| [6] Ἐγὼ γοῦν, εἰ μὲν ὀρθῶς, οὐκ οἶδα, ταύτην δὲ τῆς
 ἰατρείας ἀρχὴν ποιησάμενος, ὥσπερ οἱ Λάκωνες ἐν τοῖς
 εἵλωσι τὸ μεθύειν οἷόν ἐστι, κατεμάνθανον τὴν ὀργὴν ἐν
 ἑτέροις. καὶ πρῶτον μέν, ᾗ φησιν Ἱπποκράτης 
 χαλεπωτάτην εἶναι νόσον ἐν ᾗ τοῦ νοσοῦντος ἀνομοιότατον
 αὑτῷ γίνεται τὸ πρόσωπον, οὕτως ὁρῶν ὑπ´ ὀργῆς ἐξισταμένους
 μάλιστα καὶ μεταβάλλοντας ὄψιν χρόαν βάδισμα
 φωνὴν οἷον εἰκόνα τοῦ πάθους ἀπεματτόμην ἐμαυτῷ,
 πάνυ δυσχεραίνων εἰ φοβερὸς οὕτως καὶ παρακεκινηκὼς
 ὁρῶμαί ποτε τοῖς φίλοις καὶ τῇ γυναικὶ καὶ τοῖς θυγατρίοις,
 οὐ μόνον ἰδεῖν ἄγριος καὶ ἀσυνήθης ἀλλὰ καὶ
 φωνὴν ἀπηνῆ καὶ τραχεῖαν ἀφιείς· ὥσπερ ἑτέροις τῶν
 συνήθων ἐνετύγχανον οὐκ ἦθος οὐ μορφὴν οὐ λόγου χάριν
 οὐ τὸ πιθανὸν καὶ προσηνὲς ἐν ὁμιλίᾳ δυναμένοις ὑπ´
 ὀργῆς διαφυλάττειν.  Γαΐῳ μὲν οὖν Γράκχῳ τῷ ῥήτορι
 καὶ τὸν τρόπον ὄντι χαλεπῷ καὶ περιπαθέστερον λέγοντι
 διηρμοσμένον ἦν συρίγγιον, ᾧ τὴν φωνὴν οἱ ἁρμονικοὶ
 σχέδην ἐπ´ ἀμφότερα διὰ τῶν τόνων ἄγουσι, καὶ τοῦτ´
 ἔχων οἰκέτης αὐτοῦ λέγοντος ὄπισθεν ἑστὼς ἐνεδίδου
 τόνον ἐπιεικῆ καὶ πρᾶον, ᾧ τὴν κραυγὴν ἀνεκαλεῖτο καὶ
 τὸ τραχὺ καὶ τὸ θυμικὸν ἀφῄρει τῆς φωνῆς, ὥσπερ ὁ τῶν βουκόλων 
 "κηρόπλαστος ὀτοβεῖ δόναξ
 ἀχέτας ὑπνοδόταν νόμον,"
 ἐπιθέλγων καὶ καθιστὰς τὴν ὀργὴν τοῦ ῥήτορος· ἐμοὶ δ´
 εἴ τις ἐμμελὴς καὶ κομψὸς ἀκόλουθος ἦν, οὐκ ἂν ἠχθόμην
 αὐτοῦ προσφέροντος ἐπὶ ταῖς ὀργαῖς ἔσοπτρον, ὥσπερ
 ἐνίοις προσφέρουσι λουσαμένοις ἐπ´ οὐδενὶ χρησίμῳ. τὸ
 γὰρ αὑτὸν ἰδεῖν παρὰ φύσιν ἔχοντα καὶ συντεταραγμένον
 οὐ μικρόν ἐστιν εἰς διαβολὴν τοῦ πάθους. καὶ γὰρ τὴν
 Ἀθηνᾶν λέγουσιν οἱ παίζοντες αὐλοῦσαν ὑπὸ τοῦ σατύρου
 νουθετεῖσθαι καὶ μὴ προσέχειν·
"οὔ τοι πρέπει τὸ σχῆμα· τοὺς αὐλοὺς μέθες
 καὶ θὦπλα λάζευ καὶ γνάθους εὐσχημόνει,"
  θεασαμένην δὲ τοῦ προσώπου τὴν ὄψιν ἐν ποταμῷ τινι
 δυσχερᾶναι καὶ προέσθαι τοὺς αὐλούς· καίτοι παραμυθίαν
 ἡ τέχνη τῆς ἀμορφίας ἔχει τὴν ἐμμέλειαν. καὶ ὁ Μαρσύας,
 ὡς ἔοικε, φορβειᾷ τινι καὶ περιστομίοις {βίᾳ} τοῦ
 πνεύματος τὸ ῥαγδαῖον ἐγκαθεῖρξε καὶ τοῦ προσώπου
 κατεκόσμησε καὶ ἀπέκρυψε τὴν ἀνωμαλίαν,
 "χρυσῷ δ´ αἰγλήεντι συνήρμοσεν ἀμφιδασείας
 κόρσας καὶ στόμα λάβρον ὀπισθοδέτοισιν ἱμᾶσιν.·"
  Ἡ δ´ ὀργὴ φυσῶσα καὶ διατείνουσα τὸ πρόσωπον ἀπρεπῶς
 ἔτι μᾶλλον αἰσχρὰν ἀφίησι καὶ ἀτερπῆ φωνὴν  
"κινοῦσα χορδὰς τὰς ἀκινήτους φρενῶν."
