[4] Καὶ γὰρ ἡ ποιητικὴ χάριν ἔσχε καὶ τιμὴν τῷ
τοῖς πεπραγμένοις ἐοικότα λέγειν, ὡς Ὅμηρος ἔφη
’ἴσκε ψεύδεα πολλὰ λέγων ἐτύμοισιν ὁμοῖα.‘
λέγεται δὲ καὶ Μενάνδρῳ τῶν συνήθων τις εἰπεῖν ’ἐγγὺς
οὖν Μένανδρε τὰ Διονύσια, καὶ σὺ τὴν κωμῳδίαν οὐ
πεποίηκας;‘ τὸν δ´ ἀποκρίνασθαι ’νὴ τοὺς θεοὺς ἔγωγε
πεποίηκα τὴν κωμῳδίαν· ᾠκονόμηται γὰρ ἡ διάθεσις·
δεῖ δ´ αὐτῇ τὰ στιχίδια ἐπᾷσαι‘, ὅτι καὶ αὐτοὶ τὰ πράγματα
τῶν λόγων ἀναγκαιότερα καὶ κυριώτερα νομίζουσιν.
ἡ δὲ Κόριννα τὸν Πίνδαρον, ὄντα νέον ἔτι καὶ τῇ
λογιότητι σοβαρῶς χρώμενον, ἐνουθέτησεν ὡς ἄμουσον
ὄντα {καὶ} μὴ ποιοῦντα μύθους, ὃ τῆς ποιητικῆς ἔργον
εἶναι συμβέβηκε, γλώσσας δὲ καὶ καταχρήσεις καὶ μεταφορὰς
καὶ μέλη καὶ ῥυθμοὺς ἡδύσματα τοῖς πράγμασιν
ὑποτιθέντα. | σφόδρ´ οὖν ὁ Πίνδαρος ἐπιστήσας τοῖς λεγομένοις
ἐποίησεν ἐκεῖνο τὸ μέλος
’Ἰσμηνὸν ἢ χρυσαλάκατον Μελίαν,
ἢ Κάδμον ἢ Σπαρτῶν ἱερὸν γένος ἀνδρῶν,
ἢ τὸ πάνυ σθένος Ἡρακλέους
ἢ τὰν Διωνύσου πολυγαθέα τιμάν.‘
δειξαμένου δὲ τῇ Κορίννῃ, γελάσασα ἐκείνη τῇ χειρὶ
δεῖν ἔφη σπείρειν, ἀλλὰ μὴ ὅλῳ τῷ θυλάκῳ. τῷ γὰρ ὄντι
συγκεράσας καὶ συμφορήσας πανσπερμίαν τινὰ μύθων
ὁ Πίνδαρος εἰς τὸ μέλος ἐξέχεεν. ἀλλ´ ὅτι μὲν ἡ ποιητικὴ
περὶ μυθοποιίαν ἐστί, καὶ Πλάτων εἴρηκεν.
ὁ δὲ μῦθος εἶναι βούλεται λόγος ψευδὴς ἐοικὼς ἀληθινῷ·
διὸ καὶ πολὺ τῶν ἔργων ἀφέστηκεν, εἰ λόγος μὲν ἔργου,
{καὶ} λόγου δὲ μῦθος εἰκὼν καὶ εἴδωλόν ἐστι. καὶ τοσοῦτον
τῶν ἱστορούντων οἱ πλάττοντες τὰς πράξεις ὑστεροῦσιν,
ὅσον ἀπολείπονται τῶν πραττόντων οἱ λέγοντες.
| [4] A quoi tient le charme et le prix qu'on attache à la
poésie ? A ce que ses fictions ressemblent à des événements
qui ont eu lieu. Ainsi le dit Homère :
"Il donnait au mensonge un air de vérité".
On rapporte qu'un des amis de Ménandre lui dit un jour :
"Ménandre, les fêtes de Bacchus approchent, et tu n'as
pas encore composé ta comédie!" "Vraiment, oui,"
répondit Ménandre, "ma comédie est faite : j'en ai disposé le
plan, je n'ai plus qu'à la mettre en vers." C'était dire, qu'en
poésie même on regarde le fond des choses comme plus nécessaire
et plus capital que la manière de les exprimer. Corinne voyant
Pindare qui, encore jeune, donnait l'essor à la
magnificence de son langage, lui reprocha de ne rien entendre
à son art, puisqu'il ne composait point de fictions, ce
qui est vraiment l'oeuvre de la poésie. « Les mots,» lui disait-elle,
« les figures, les périphrases, le nombre, la cadence,
ne sont que des accessoires, agréables sans doute, mais subordonnés
aux choses. » Aussi Pindare, ayant tenu compte
de l'observation, composa-t-il l'ode qui commence ainsi:
"Dois-je chanter Ismène, ou Mélia, si fière
De sa quenouille d'or,
Ou Cadmus ? Le saint nom de Sparte la guerrière,
Ou d'Alcide au bras fort"?
Il montra ensuite sa pièce à Corinne, qui lui dit en souriant :
"C'est avec la main. qu'il faut semer, et non pas à
plein sac". Pindare, en effet, avait répandu jusqu'à profusion
dans cette ode les souvenirs de la mythologie.
Il est bien vrai que la fiction est l'âme de la poésie,
comme l'a dit Platon. Mais la fable ne consent à être un
recueil de mensonges, qu'à la condition que ces mensonges
ressembleront à des vérités : voilà pourquoi elle reste à une
si grande distance des actes réels. Ce que les discours sont
aux faits, la fable l'est aux discours : elle n'est qu'une image,
qu'une représentation ; de sorte qu'entre les historiens qui
reproduisent les événements et ceux qui en inventent d'imaginaires,
il y a autant d'intervalle qu'entre ceux qui accomplissent
les actions et ceux qui les racontent.
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