| [5] Ἐπικῆς μὲν οὖν ποιήσεως ἡ πόλις οὐκ ἔσχηκεν
 ἔνδοξον δημιουργὸν οὐδὲ μελικῆς· ὁ γὰρ Κινησίας ἀργαλέος
 ἔοικε ποιητὴς γεγονέναι διθυράμβων· καὶ αὐτὸς
 μὲν ἄγονος καὶ ἀκλεὴς γέγονε, σκωπτόμενος δὲ καὶ
 χλευαζόμενος ὑπὸ τῶν κωμῳδιοποιῶν οὐκ εὐτυχοῦς δόξης
 μετέσχηκε. τῶν δὲ δραματοποιῶν τὴν μὲν κωμῳδιοποιίαν
 οὕτως ἄσεμνον ἡγοῦντο καὶ φορτικόν, ὥστε νόμος ἦν
 μηδένα ποιεῖν κωμῳδίας Ἀρεοπαγίτην. ἤνθησε δ´ ἡ
 τραγῳδία καὶ διεβοήθη, θαυμαστὸν ἀκρόαμα καὶ θέαμα
 τῶν τότ´ ἀνθρώπων γενομένη καὶ παρασχοῦσα τοῖς
 μύθοις καὶ τοῖς πάθεσιν ἀπάτην, ὡς Γοργίας φησίν,
 ἣν ὅ τ´ ἀπατήσας δικαιότερος τοῦ
 μὴ ἀπατήσαντος, καὶ ὁ ἀπατηθεὶς σοφώτερος τοῦ μὴ
 ἀπατηθέντος. ὁ μὲν γὰρ ἀπατήσας δικαιότερος, ὅτι τοῦθ´
 ὑποσχόμενος πεποίηκεν· ὁ δ´ ἀπατηθεὶς σοφώτερος·
 εὐάλωτον γὰρ ὑφ´ ἡδονῆς λόγων τὸ μὴ ἀναίσθητον. τίν´
 οὖν αἱ καλαὶ τραγῳδίαι ταῖς Ἀθήναις ὄνησιν ἤνεγκαν;
 ὡς ἡ Θεμιστοκλέους δεινότης ἐτείχισε τὴν πόλιν, ὡς ἡ
 Περικλέους ἐπιμέλεια τὴν ἄκραν ἐκόσμησεν, ὡς Μιλτιάδης
 ἠλευθέρωσεν, ὡς Κίμων προῆγεν εἰς τὴν ἡγεμονίαν. εἰ
 οὕτως ἡ Εὐριπίδου σοφία καὶ ἡ Σοφοκλέους λογιότης καὶ
 τὸ Αἰσχύλου στόμα τι τῶν δυσχερῶν ἀπήλλαξεν ἤ τι
 τῶν λαμπρῶν περιεποίησεν, ἄξιόν γε τὰ δράματα τοῖς
 τροπαίοις ἀντιπαραθεῖναι καὶ τῷ στρατηγίῳ τὸ θέατρον
 ἀνταναστῆσαι καὶ ταῖς ἀριστείαις τὰς διδασκαλίας ἀντιπαραβαλεῖν.
 
 | [5] Athènes ne compte de poète illustre ni dans l'épopée
ni dans le genre lyrique. Cinésias, en effet, semble n'avoir 
aucun mérite comme poète dithyrambique : il manque de 
fécondité et d'éclat. Les auteurs de comédies l'ont raillé, 
tourné en ridicule, et il n'a pas en partage un renom bien 
heureux. Pour ce qui est de la poésie dramatique, les Athéniens 
regardaient la comédie comme un genre si bas et si 
odieux, qu'une loi défendait à tout membre de l'Aréopage de 
composer des comédies. La tragédie, au contraire, y fut 
florissante, et jouissait d'une grande popularité. Nul spectacle 
ne frappait alors d'une plus grande admiration les yeux et les 
oreilles. Il s'y déployait des récits et des situations pathétiques, 
qui avaient tout le charme de la vraisemblance ; ce 
qui a fait dire à Gorgias, "que l'auteur de cette fiction reste 
plus dans le vrai que celui qui ne trompe pas, et que celui 
qui s'y laisse prendre fait preuve de plus d'intelligence 
que celui qui y résiste." Le trompeur est plus honnête en 
effet, parce qu'il a annoncé le genre de son oeuvre; celui qui 
s'est laissé prendre à l'illusion est plus intelligent, parce 
qu'il faut n'être pas sans esprit pour être sensible aux charmes 
du langage. Eh bien, quelle utilité ces tragédies magnifiques 
ont-elles donc procurée aux Athéniens? Peut-on en 
comparer le profit à la prudence de Thémistocle, qui entoure 
la ville de remparts; à la sollicitude de Périclès, qui embellit 
l'Acropole; à la valeur de Miltiade, qui affranchit l'Attique, 
de Cimon, qui lui assure la prépondérance? S'il en 
est réellement ainsi, et que l'habileté d'Euripide, l'éloquence 
de Sophocle, le style pompeux d'Eschyle aient préservé Athènes 
de quelque malheur, ou bien aient contribué à son illustration, 
c'est alors qu'il y aura véritablement justice à établir 
un parallèle entre leurs oeuvres et les trophées militaires, à 
mettre le théâtre sur le même niveau que la tente du général 
d'armée, à comparer les théories de l'art avec les exploits des guerriers.
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