  Τὴν μὲν γὰρ θάλασσαν, ὅταν ἐκταραχθεῖσα τοῖς πνεύμασι
 τὰ βρύα καὶ τὸ φῦκος ἀναβάλλῃ, καθαίρεσθαι λέγουσιν·
 ἃ δ´ ὁ θυμὸς ἐκβράσσει τῆς ψυχῆς περιτρεπομένης
 ἀκόλαστα καὶ πικρὰ καὶ σπερμολόγα ῥήματα, τοὺς λέγοντας
 πρώτους καταρρυπαίνει καὶ καταπίμπλησιν ἀδοξίας,
 ὡς ἀεὶ μὲν ἔχοντας ἐν αὑτοῖς ταῦτα καὶ πλήρεις ὄντας
 ὑπὸ δὲ τῆς ὀργῆς ἀνακαλυπτομένους. διὸ"κουφοτάτου πράγματος"
 ὥς φησι Πλάτων "λόγου βαρυτάτην ζημίαν" τίνουσιν,
 ἐχθροὶ καὶ κακολόγοι καὶ κακοήθεις δοκοῦντες εἶναι.
 | [6] Pour moi, je ne sais si j'ai procédé convenablement : 
mais dans le premier traitement que j'essayai pour guérir 
cette maladie, j'imitai les Lacédémoniens, qui s'apprenaient 
sur les ilotes à reconnaître combien il est honteux de s'enivrer. 
J'étudiai d'après les autres les effets de la colère.
Un symptôme me frappa d'abord. Hippocrate dit qu'une 
maladie est très dangereuse lorsque le visage du malade se 
décompose entièrement. Or, voyant combien sous l'empire 
de la colère la physionomie, le teint, la démarche, la voix, 
tout enfin est changé, je me traçai intérieurement un tel 
portrait de ma propre personne pour me faire honte à 
moi-même. Devrai-je jamais, me dis je, me montrer si 
effrayant et agité de semblables convulsions devant mes 
amis, devant ma femme, devant mes jeunes filles? Faudra-t-il 
que je leur présente en moi une bête féroce, un 
monstre comme ils n'ont pas l'habitude d'en voir, qui, de 
plus, poussera des cris sauvages et inarticulés? Tels, en 
effet, j'avais surpris souvent quelques-uns de mes compagnons. 
Moeurs, extérieur, parole agréable, persuasion et 
douceur de commerce, ils ne pouvaient rien conserver quand 
la colère les dominait.
L'orateur Caïus Gracchus, dont les manières étaient dures 
et qui parlait avec trop de véhémence, réglait sa voix par 
une de ces petites flûtes au moyen desquelles les musiciens 
observent la gradation dans les tons différents. Lorsqu'il 
parlait, un de ses domestiques se tenait derrière lui avec 
cette flûte, jouant un air doux et modéré afin de ramener la
voix trop criarde de son maître et de lui faire prendre un ton 
qui n'eût point d'âpreté et de colère. C'était comme dans 
les pastorales, où
"... De légers pipeaux 
Par leur note paisible invitent au repos".
De même cette flûte calmait et adoucissait l'emportement 
de l'orateur. Pour moi, si j'avais un esclave soigneux et 
intelligent, je ne trouverais pas mauvais que dans mes accès 
de colère il me présentât un miroir, comme on en présente 
quelquefois à ceux qui sortent du bain. Or pour ceux-ci le 
miroir n'est d'aucune utilité, tandis que se voir soi-même 
dans une situation si contraire à la nature et si troublée, 
ne contribue pas peu à faire prendre en horreur une telle 
passion. On a raconté, par manière de plaisanterie, que Minerve 
jouant de la flûte n'avait pas fait attention au conseil 
que lui donnait un satyre :
«Laissez cet instrument qui ne vous convient pas, 
Et vous fait grimacer : il vous faut des combats.»
Mais s'étant regardée et vue dans un fleuve, elle conçut 
du dépit et jeta l'instrument. Or remarquons que l'artiste 
trouve dans la douceur de la flûte un dédommagement à la 
difformité. On prétend même que Marsyas, au moyen d'une 
certaine courroie et d'une espèce de muselière, interceptait 
forcément la violence du son, et corrigeait ou dissimulait 
les grimaces auxquelles le contraignait son jeu.
"A son rictus velu s'ajuste une lanière
D'or brodée, et qu'un noeud rattache par derrière".
Mais la colère, qui gonfle et distend d'une façon si disgracieuse 
les muscles du visage, rend la voix encore plus 
désagréable et plus odieuse, parce qu'elle met en mouvement
"Maintes cordes du coeur, non faites pour vibrer".
La mer, dit-on, se purifie lorsqu'agitée par les vents elle
rejette de la mousse et de l'algue. Mais ce que la colère 
vomit quand l'âme est bouleversée, ces mots obscènes, amers 
et ridicules, souillent tout le premier celui qui les profère, 
et le remplissent de honte. On suppose qu'il n'a rien autre 
chose dans l'esprit, qu'il est plein de ces turpitudes, et 
qu'elles sont décelées par la colère. C'est ainsi, pour parler 
avec Platon, que l'on est puni lourdement à l'occasion de 
la chose la plus légère, à savoir de la parole, et que l'on 
passe pour être hostile, médisant et jaloux.
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