκις ἐκφεύγει τὸ κολάσαι
 πλημμελήσαντα δοῦλον; ἀποδιδράσκουσι γὰρ τὰς ἀπειλὰς
 καὶ τοὺς λόγους δείσαντες. ὅπερ οὖν αἱ τίτθαι πρὸς τὰ
 παιδία λέγουσι "μὴ κλαῖε, καὶ λήψῃ," τοῦτο πρὸς τὸν
 θυμὸν οὐκ ἀχρήστως λεκτέον "μὴ σπεῦδε μηδὲ βόα μηδ´
 ἐπείγου, καὶ μᾶλλον ἃ θέλεις γενήσεται καὶ βέλτιον." καὶ
 γὰρ παῖδα πατὴρ ἰδὼν ἐπιχειροῦντά τι σιδηρίῳ διελεῖν ἢ
 περιτεμεῖν αὐτὸς λαβὼν τὸ σιδήριον ἐποίησε, καὶ τοῦ
 θυμοῦ τὴν τιμωρίαν παρελόμενος ὁ λογισμὸς αὐτὸς
 ἀσφαλῶς καὶ ἀβλαβῶς καὶ ὠφελίμως ἐκόλασε τὸν ἄξιον
 οὐχ ἑαυτὸν ὥσπερ ὁ θυμὸς ἀντ´ ἐκείνου πολλάκις.
 | [10] De même que quand Philippe eut détruit Olynthe 
quelqu'un s'avisa de dire : "Il ne serait pas capable d'en 
construire une pareille" ; de même on a droit de dire à la 
colère : "Tu peux bien bouleverser, anéantir et abattre ; 
mais rétablir et sauver, être miséricordieux et patient, n'ap-
partient qu'à la douceur, à l'indulgence, à la modération." 
C'est le rôle des Camille, des Metellus, des Aristide et des 
Socrate. Il n'y a que les fourmis et les rats qui s'attachent 
à leur proie et la mordent. Du reste, même au point de vue 
de la vengeance, je trouve que les procédés de la colère 
restent le plus souvent sans effet. Elle s'épuise à se mordre 
les lèvres, à grincer des dents, à s'élancer en pure perte, à 
prodiguer des injures et des menaces insensées. Puis,
comme les petits enfants, qui faute de se soutenir tombent 
avant d'atteindre leur but, elle aboutit à une conclusion ridicule. 
Aussi je ne trouve pas dénuées de sens les paroles 
du Rhodien à un licteur qui, dans l'enceinte où siégeait le 
préteur romain, vociférait et faisait l'insolent : «Je ne 
m'inquiète pas de ce que tu dis, mais du silence de celui-ci.» 
Quand Sophocle a revêtu de leurs armes Néoptolème 
et Eurypyle, il leur met dans la bouche des paroles pleines 
de fierté, mais ils ne s'injurient plus lorsqu'ils se précipitent 
l'un sur l'autre en faisant tournoyer l'acier de leur glaive. 
Quelques peuplades barbares empoisonnent le fer de leurs 
armes ; mais la vaillance n'a pas besoin de fiel : elle trempe 
les siennes dans la raison. Toutes celles que manie la colère 
et la fureur se brisent le plus facilement du monde : c'est 
comme du bois vermoulu. Aussi les Lacédémoniens calment-ils 
au son de la flûte la fureur des combattants ; et avant la 
guerre ils sacrifient aux Muses pour que la raison reste aux 
soldats. S'ils ont mis leurs adversaires en fuite, ils ne les 
poursuivent point, mais ils retiennent leur propre ardeur 
dont ils disposent avec la plus grande facilité comme de ces 
poignards commodes à manier.
Il est des milliers de héros que la colère a perdus avant 
qu'ils se fussent vengés. Cyrus, entre autres, et le Thébain 
Pélopidas en sont des exemples. Agathocle, au contraire, 
supporta doucement les insultes que lui lançaient des assiégés. 
Comme un d'eux lui criait : "Potier, avec quoi 
payeras-tu la solde de tes auxiliaires?" — «Que je prenne 
seulement la ville!» répondit Agathocle en riant. Une autre 
fois, du haut des remparts quelques-uns raillaient Antigone 
sur sa laideur : «Je croyais, pourtant, leur dit-il, être le 
plus beau qui fût au monde.» Puis, une fois maître de la 
ville il fit vendre les railleurs, en déclarant qu'il s'en prendrait 
à leurs maîtres si l'on se moquait de lui à l'avenir. 
Je vois que les chasseurs éprouvent de grands mécomptes
aussi pour s'être laissés aller à la colère, et les orateurs pareillement.
Aristote nous apprend que Satyrus ayant un 
jour à répondre à une accusation, ses amis lui bouchèrent 
les oreilles avec de la cire, afin qu'il ne compromît pas 
sa cause en s'irritant des injures lancées par ses ennemis.
Et nous-mêmes, souvent, ne voyons-nous pas nous échapper 
l'occasion de châtier un esclave fautif, attendu qu'il 
prend la fuite effrayé de nos menaces et de nos paroles? Ce 
que les nourrices répètent aux petits enfants : "Ne pleure 
pas, et tu l'auras" pourrait se dire, non sans profit, à la 
colère : «Point de précipitation, de cris, de violence, et ce 
que tu veux se réalisera plus complétement et d'une manière 
plus satisfaisante." Un père, quand il voit que son enfant 
tâche de fendre ou de couper quelque chose avec un couteau, 
prend lui-même l'instrument, et c'est lui qui tranche. De 
même ôtez les moyens de vengeance à la colère, et la raison 
saura, sans danger, sans dommage, et d'une manière 
utile, punir celui qui le mérite tout en ne se châtiant pas 
elle-même. Or, cette dernière interversion des rôles arrive 
dans la colère.
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