| [3] Πλὴν ὁ Σιμωνίδης τὴν μὲν ζωγραφίαν ποίησιν
 σιωπῶσαν προσαγορεύει, τὴν δὲ ποίησιν ζωγραφίαν λαλοῦσαν.
 ἃς γὰρ οἱ ζωγράφοι πράξεις ὡς γινομένας δεικνύουσι,
 ταύτας οἱ λόγοι γεγενημένας διηγοῦνται καὶ
 συγγράφουσιν. | εἰ δ´ οἱ μὲν χρώμασι καὶ σχήμασιν οἱ δ´
 ὀνόμασι καὶ λέξεσι ταὐτὰ δηλοῦσιν, ὕλῃ καὶ τρόποις
 μιμήσεως διαφέρουσι, τέλος δ´ ἀμφοτέροις ἓν ὑπόκειται,
 καὶ τῶν ἱστορικῶν κράτιστος ὁ τὴν διήγησιν ὥσπερ
 γραφὴν πάθεσι καὶ προσώποις εἰδωλοποιήσας. ὁ γοῦν
 Θουκυδίδης ἀεὶ τῷ λόγῳ πρὸς ταύτην ἁμιλλᾶται τὴν
 ἐνάργειαν, οἷον θεατὴν ποιῆσαι τὸν ἀκροατὴν καὶ τὰ
 γινόμενα περὶ τοὺς ὁρῶντας ἐκπληκτικὰ καὶ ταρακτικὰ
 πάθη τοῖς ἀναγινώσκουσιν ἐνεργάσασθαι λιχνευόμενος.
 ὁ γὰρ παρὰ τὴν ῥαχίαν αὐτὴν τῆς Πύλου παρατάττων τοὺς
 Ἀθηναίους Δημοσθένης, καὶ ὁ τὸν κυβερνήτην ἐπισπέρχων
 Βρασίδας ἐξοκέλλειν καὶ χωρῶν ἐπὶ τὴν ἀποβάθραν
 καὶ τραυματιζόμενος καὶ λιποψυχῶν καὶ ἀποκλίνων εἰς
 τὴν παρεξειρεσίαν, καὶ οἱ πεζομαχοῦντες μὲν ἐκ θαλάττης
 Λακεδαιμόνιοι ναυμαχοῦντες δ´ ἀπὸ γῆς Ἀθηναῖοι· καὶ
 πάλιν ‘ὁ’ ἐν τοῖς Σικελικοῖς ‘ἐκ τῆς γῆς πεζὸς ἀμφοτέρων,
 ἰσορρόπου τῆς ναυμαχίας καθεστηκυίας,  ἄλαστον ἀγῶνα
 καὶ ξύντασιν τῆς γνώμης ἔχων’ διὰ τὰς συντάξεις - - -
 ως συνεχὲς τῆς ἁμίλλης καὶ τοῖς σώμασιν αὐτοῖς ἴσα
 τῇ δόξῃ περιδεῶς συναπονεύων‘ τῇ διαθέσει καὶ τῇ διατυπώσει
 τῶν γινομένων γραφικῆς ἐναργείας - - - ως εἰ
 τοὺς ζωγραφοῦντας οὐκ ἄξιον παραβάλλειν τοῖς στρατηγοῖς,
 μηδὲ τοὺς ἱστοροῦντας παραβάλλωμεν. τὴν τοίνυν
 ἐν Μαραθῶνι μάχην ἀπήγγειλεν, ὡς μὲν Ἡρακλείδης ὁ
 Ποντικὸς  ἱστορεῖ, Θέρσιππος ὁ Ἐρχιεύς· οἱ δὲ
 πλεῖστοι λέγουσιν Εὐκλέα δραμόντα σὺν τοῖς ὅπλοις θερμὸν
 ἀπὸ τῆς μάχης καὶ ταῖς θύραις ἐμπεσόντα τῶν πρώτων
 τοσοῦτον μόνον εἰπεῖν ’χαίρετε‘ καὶ ’χαίρομεν,‘ εἶτ´
 εὐθὺς ἐκπνεῦσαι. πλὴν οὗτος μὲν αὐτάγγελος ἧκε τῆς
 μάχης ἀγωνιστὴς γενόμενος. φέρε δ´ εἴ τις ὑπὲρ λόφου
 τινὸς ἢ σκοπῆς αἰπόλων ἢ βοτήρων τοῦ ἀγῶνος ἄπωθεν
 γενόμενος θεατὴς καὶ κατιδὼν τὸ μέγα καὶ παντὸς λόγου
 μεῖζον ἐκεῖνο ἔργον ἧκεν εἰς τὴν πόλιν ἄτρωτος ἄγγελος
 καὶ ἀναίμακτος, εἶτ´ ἠξίου τιμὰς ἔχειν ἃς Κυνέγειρος ἔσχεν,
 ἃς Καλλίμαχος, ἃς Πολύζηλος, ὅτι τὰς τούτων ἀριστείας
 καὶ τραύματα καὶ θανάτους ἀπήγγειλεν, ἆρ´ οὐκ ἂν ἐδόκει
 πᾶσαν ὑπερβάλλειν ἀναίδειαν, ὅπου γε Λακεδαιμονίους
 φασὶ τῷ τὴν ἐν Μαντινείᾳ φράσαντι νίκην, ἣν Θουκυδίδης
 ἱστόρηκεν, εὐαγγέλιον ἐκ φιδιτίου κρέας
 ἀποστεῖλαι; καὶ μὴν οἱ συγγράφοντες ἐξάγγελοί τινές
 εἰσι τῶν πράξεων εὔφωνοι καὶ τῷ λόγῳ διὰ τὸ κάλλος καὶ
 τὴν δύναμιν ἐξικνούμενοι, οἷς εὐαγγέλιον ὀφείλουσιν οἱ
 πρώτως ἐντυγχάνοντες καὶ ἱστοροῦντες. ἀμέλει δὲ καὶ
 ἐγκωμιάζονται μνημονευόμενοι καὶ ἀναγινωσκόμενοι διὰ
 τοὺς κατορθώσαντας· οὐ γὰρ οἱ λόγοι ποιοῦσι τὰς πράξεις,
 ἀλλ´ αὐτοὶ γίνονται διὰ τὰς πράξεις καὶ ἀκοῆς ἀξιοῦνται.
