[14] Καίτοι γ´ ὥσπερ οἱ τὰ πικρὰ καὶ τὰ δυσώδη φάρμακα
πιόντες δυσχεραίνουσι καὶ τὰς κύλικας, οὕτως οἱ τὰ
κακὰ προσαγγέλλοντες ὑπὸ τῶν ἀκουόντων δυσχεραίνονται
καὶ μισοῦνται. ὅθεν χαριέντως ὁ Σοφοκλῆς διηπόρηκεν·
‘ἐν τοῖσιν ὠσὶν ἢ ´πὶ τῇ ψυχῇ δάκνῃ;’
‘τί δὲ ῥυθμίζεις τὴν ἐμὴν λύπην ὅπου;’
‘ὁ δρῶν ς´ ἀνιᾷ τὰς φρένας, τὰ δ´ ὦτ´ ἐγώ.’
λυποῦσι δ´ οὖν ὥσπερ οἱ δρῶντες καὶ οἱ λέγοντες, ἀλλ´
ὅμως οὐκ ἔστι γλώσσης ῥεούσης ἐπίσχεσις οὐδὲ κολασμός.
ἐν Λακεδαίμονι τῆς Χαλκιοίκου τὸ ἱερὸν ὤφθη σεσυλημένον,
καὶ κειμένη ἔνδον κενὴ λάγυνος. ἦν οὖν ἀπορία πολλῶν
συνδεδραμηκότων, καί τις τῶν παρόντων ‘εἰ βούλεσθ´,
ἐγὼ φράσω ὑμῖν ὅ μοι παρίσταται περὶ τῆς λαγύνου·
νομίζω γάρ’ ἔφη ‘τοὺς ἱεροσύλους ἐπὶ τηλικοῦτον ἐλθεῖν
κίνδυνον κώνειον ἐμπιόντας καὶ κομίζοντας οἶνον, ἵν´, εἰ
μὲν αὐτοῖς λαθεῖν ἐγγένοιτο, τῷ ἀκράτῳ ποθέντι σβέσαντες
καὶ διαλύσαντες τὸ φάρμακον ἀπέλθοιεν ἀσφαλῶς·
εἰ δ´ ἁλίσκοιντο, πρὸ τῶν βασάνων ὑπὸ τοῦ φαρμάκου
ῥᾳδίως καὶ ἀνωδύνως ἀποθάνοιεν.’ ταῦτ´ εἰπόντος αὐτοῦ
τὸ πρᾶγμα πλοκὴν ἔχον καὶ περινόησιν τοσαύτην οὐχ
ὑπονοοῦντος ἀλλ´ εἰδότος ἐφαίνετο· καὶ περιστάντες αὐτὸν
ἀνέκριναν ἀλλαχόθεν ἄλλος ‘τίς εἶ;’ καί ‘τίς ς´ οἶδε;’ καί
‘πόθεν ἐπίστασαι ταῦτα;’ καὶ τὸ πέρας ἐλεγχόμενος οὕτως
ὡμολόγησεν εἷς εἶναι τῶν ἱεροσύλων. οἱ δ´ Ἴβυκον ἀποκτείναντες
οὐχ οὕτως ἑάλωσαν, ἐν θεάτρῳ καθεζόμενοι καὶ
γεράνων παραφανεισῶν πρὸς ἀλλήλους ἅμα γέλωτι ψιθυρίζοντες,
ὡς αἱ Ἰβύκου ἔκδικοι πάρεισιν; ἀκούσαντες γὰρ
οἱ καθεζόμενοι πλησίον, ἤδη τοῦ Ἰβύκου πολὺν χρόνον
ὄντος ἀφανοῦς καὶ ζητουμένου, ἐπελάβοντο τῆς φωνῆς καὶ
προσήγγειλαν τοῖς ἄρχουσιν. ἐλεγχθέντες δ´ οὕτως ἀπήχθησαν,
οὐχ ὑπὸ τῶν γεράνων κολασθέντες ἀλλ´ ὑπὸ τῆς
αὑτῶν γλωσσαλγίας ὥσπερ Ἐρινύος ἢ Ποινῆς βιασθέντες
ἐξαγορεῦσαι τὸν φόνον. ὡς γὰρ ἐν τῷ σώματι πρὸς τὰ
πεπονθότα μέρη καὶ ἀλγοῦντα γίνεται φορὰ καὶ ὁλκὴ τῶν
πλησίον, οὕτως ἡ γλῶττα τῶν ἀδολέσχων ἀεὶ φλεγμονὴν
ἔχουσα καὶ σφυγμὸν ἕλκει τι καὶ συνάγει τῶν ἀπορρήτων
καὶ κεκρυμμένων ἐφ´ ἑαυτήν.
