[3] Ἡ μὲν οὖν συνέχεια τῆς ὀργῆς καὶ τὸ προσκρούειν
πολλάκις ἕξιν ἐμποιεῖ πονηρὰν τῇ ψυχῇ, ἣν ὀργιλότητα
καλοῦσιν, εἰς ἀκραχολίαν καὶ πικρίαν καὶ δυσκολίαν τελευτῶσαν,
ὅταν ἑλκώδης καὶ μικρόλυπος ὁ θυμὸς γένηται
καὶ φιλαίτιος ὑπὸ τῶν τυχόντων ὡς σίδηρος ἀσθενὴς καὶ
λεπτὸς ἀναχαρασσόμενος, ἡ δὲ παραχρῆμα ταῖς ὀργαῖς
ἐνισταμένη καὶ πιέζουσα κρίσις οὐ τὸ παρὸν ἰᾶται μόνον,
ἀλλὰ καὶ πρὸς τὸ λοιπὸν εὔτονον ποιεῖ καὶ δυσπαθῆ τὴν
ψυχήν. ἐμοὶ γοῦν συνέβη δὶς ἢ τρὶς ἐνστάντι πρὸς ὀργὴν
τὸ τῶν Θηβαίων παθεῖν, οἳ τὸ πρῶτον ὠσάμενοι Λακεδαιμονίους
ἀηττήτους εἶναι δοκοῦντας οὐδεμίαν ὕστερον
ἡττήθησαν ὑπ´ αὐτῶν μάχην· φρόνημα γὰρ ἔσχον ὡς
κρατεῖν ἔστι τῷ λογισμῷ. ἑώρων δ´ οὐ μόνον ψυχροῦ
κατασκεδαννυμένου λήγουσαν ὀργὴν ὡς Ἀριστοτέλης ἱστόρησεν,
ἀλλὰ καὶ φόβου προσαχθέντος ἀποσβεννυμένην·
καὶ νὴ Δία χαρᾶς ἐπιγενομένης ἄφνω καθ´ Ὅμηρον
"ἰάνθη" καὶ διεχύθη πολλοῖς ὁ θυμός.
ὥστε μοι παρίστατο μὴ παντελῶς ἀβοήθητον εἶναι τοῖς γε
βουλομένοις τὸ πάθος.
Οὐδὲ γὰρ ἀρχὰς ἔχει μεγάλας ἀεὶ καὶ ἰσχυράς, ἀλλὰ καὶ
σκῶμμα καὶ παιδιὰ καὶ τὸ γελάσαι τινὰ καὶ τὸ διανεῦσαι
καὶ πολλὰ τοιαῦτα πολλοὺς εἰς ὀργὴν καθίστησιν, ὥσπερ
ἡ Ἑλένη τὴν ἀδελφιδῆν προσαγορεύσασα
"παρθένε μακρὸν δὴ μῆκος Ἠλέκτρα χρόνου"
παρώξυνεν εἰπεῖν,
"ὀψέ γε φρονεῖς εὖ, τότε λιποῦς´ αἰσχρῶς δόμους·"
καὶ τὸν Ἀλέξανδρον ὁ Καλλισθένης εἰπὼν τῆς μεγάλης
κύλικος περιφερομένης"οὐ βούλομαι πιὼν Ἀλεξάνδρου
Ἀσκληπιοῦ δεῖσθαι."
| [3] La continuité de l'emportement et l'habitude de souvent
se choquer déterminent dans l'âme la situation mauvaise
qu'on appelle colère, et qui dégénère en débordement
de bile, en amertume, en aigreur intraitable. C'est alors
que l'âme ulcérée s'irrite des plus petites choses, et cherche
querelle à propos des premiers griefs venus. On dirait un
fer mince et sans force, qui cède à la plus légère déchirure.
Mais si dès le principe le jugement lutte contre la colère
et la dompte, non seulement il remédiera au mal présent,
mais il rendra l'âme désormais vigoureuse, et cette passion
ne l'attaquera plus que difficilement. Pour me citer moi-même,
il m'est arrivé, après avoir résisté à la colère en deux
ou trois circonstances, d'éprouver ce qui arriva jadis aux
Thébains. Une première fois que ceux-ci eurent repoussé
les Spartiates, réputés invincibles, ils ne furent plus jamais
vaincus par eux dans une seule rencontre. Pareillement, je
pris la ferme résolution de croire que je pouvais triompher
de la colère avec l'aide du raisonnement. Je voyais que non
seulement elle cède, comme l'écrit Aristote, à une aspersion
d'eau froide, mais qu'une crainte subite l'éteint, de
même qu'aussi, en vérité, Homère nous apprend que chez
plusieurs une joie imprévue l'avait dissipée et guérie.
Il resta dès lors démontré à mes yeux que cette passion
est loin d'être tout à fait rebelle aux secours, du moins
quand on le veut. Ses commencements n'ont jamais
d'importance et de gravité : une raillerie, un badinage, un
sourire, un hochement de tête, voilà généralement ce qui met
les gens en colère. Ainsi, Hélène disant à sa nièce :
"Électre, si longtemps as-tu pu rester vierge"?
pousse celle-ci à lui répondre :
"Partie honteusement, êtes-vous sage enfin"?
Pareillement Alexandre est irrité par Callisthène lorsque
celui-ci, refusant d'accepter la coupe que le roi passe à la
ronde, s'écrie : «Je ne veux pas boire à Alexandre pour
avoir ensuite besoin d'Esculape".
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