[13] οἱ δὲ πλεῖστοι τῶν ἀδολέσχων οὐδ´ αἰτίαν ἔχοντες ἀπολλύουσιν
αὑτούς. οἷον ἐν κουρείῳ τινὶ γινομένων λόγων περὶ τῆς Διονυσίου
τυραννίδος ὡς ἀδαμαντίνη καὶ ἄρρηκτός ἐστι, γελάσας ὁ
κουρεύς ‘ταῦθ´ ὑμᾶς’ ἔφη ‘περὶ Διονυσίου λέγειν, οὗ ἐγὼ
παρ´ ἡμέρας ὀλίγας ἐπὶ τοῦ τραχήλου τὸ ξυρὸν ἔχω.’ ταῦτ´
ἀκούσας ὁ Διονύσιος ἀνεσταύρωσεν αὐτόν. ἐπιεικῶς δὲ
λάλον ἐστὶ τὸ τῶν κουρέων γένος· οἱ γὰρ ἀδολεσχότατοι
προσρέουσι καὶ προσκαθίζουσιν, ὥστ´ αὐτοὺς ἀναπίμπλασθαι
τῆς συνηθείας. χαριέντως γοῦν ὁ βασιλεὺς Ἀρχέλαος
ἀδολέσχου κουρέως περιβαλόντος αὐτῷ τὸ ὠμόλινον καὶ
πυθομένου ‘πῶς σε κείρω, βασιλεῦ;’ ‘σιωπῶν’ ἔφη. κουρεὺς
δὲ καὶ τὴν ἐν Σικελίᾳ τῶν Ἀθηναίων μεγάλην κακοπραγίαν
ἀπήγγειλε πρῶτος, ἐν Πειραιεῖ πυθόμενος οἰκέτου
τινὸς τῶν ἀποδεδρακότων ἐκεῖθεν· εἶτ´ ἀφεὶς τὸ ἐργαστήριον
εἰς ἄστυ συνέτεινε δρόμῳ ‘μή τις κῦδος ἄροιτο’
τὸν λόγον εἰς τὴν πόλιν ἐμβαλών, ‘ὁ δὲ δεύτερος ἔλθοι’.
γενομένης δὲ ταραχῆς οἷον εἰκὸς εἰς ἐκκλησίαν
ἀθροισθεὶς ὁ δῆμος ἐπὶ τὴν ἀρχὴν ἐβάδιζε τῆς φήμης.
ἤγετ´ οὖν ὁ κουρεὺς καὶ ἀνεκρίνετο, μηδὲ τοὔνομα τοῦ
φράσαντος εἰδὼς ἀλλ´ εἰς ἀνώνυμον καὶ ἄγνωστον ἀναφέρων
τὴν ἀρχὴν πρόσωπον. ὀργὴ δὴ καὶ βοὴ τοῦ θεάτρου·
‘βασάνιζε καὶ στρέβλου τὸν ἀλάστορα· πέπλασται
ταῦτα καὶ συντέθεικε· τίς δ´ ἄλλος ἤκουσε; τίς δ´ ἐπίστευσεν;’
ἐκομίσθη τροχός, κατετάθη ὁ ἄνθρωπος. ἐν
τούτῳ παρῆσαν οἱ τὴν συμφορὰν ἀπαγγέλλοντες, ἐξ
αὐτοῦ τοῦ ἔργου διαπεφευγότες. ἐσκεδάσθησαν οὖν πάντες
ἐπὶ τὰ οἰκεῖα πένθη, καταλιπόντες ἐν τῷ τροχῷ τὸν
ἄθλιον ἐνδεδεμένον. ὀψὲ δὲ λυθεὶς ἤδη πρὸς ἑσπέραν
ἠρώτα τὸν δήμιον, εἰ καὶ περὶ Νικίου τοῦ στρατηγοῦ, ὃν
τρόπον ἀπόλωλεν, ἀκηκόασιν. οὕτως ἄμαχόν τι κακὸν καὶ
ἀνουθέτητον ἡ συνήθεια ποιεῖ τὴν ἀδολεσχίαν.
| [13] Mais le plus grand nombre des bavards consomment
leur propre perte sans avoir même de motifs. J'en veux
citer pour exemple certain barbier. On parlait dans sa boutique
de la cruauté de Denys, et l'on disait combien le
tyran était dur et inflexible. Notre homme se mit à rire.
« Pouvez-vous bien, dit-il, parler ainsi de Denys ? Dans
quelques jours j'aurai mon rasoir sur son cou. » Le propos
parvint aux oreilles de Denys, et l'homme fut mis en croix.
On conçoit du reste que la race des barbiers soit bavarde.
Chez eux affluent et s'installent les plus infatigables parleurs,
de sorte qu'ils se pénètrent eux-mêmes d'habitudes de
loquacité. Aussi trouvé-je fort spirituelle la réponse du roi
Archélaüs. Un barbier bavard lui passant le linge autour du
cou, lui demandait : "Sire, comment faut-il que je vous rase?"
— « Sans dire mot », répondit le prince.
Ce fut encore un barbier qui annonça le grand désastre
éprouvé par les Athéniens en Sicile. Il l'avait appris le premier
au Pirée, de la bouche d'un des esclaves qui s'étaient
enfuis de la bataille. Aussitôt le voilà qui laisse sa boutique.
Il court droit à la ville,
"Craignant que cet honneur ne lui fût enlevé
par un autre qui en répandrait la nouvelle au milieu des habitants,
Et qu'il ne se trouvât trop tard être arrivé".
Grande agitation, comme il est facile de le comprendre. Le
peuple s'assemble en groupes, et l'on remonte à la source
du bruit. Le barbier est amené, on l'interroge. Il ne savait
pas même le nom de celui qui lui avait appris la nouvelle :
c'était d'un personnage anonyme, d'un inconnu, qu'il
déclara la tenir. Les assistants sont furieux. On s'écrie :
« A la question, à la torture, le misérable ! Ce sont des
contes de sa façon. Quel autre l'a entendu dire? Sur la foi
de qui parle-t-il ? » On dispose une roue, et notre homme
y est étendu. Pendant ce temps étaient arrivés ceux qui
apportaient la nouvelle du désastre après s'être sauvés du
lieu même de l'action. Chacun se disperse pour aller pleurer
chez soi ses pertes personnelles, et on laisse le malheureux
barbier garrotté sur sa roue. Ce ne fut que tardivement
qu'on vint le détacher, et vers le soir. Or savez-vous quel fut
son premier soin? De demander au bourreau, a si l'on avait
parlé de Nicias, et si l'on savait comment il était mort. »
Tant l'habitude fait du bavardage une passion incurable et incorrigible !
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