[1014] (1014a) Πρῶτον οὖν ἣν ἔχω περὶ τούτων διάνοιαν ἐκθήσομαι, πιστούμενος τῷ
εἰκότι καὶ παραμυθούμενος, ὡς ἔνεστι, τὸ ἄηθες τοῦ λόγου καὶ παράδοξον·
ἔπειτ´ αὐταῖς λέξεσιν ἐπάξω συνοικειῶν ἅμα τὴν ἐξήγησιν καὶ τὴν ἀπόδειξιν.
Ἔχει γὰρ οὕτω κατά γε τὴν ἐμὴν τὰ πράγματα δόξαν. « Kόσμον τόνδε » φησὶν
Ἡράκλειτος
« Oὔτε τις θεῶν οὔτ´ ἀνθρώπων ἐποίησεν, »
ὥσπερ φοβηθεὶς μὴ θεοῦ ἀπογνόντες ἄνθρωπόν τινα γεγονέναι τοῦ κόσμου
δημιουργὸν ὑπονοήσωμεν. Bέλτιον οὖν Πλάτωνι πειθομένους τὸν μὲν κόσμον ὑπὸ
θεοῦ γεγονέναι λέγειν καὶ ᾄδειν
« Ὁ μὲν γὰρ κάλλιστος τῶν γεγονότων ὁ δ´ ἄριστος (b) τῶν αἰτίων »
τὴν δ´ οὐσίαν καὶ ὕλην, ἐξ ἧς γέγονεν, οὐ γενομένην ἀλλ´ ὑποκειμένην ἀεὶ
τῷ δημιουργῷ εἰς διάθεσιν καὶ τάξιν αὑτὴν καὶ πρὸς αὐτὸν ἐξομοίωσιν ὡς
δυνατὸν ἦν ἐμπαρασχεῖν. Οὐ γὰρ ἐκ τοῦ μὴ ὄντος ἡ γένεσις ἀλλ´ ἐκ τοῦ μὴ
καλῶς μηδ´ ἱκανῶς ἔχοντος, ὡς οἰκίας καὶ ἱματίου καὶ ἀνδριάντος. Ἀκοσμία
γὰρ ἦν τὰ πρὸ τῆς τοῦ κόσμου γενέσεως· ἀκοσμία δ´ οὐκ ἀσώματος οὐδ´
ἀκίνητος οὐδ´ ἄψυχος ἀλλ´ ἄμορφον μὲν καὶ ἀσύστατον τὸ σωματικὸν ἔμπληκτον
δὲ καὶ ἄλογον τὸ κινητικὸν ἔχουσα· τοῦτο δ´ ἦν ἀναρμοστία ψυχῆς οὐκ
ἐχούσης λόγον. Ὁ γὰρ θεὸς οὔτε σῶμα τὸ ἀσώματον οὔτε ψυχὴν (c) τὸ ἄψυχον
ἐποίησεν, ἀλλ´ ὥσπερ ἁρμονικὸν ἄνδρα καὶ ῥυθμικὸν οὐ φωνὴν ποιεῖν οὐδὲ
κίνησιν ἐμμελῆ δὲ φωνὴν καὶ κίνησιν εὔρυθμον ἀξιοῦμεν, οὕτως ὁ θεὸς οὔτε
τοῦ σώματος τὸ ἁπτὸν καὶ ἀντίτυπον οὔτε τῆς ψυχῆς τὸ φανταστικὸν καὶ
κινητικὸν αὐτὸς ἐποίησεν· ἀμφοτέρας δὲ τὰς ἀρχὰς παραλαβών, τὴν μὲν
ἀμυδρὰν καὶ σκοτεινὴν τὴν δὲ ταραχώδη καὶ ἀνόητον ἀτελεῖς δὲ τοῦ
προσήκοντος ἀμφοτέρας καὶ ἀορίστους, ἔταξε καὶ διεκόσμησε καὶ συνήρμοσε,
τὸ κάλλιστον ἀπεργασάμενος καὶ τελειότατον ἐξ αὐτῶν ζῷον.
Ἡ μὲν οὖν σώματος οὐσία τῆς λεγομένης ὑπ´ αὐτοῦ (1014d) πανδεχοῦς φύσεως
ἕδρας τε καὶ τιθήνης τῶν γενητῶν οὐχ ἑτέρα τίς ἐστιν. Τὴν δὲ τῆς ψυχῆς ἐν
Φιλήβῳ μὲν ἀπειρίαν κέκληκεν, ἀριθμοῦ καὶ λόγου στέρησιν οὖσαν, ἐλλείψεώς
τε καὶ ὑπερβολῆς καὶ διαφορᾶς καὶ ἀνομοιότητος ἐν αὑτῇ πέρας οὐδὲν οὐδὲ
μέτρον ἔχουσαν· ἐν δὲ Τιμαίῳ τὴν τῇ ἀμερίστῳ συγκεραννυμένην φύσει καὶ
περὶ τὰ σώματα γίγνεσθαι λεγομένην μεριστὴν οὔτε πλῆθος ἐν μονάσι καὶ
στιγμαῖς οὔτε μήκη καὶ πλάτη λέγεσθαι νομιστέον, ἃ σώμασι προσήκει καὶ
σωμάτων μᾶλλον ἢ τῆς ψυχῆς ἐστιν, ἀλλὰ τὴν ἄτακτον καὶ ἀόριστον
αὐτοκίνητον δὲ καὶ κινητικὴν ἀρχὴν ἐκείνην, ἣν πολλαχοῦ μὲν ἀνάγκην ἐν δὲ
τοῖς Νόμοις (1014e) ἄντικρυς ψυχὴν ἄτακτον εἴρηκε καὶ κακοποιόν· αὕτη γὰρ
ἦν ψυχὴ καθ´ ἑαυτήν, νοῦ δὲ καὶ λογισμοῦ καὶ ἁρμονίας ἔμφρονος μετέσχεν,
ἵνα κόσμου ψυχὴ γένηται. Καὶ γὰρ τὸ πανδεχὲς καὶ ὑλικὸν ἐκεῖνο μέγεθος μὲν
ἐκέκτητο καὶ διάστημα καὶ χώραν, κάλλους δὲ καὶ μορφῆς καὶ σχημάτων
μετριότητος ἐνδεῶς εἶχεν· ἔλαχε δὲ τούτων, ἵνα γῆς καὶ θαλάττης καὶ
οὐρανοῦ καὶ ἀστέρων φυτῶν τε καὶ ζῴων παντοδαπὰ σώματα καὶ ὄργανα γίγνηται
κοσμηθέν. Οἱ δὲ τὴν ἐν Τιμαίῳ λεγομένην ἀνάγκην, ἐν δὲ Φιλήβῳ περὶ τὸ
μᾶλλον καὶ ἧττον ἐλλείψεως καὶ ὑπερβολῆς ἀμετρίαν καὶ (1014f) ἀπειρίαν τῇ
ὕλῃ προστιθέντες ἀλλὰ μὴ τῇ ψυχῇ, ποῦ θήσονται τὸ τὴν ὕλην ἀεὶ μὲν ἄμορφον
καὶ ἀσχημάτιστον ὑπ´ αὐτοῦ λέγεσθαι καὶ πάσης ποιότητος καὶ δυνάμεως
οἰκείας ἔρημον,
| [1014] (1014a) Je vais donc exposer d'abord mon sentiment, m'attachant,
autant qu'il me sera possible, à la vraisemblance.
Je ferai en sorte d'expliquer ce qu'il paraît avoir de contraire aux
opinions reçues, ensuite j'appliquerai ma démonstration aux paroles du
texte. Voici donc ce que j'en pense. Héraclite dit que
«ni aucun dieu ni aucun homme n'a fait ce monde,»
comme s'il eût craint qu'en ôtant à Dieu la génération du monde, on ne fût
forcé de l'attribuer à un homme. Mais il vaut mieux dire poétiquement
avec Platon que le monde est né de Dieu ;
«car le monde est le plus parfait des ouvrages, comme Dieu est le
meilleur (1014b) des ouvriers.»
La substance et la matière dont le monde est composé n'a pas été
engendrée, mais elle a toujours été soumise à l'artiste suprême afin qu'il
la disposât, la mît en ordre et lui imprimât sa ressemblance autant qu'il
serait possible. Ainsi le monde n'a pas été engendré de ce qui n'existait
pas, mais de ce qui n'était pas bien ordonné, comme de matières déjà
existantes on fait une maison, un habit, une statue. Avant la régénération
du monde, ce n'était que confusion et que chaos, et ce chaos n'était pas
sans quelque espèce de corps, ni sans mouvement et sans âme. Mais ce
corps n'avait point de forme et de consistance ; ce mouvement était sans
règle et sans mesure ; c'était le désordre d'une âme que la raison ne
conduit pas. Car Dieu n'a pas fait corps ce qui était incorporel, ni âme
(1014c) ce qui n'était pas animé. Mais, comme un musicien qui compose les
mesures et le chant ne fait ni les sons ni les mouvements, el qu'il met
seulement de l'harmonie dans les sons et de la symétrie dans les
mouvements, de même Dieu n'a pas donné au corps
la tangibilité et la résistance, ni à l'âme les facultés d'imaginer et de
mouvoir ; mais, ayant pris ces deux principes, l'un obscur et ténébreux,
l'autre aveugle et emporté, tous deux imparfaits et indéterminés, il leur
a donné l'ordre, la régularité, l'harmonie, et il en a formé l'animal le
plus beau et le plus parfait, qui est le monde. La substance du corps
n'est autre chose que la nature, qu'il appelle le récipient, le siège et
la nourrice de tout ce qui est engendré.
Quant à la substance de l'âme, il l'appelle, (1014d) dans son Philèbe,
une infinité, une privation de nombre et de proportion qui n'a en soi ni
mesure, ni terme, ni excès, ni défaut, ni similitude, ni différence. Quand
il dit, dans son Timée, qu'elle est mêlée avec l'essence indivisible dans
les corps, et qu'elle devient divisible dans les corps, il ne faut pas
entendre que ce soit une multitude accrue par des unités ou des points, en
longueur ou en largeur; car ces propriétés existent plutôt dans les corps
que dans l'âme. Mais il a voulu désigner ce principe désordonné, indéfini,
qui se meut de lui-même et qui a la faculté de mouvoir, qu'il appelle en
plusieurs endroits nécessité, et que dans ses lois (1014e) il nomme
ouvertement une âme désordonnée et malfaisante. Elle l'était par sa
nature, mais elle fut douée d'intelligence, de raisonnement et d'harmonie,
afin qu'elle devint l'âme du monde. Car ce principe matériel,
récipient universel de toutes les substances, avait de la grandeur, de
l'étendue et de l'espace, mais il manquait de beauté, de forme et de
proportion dans ses figures : il fut pourvu de toutes ces qualités lorsque
l'ordre que Dieu y mit fit naître la terre, la mer, le ciel, les astres,
les plantes, les animaux, enfin les corps et les êtres de toute espèce.
Ceux qui attribuent à la matière et non pas à l'âme ce qu'il appelle dans son
Timée nécessité, et dans son Philèbe infinité de plus et de moins, d'excès et de défaut,
comment entendront-ils ce qu'il dit si souvent, que la matière est sans
forme (1014f) et sans figure, qu'elle est destituée de toute qualité et de
toute faculté qui lui soit propre,
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