 | [3] Simonide, il est vrai, appelle la peinture une poésie 
muette, et la poésie, une peinture parlante. Les actions que 
les peintres présentent à nos yeux comme s'accomplissant, 
les historiens les racontent et les écrivent quand elles sont 
passées. Si les uns y emploient des couleurs et des figures, 
les autres usent de mots et de phrases. C'est la matière, en 
même temps que le mode d'imitation, qui diffère; mais des 
deux côtés le but est le même ; et le meilleur historien est 
celui qui reproduit le mieux, comme le ferait une peinture, les 
émotions et les personnages. C'est à cette fidélité frappante 
que Thucydide s'efforce constamment d'atteindre dans ses 
ouvrages. De ses lecteurs il veut faire en quelque sorte des 
spectateurs. Il veut que les événements se passent sous leurs 
regards ; il veut qu'en lisant ils éprouvent un saisissement 
et un trouble égal à celui qu'on ressent par la vue: c'est là 
sa coquetterie. II nous dépeint, sur les bords escarpés de Pylos, 
Démosthène rangeant les Athéniens en bataille , Brasidas 
pressant le pilote de toucher terre, allant et venant sur 
le tillac; il nous montre ce dernier général criblé de blessures, 
et s'évanouissant à la partie des deux extrémités du 
vaisseau où il n'y a point de rameurs; nous voyons les 
Lacédémoniens livrant sur mer, pour ainsi dire, un combat 
de terre, et les Athéniens, un combat de mer sur la terre 
ferme. Ailleurs, dans la guerre de Sicile, Thucydide nous 
fait voir deux armées qui sont aux prises dans un engagement 
naval dont l'issue est douteuse; il nous fait éprouver 
une angoisse profonde et des dispositions d'esprit analogues 
aux diverses dispositions prises par les combattants. 
Nous croyons être, de nos personnes mêmes, associés à la 
lutte; et l'illusion est telle, que nous en partageons les alarmes 
et les émotions : tant il y a d'art dans la manière dont 
l'historien dispose et présente les événements. Bref, sa 
plume est devenue un pinceau. Et pourtant, de même qu'il 
ne serait pas convenable de mettre les peintres sur la même
ligne que les généraux, il ne le serait pas non plus d'y mettre
les historiens.
Le gain de la bataille de Marathon fut annoncé, selon 
l'historien Heraclide du Pont, par Thersippe d'Éroée; 
selon le plus grand nombre, par Euclès, qui se mit à courir 
en armes et tout bouillant encore de la bataille. Il vint 
tomber au seuil de l'enceinte qui réunissait les chefs de 
l'état, n'eut que le temps de dire : « Soyez joyeux : nous le 
sommes! » et il expira sur-le-champ. Euclès, du moins, 
venait annoncer en personne le succès d'une bataille où il 
avait figuré comme champion. Maintenant, supposez que 
d'une éminence ou d'un lieu d'observation, quelque chevrier, 
quelque pâtre eût été de loin spectateur du combat, et 
qu'après avoir suivi jusqu'au bout cette action si grande et 
si fort au-dessus de tout ce qu'on peut dire, il se fût rendu 
à la ville comme un messager ordinaire, sans aucune blessure 
et non épuisé par la perte de son sang; supposez 
qu'ensuite il y eût réclamé les récompenses qui furent décernées 
à Cynégire, à Callimaque, à Polyzèle, sous prétexte 
qu'il avait annoncé les brillants faits d'armes, les blessures 
et la mort de ces généraux; est-ce qu'une semblable prétention 
n'aurait pas été regardée comme le comble de l'impudence ? 
A celui qui leur apporta la nouvelle de la victoire 
de Mantinée, décrite par Thucydide, les Lacédémoniens 
envoyèrent, dit-on, pour toute récompense de cet heureux message, 
une portion de viande prise sur leur repas en commun. 
Or les historiens sont des espèces de messagers à périodes 
sonores. Ils tâchent d'égaler par leurs paroles la beauté et 
la puissance des faits; et ils ont droit à quelque reconnaissance 
de la part de ceux qui les lisent et les consultent les 
premiers. Mais ce qui est incontestable, c'est qu'on n'accorde 
d'éloge à leurs relations et à ce qu'ils écrivent qu'en considération 
des héros dont ils ont proclamé les succès. Car ce 
ne sont pas les récits qui font les grands exploits, ce ne 
sont pas des narrations que l'on veut connaître.
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