HODOI ELEKTRONIKAI
Du texte à l'hypertexte

PLUTARQUE, Oeuvres morales, Sur les moyens de réprimer la colère

Chapitre 13

  Chapitre 13

[13] Καὶ μὴν τάς γε συνεχεῖς καὶ πυκνὰς καὶ κατὰ μικρὸν ἐν τῇ ψυχῇ συλλεγομένας ὀργὰς μάλιστα φιλαυτία καὶ δυσκολία μετὰ τρυφῆς καὶ μαλακίας οἷον σμῆνος σφηκιὰν ἡμῖν ἐντίκτουσι. διὸ μεῖζον οὐδὲν εὐκολίας καὶ ἀφελείας ἐφόδιον εἰς πραότητα πρὸς οἰκέτας καὶ γυναῖκα καὶ φίλους τῷ δυναμένῳ συμφέρεσθαι τοῖς παροῦσι καὶ μὴ δεομένῳ πολλῶν καὶ περιττῶν. " δ´ οὔτ´ ἄγαν ὀπτοῖσιν οὔθ´ ἑφθοῖς ἄγαν οὔθ´ ἧττον οὔτε μᾶλλον οὔτε διὰ μέσου ἠρτυμένοισι χαίρων ὥστ´ ἐπαινέσαι", χιόνος δὲ μὴ παρούσης οὐκ ἂν πιὼν οὐδ´ ἄρτον ἐξ ἀγορᾶς φαγὼν οὐδ´ ὄψου γευσάμενος ἐν λιτοῖς κεραμεοῖς σκεύεσιν οὐδὲ κοιμηθεὶς ἐπὶ στρωμνῆς μὴ οἰδούσης ὥσπερ θαλάττης διὰ βάθους κεκινημένης, ῥάβδοις δὲ καὶ πληγαῖς τοὺς περὶ τράπεζαν ὑπηρέτας ἐπιταχύνων μετὰ δρόμου καὶ βοῆς καὶ ἱδρῶτος ὥσπερ φλεγμαίνοντι καταπλάσματα κομίζοντας, ἀσθενεῖ καὶ φιλαιτίῳ καὶ μεμψιμοίρῳ δουλεύων διαίτῃ καθάπερ ὑπὸ βηχὸς ἐνδελεχοῦς προσκρουμάτων πολλῶν ἔλαθεν ἑλκώδη καὶ καταρροϊκὴν διάθεσιν περὶ τὸ θυμοειδὲς ἀπεργασάμενος. ἐθιστέον οὖν τὸ σῶμα δι´ εὐτελείας πρὸς εὐκολίαν αὔταρκες ἑαυτῷ γινόμενον· οἱ γὰρ ὀλίγων δεόμενοι πολλῶν οὐκ ἀποτυγχάνουσι. Καὶ δεινὸν οὐδὲν ἀρξαμένους ἀπὸ τῆς τροφῆς σιωπῇ χρήσασθαι τοῖς παρατυγχάνουσι, καὶ μὴ πολλὰ χολουμένους καὶ δυσκολαίνοντας ἀτερπέστατον ὄψον ἐμβαλεῖν ἑαυτοῖς καὶ φίλοις τὴν ὀργήν· "δόρπου δ´ οὐκ ἄν πως ἀχαρίστερον ἄλλο γένοιτο", διὰ πρόσκαυσιν καπνὸν ἁλῶν ἔνδειαν ψυχρότερον ἄρτον οἰκετῶν τυπτομένων καὶ λοιδορουμένης γυναικός. Ἀρκεσιλάου δὲ μετὰ ξένων τινῶν ἑστιῶντος τοὺς φίλους παρετέθη τὸ δεῖπνον, ἄρτοι δ´ οὐκ ἦσαν ἀμελησάντων πρίασθαι τῶν παίδων· ἐφ´ τίς οὐκ ἂν ἡμῶν διέστησε τοὺς τοίχους κεκραγώς; δὲ μειδιάσας"οἷόν ἐστιν" ἔφη "τὸ συμποτικὸν εἶναι τὸν σοφόν." τοῦ δὲ Σωκράτους ἐκ παλαίστρας παραλαβόντος τὸν Εὐθύδημον Ξανθίππη μετ´ ὀργῆς ἐπιστᾶσα καὶ λοιδορηθεῖσα τέλος ἀνέτρεψε τὴν τράπεζαν, δ´ Εὐθύδημος ἐξαναστὰς ἀπῄει περίλυπος γενόμενος· καὶ Σωκράτης"παρὰ σοὶ δ´" εἶπεν"οὐ πρῴην ὄρνις τις εἰσπτᾶσα ταὐτὸ τοῦτ´ ἐποίησεν, ἡμεῖς δ´ οὐκ ἠγανακτήσαμενδεῖ γὰρ σὺν εὐκολίᾳ καὶ γέλωτι καὶ φιλοφροσύνῃ τοὺς φίλους δέχεσθαι, μὴ τὰς ὀφρῦς συνάγοντας μηδὲ φρίκην καὶ τρόμον ἐμβάλλοντας τοῖς ὑπηρετοῦσιν. ἐθιστέον δὲ καὶ σκεύεσιν εὐκόλως ὁμιλεῖν ἅπασι καὶ μὴ τῷδε μᾶλλον τῷδε χρῆσθαι· καθάπερ ἔνιοι πολλῶν παρόντων ἓν ἐξελόμενοι κανθάριον, ὡς Μάριον ἱστοροῦσιν, ῥυτὸν οὐκ ἂν ἑτέρῳ πίοιεν. οὕτω δὲ καὶ πρὸς ληκύθους ἔχουσι καὶ πρὸς στλεγγίδας, ἀγαπῶντες ἐκ πασῶν μίαν, εἶθ´ ὅταν συντριβῇ τι τούτων ἀπόληται, βαρέως φέρουσι καὶ κολάζουσιν. Ἀφεκτέον οὖν τῷ πρὸς ὀργὴν φαύλως ἔχοντι καὶ τῶν σπανίων καὶ περιττῶν, οἷον ἐκπωμάτων καὶ σφραγίδων καὶ λίθων πολυτελῶν· ἐξίστησι γὰρ ἀπολλύμενα μᾶλλον τῶν εὐπορίστων καὶ συνήθων. διὸ καὶ τοῦ Νέρωνος ὀκτάγωνόν τινα σκηνὴν ὑπερφυὲς κάλλει καὶ πολυτελείᾳ θέαμα κατασκευάσαντος, "ἤλεγξας" ἔφη Σενέκας" πένητα σεαυτόν· ἐὰν γὰρ ταύτην ἀπολέσῃς, ἑτέραν οὐ κτήσῃ τοιαύτην." καὶ μέντοι καὶ συνέπεσε τοῦ πλοίου καταδύντος ἀπολέσθαι τὴν σκηνήν· δὲ Νέρων ἀναμνησθεὶς τοῦ Σενέκα μετριώτερον ἤνεγκεν. δὲ πρὸς τὰ πράγματ´ εὐκολία καὶ πρὸς οἰκέτας εὔκολον ποιεῖ καὶ πρᾶον, εἰ δὲ πρὸς οἰκέτας, δῆλον ὅτι καὶ πρὸς φίλους καὶ πρὸς ἀρχομένους. ὁρῶμεν δὲ καὶ δούλους νεωνήτους περὶ τοῦ πριαμένου πυνθανομένους, οὐκ εἰ δεισιδαίμων οὐδ´ εἰ φθονερὸς ἀλλ´ εἰ θυμώδης, καὶ ὅλως σὺν ὀργῇ μηδὲ σωφροσύνην ἄνδρας γυναικῶν μηδ´ ἔρωτα γυναῖκας ἀνδρῶν ὑπομένειν δυναμένας μηδὲ συνήθειαν ἀλλήλων φίλους· οὕτως οὔτε γάμος οὔτε φιλία μετ´ ὀργῆς ἀνεκτόν. ἀλλὰ χωρὶς ὀργῆς καὶ μέθη κοῦφόν ἐστιν· γὰρ τοῦ θεοῦ νάρθηξ ἱκανὸς κολαστὴς τοῦ μεθύοντος, ἂν μὴ προσγενόμενος θυμὸς ὠμηστὴν καὶ μαινόλην ἀντὶ λυαίου καὶ χορείου ποιήσῃ τὸν ἄκρατον. καὶ τὴν μανίαν αὐτὴν καθ´ αὑτὴν Ἀντίκυρα θεραπεύει, μιχθεῖσα δ´ ὀργῇ τραγῳδίας ποιεῖ καὶ μύθους. [13] Parlons maintenant des colères fréquentes, répétées, qui s'élèvent à chaque instant dans l'âme, comme un essaim d'abeilles ou de guêpes. C'est surtout au sein du luxe et de la mollesse qu'elles éclatent, provoquées par l'amour-propre et par la bizarrerie du caractère. Aussi rien ne conduit-il plus sûrement à la douceur envers ses domestiques, envers sa femme, envers ses amis, que l'égalité d'humeur, que la simplicité, que l'habitude de se contenter de son lot, de rester étranger à tout besoin d'abondance et de superflu. "Peu cuit, brûlé, bien cuit, servez-lui ce qu'il mange : Insuffisance, excès, juste point, tout l'arrange." Supposez au contraire un homme qui ne saurait boire s'il n'a pas de neige à sa disposition, qui ne veut pas d'un pain acheté au marché, qui ne goûte à rien dans des assiettes unies ou dans de la vaisselle de terre, qui veut pour se coucher des matelas aussi gonflés que la mer quand elle est soulevée dans ses profondeurs : c'est à force de bâtons et de coups qu'un tel homme active les esclaves qui servent sa table. Il court sans cesse, il crie, il sue : on dirait qu'il s'agit d'adoucissants à appliquer sur une inflammation. Il est lui-même esclave de ce régime, qui le rend faible, grondeur et chagrin. C'est comme s'il avait une toux continuelle ou de fréquentes convulsions. Sans le savoir, il met au service de sa colère des dispositions que je comparerai à un ulcère ou à un flux désordonné d'humeurs. Oui, je le répète, il faut par la simplicité rendre le corps toujours dispos en l'accoutumant à se suffire à lui-même. Les gens qui ont peu de besoins ont peu de mécomptes. Or il n'est pas bien pénible, en commençant par la nourriture, de se trouver, sans rien dire, satisfait de ce qu'on rencontre. Pourquoi s'emporter et s'irriter à chaque instant? C'est un triste plat à servir à soi-même et à ses amis que la colère. "Je ne sache aucun mets qui soit moins attrayant." Faudra-t-il, parce qu'un ragoût sentira le brûlé, la fumée, qu'il y manquera du sel, ou parce que le pain sera trop dur, que l'on aille battre ses domestiques et injurier sa femme! Arcésilas traitait un jour ses amis et quelques étrangers. On servit le repas. Le pain manquait, parce que les esclaves avaient oublié d'en acheter. En pareil cas qui d'entre nous aurait manqué à faire éclater les murailles en poussant des cris affreux? Arcésilas se contenta de sourire : «Ce que