διὸ δεῖ πεφράχθαι, καὶ τὸν λογισμὸν ὡς πρόβολον ἐμποδὼν ἀεὶ
τῇ γλώττῃ κείμενον ἐπισχεῖν τὸ ῥεῦμα καὶ τὸν ὄλισθον αὐτῆς,
ἵνα μὴ τῶν χηνῶν ἀφρονέστεροι εἶναι δοκῶμεν, οὕς φασιν,
ὅταν ὑπερβάλλωσιν ἐκ Κιλικίας τὸν Ταῦρον ἀετῶν ὄντα μεστόν,
εἰς τὸ στόμα λαμβάνειν εὐμεγέθη λίθον ὥσπερ κλεῖθρον ἢ
χαλινὸν ἐμβάλλοντας τῇ φωνῇ καὶ νυκτὸς οὕτως ὑπερφέρεσθαι
λανθάνοντας.
| [14] Comme après avoir bu des remèdes amers et d'une
odeur désagréable on éprouve de la répugnance même pour
les vases qui les contenaient, de même les porteurs de mauvaises
nouvelles inspirent à ceux à qui ils les communiquent
un sentiment de haine et d'horreur. Aussi doit-on trouver
fort judicieuse la distinction établie dans ces vers de Sophocle :
"LE MESSAGER. Lequel est déchiré, ton oreille ou ton coeur?
CRÉON. Prétends-tu donc fixer un siége à ma douleur?
LE MESSAGER. Le fait a déchiré ton coeur; moi, ton oreille".
Non moins que les auteurs mêmes du mal, ceux qui nous
l'apprennent nous affligent. Cependant rien n'arrête, rien
ne maîtrise la langue une fois qu'elle est débordée. A Lacédémone
on s'aperçut un jour que le temple de la déesse
Chalcioeque avait été pillé, et l'on n'avait rien trouvé au
dedans si ce n'est une bouteille vide. La foule était accourue.
On ne savait que résoudre. Un de ceux qui se trouvaient là
prit la parole: « Si vous voulez, dit-il, je vous ferai connaître
quelle pensée me suggère cette bouteille. Je suppose,
continua-t-il, que les auteurs de ce sacrilége, avant
de tenter une si périlleuse entreprise, avaient premièrement
avalé de la ciguë et qu'ils s'étaient munis de vin. Ils se proposaient,
s'ils échappaient, de boire le vin pur, lequel aurait
pour effet d'éteindre et de neutraliser le poison et de s'esquiver
sans encombre ; si au contraire ils eussent été pris,
la ciguë aurait agi avant qu'on les appliquât à la torture,
et ils seraient morts doucement et sans souffrance. » Quand
cet homme eut fini, son interprétation si compliquée et si
ingénieuse fit voir clairement qu'il parlait non par conjecture,
mais en connaissance de cause. On l'entoura. De tous
les côtés on lui adressa mille questions : « Qui es-tu ? Qui
te connaît? D'où sais-tu cela? » Bref, ainsi poussé à bout il
confessa qu'il était un de ceux qui avaient pillé le temple.
N'est-ce pas ainsi que se firent prendre les assassins
d'Ibycus? Pendant qu'ils étaient assis au théâtre, des grues
ayant tout à coup passé en l'air, ils se disaient tout bas en
riant : « Voici les oiseaux qui doivent venger Ibycus. » Ils
furent entendus de ceux qui etaient assis le plus près d'eux.
Comme depuis longtemps Ibycus avait disparu et qu'on était
à sa recherche, ils recueillirent ces paroles et les rapportèrent
aux magistrats. Ainsi découverts les meurtriers furent
conduits au supplice, et ce ne furent pas tant les grues
qui vengèrent un pareil crime que cette intempérance de
paroles. La langue de ces hommes devint une sorte de
furie, de divinité vengeresse, qui les contraignit à divulguer
le meurtre qu'ils avaient commis.
Comme dans le corps les parties malades et douloureuses
attirent et entraînent à elles les humeurs des parties voisines,
de même la langue des bavards, toujours atteinte de fièvre et
d'inflammation, attire et amène à elle quelques-uns des secrets
cachés au fond du coeur.
On doit donc élever une barrière.
Il faut que la raison, placée toujours comme une digue en
avant de la langue, en arrête le cours et le débordement.
Grâce à ces précautions nous ne paraîtrons pas plus inconsidérés
que ne le sont les oies. Quand elles partent de la Cilicie et qu'elles
traversent le mont Taurus, qui est rempli d'aigles, on dit qu'elles
prennent chacune dans leur bec une assez grosse pierre. C'est
comme un obstacle, comme un frein, qu'elles imposent à leur voix.
De cette manière elles exécutent ce passage pendant la nuit sans
être aperçues des aigles.
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