c'est, dit-il, qu'un sage qui a la manie de vouloir traiter!" Socrate, au sortir des exercices de la palestre, s'était emparé d'Euthydème et l'avait emmené dîner chez lui. Xanthippe survient. La voilà qui, dans sa fureur, les accable d'injures et finit par renverser le couvert. Euthydème se lève, et fort mécontent se dispose à partir. Mais Socrate : «Est-ce qu'hier chez vous, dit-il à son ami, une poule en sautant sur la table n'a pas fait la même chose? Pourtant nous-ne nous sommes pas indignés." C'est qu'en effet il faut recevoir ses amis avec bonne grâce, d'un air riant et affectueux, sans froncer les sourcils, sans faire par avance frissonner et trembler ses domestiques. Il faut prendre aussi l'habitude de s'accommoder également bien de tous les meubles, et de ne pas employer celui-ci ou celui-là de préférence. N'imitons pas certaines gens : ils ont beau avoir sous la main plusieurs gobelets, ils n'en prendront qu'un seul et ne sauraient boire dans un autre, comme on raconte de Marius et de son rhyton. Il y en a qui ont la même manie pour des vases à parfums, pour des étrilles. Ils s'arrêtent à un choix exclusif, et si l'objet vient à être cassé ou perdu ils sont furieux et sèment autour d'eux les châtiments. Aussi, quand on est incapable de maîtriser sa colère doit-on s'abstenir de ces meubles rares ou précieux, tels que coupes, cachets, pierreries de grande valeur, parce que quand on vient à en être privé, on est moins raisonnable que si c'étaient des objets faciles à se procurer et d'un usage commun. Néron avait fait construire un pavillon octogone d'une beauté et d'une richesse merveilleuses. «Vous venez de vous convaincre de pauvreté, lui dit Sénèque : car si vous le perdez vous ne pourrez pas vous en procurer un semblable.» En effet il advint que le navire sur lequel était ce pavillon fit naufrage; et Néron, se souvenant de ce que lui avait dit Sénèque, en supporta la perte avec plus de patience. L'habitude de bien s'accommoder des choses fait que l'on s'accommode aussi des esclaves et qu'on les traite avec douceur. Or quand on est doux envers ses esclaves, il est clair qu'on le sera envers ses amis et envers ceux sur qui l'on a autorité. Nous voyons des esclaves qui viennent d'être achetés s'enquérir, non pas si leur maître est superstitieux ou envieux, mais s'il est irascible. Et en général la colère déplaît tellement, qu'elle empêche les maris d'apprécier la sagesse de leurs femmes, les femmes d'aimer leurs maris, les amis de vivre ensemble : tout mariage, toute amitié est insupportable avec la colère. Et pourtant, on tolérera même l'ivresse quand elle sera exempte da colère. Car la férule du Dieu suffit pour réprimer le buveur qui est ivre, si la colère ne vient pas rendre cruel et furieux le vin, cette liqueur destinée à dissiper les soucis et à inspirer de joyeux ébats. La folie même se peut guérir avec l'ellébore seul; mais quand elle se complique de colère, dès lors elle donne lieu à des tragédies et à des catastrophes fabuleuses.


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Dernière mise à jour : 23/05/2005