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[9] ἐπεὶ δὲ Θουκυδίδης μὲν ἀριστοκρατικήν τινα τὴν τοῦ Περικλέους
ὑπογράφει πολιτείαν, “λόγῳ μὲν οὖσαν δημοκρατίαν, ἔργῳ δ' ὑπὸ τοῦ
πρώτου ἀνδρὸς ἀρχήν,” ἄλλοι δὲ πολλοὶ πρῶτον ὑπ' ἐκείνου φασὶ τὸν
δῆμον ἐπὶ κληρουχίας καὶ θεωρικὰ καὶ μισθῶν διανομὰς προαχθῆναι,
κακῶς ἐθισθέντα καὶ γενόμενον πολυτελῆ καὶ ἀκόλαστον ὑπὸ τῶν τότε
πολιτευμάτων ἀντὶ σώφρονος καὶ αὐτουργοῦ, θεωρείσθω διὰ τῶν
πραγμάτων αὐτῶν ἡ αἰτία τῆς μεταβολῆς. ἐν ἀρχῇ μὲν γάρ, (2) ὥσπερ
εἴρηται, πρὸς τὴν Κίμωνος δόξαν ἀντιταττόμενος ὑπεποιεῖτο τὸν δῆμον·
ἐλαττούμενος δὲ πλούτῳ καὶ χρήμασιν, ἀφ' ὧν ἐκεῖνος ἀνελάμβανε τοὺς
πένητας, δεῖπνόν τε καθ' ἡμέραν τῷ δεομένῳ παρέχων Ἀθηναίων, καὶ
τοὺς πρεσβυτέρους ἀμφιεννύων, τῶν τε χωρίων τοὺς φραγμοὺς ἀφαιρῶν
ὅπως ὀπωρίζωσιν οἱ βουλόμενοι, τούτοις ὁ Περικλῆς
καταδημαγωγούμενος τρέπεται πρὸς τὴν τῶν δημοσίων διανομήν,
συμβουλεύσαντος αὐτῷ Δαμωνίδου τοῦ Ὄαθεν, ὡς Ἀριστοτέλης ἱστόρηκε.
(3) καὶ ταχὺ θεωρικοῖς καὶ δικαστικοῖς λήμμασιν ἄλλαις τε μισθοφοραῖς
καὶ χορηγίαις συνδεκάσας τὸ πλῆθος, ἐχρῆτο κατὰ τῆς ἐξ Ἀρείου πάγου
βουλῆς, ἧς αὐτὸς οὐ μετεῖχε διὰ τὸ μήτ' ἄρχων μήτε θεσμοθέτης μήτε
βασιλεὺς μήτε πολέμαρχος λαχεῖν. αὗται γὰρ αἱ ἀρχαὶ κληρωταί τε ἦσαν
ἐκ παλαιοῦ, καὶ δι' αὐτῶν οἱ δοκιμασθέντες ἀνέβαινον εἰς Ἄρειον πάγον.
(4) διὸ καὶ μᾶλλον ἰσχύσας ὁ Περικλῆς ἐν τῷ δήμῳ κατεστασίασε τὴν
βουλήν, ὥστε τὴν μὲν ἀφαιρεθῆναι τὰς πλείστας κρίσεις δι' Ἐφιάλτου,
Κίμωνα δ' ὡς φιλολάκωνα καὶ μισόδημον ἐξοστρακισθῆναι, πλούτῳ μὲν
καὶ γένει μηδενὸς ἀπολειπόμενον, νίκας δὲ καλλίστας νενικηκότα τοὺς
βαρβάρους καὶ χρημάτων πολλῶν καὶ λαφύρων ἐμπεπληκότα τὴν πόλιν,
ὡς ἐν τοῖς περὶ ἐκείνου γέγραπται. Τοσοῦτον ἦν τὸ κράτος ἐν τῷ δήμῳ τοῦ
Περικλέους.
| [9] IX. Thucydide, pour nous donner une idée du gouvernement de Périclès, le représente comme
une sorte d’aristocratie, à laquelle on donnait le nom de gouvernement démocratique, mais qui
dans le fait était une véritable monarchie, où le premier des citoyens avait seul toute l’autorité.
D’autres écrivains ont dit que Périclès fut le premier qui distribua au peuple les terres
conquises, qui donna de l’argent aux citoyens pour assister aux spectacles, et leur assigna des
salaires pour toutes les fonctions publiques ; que, par ces établissements, il leur fit contracter
des habitudes vicieuses, leur ôta l’amour du travail et de la frugalité, leur inspira le goût de la
dépense et l’amour des plaisirs. Recherchons dans les faits mêmes la cause de ce
changement. J’ai déjà dit qu’au commencement de son administration, Périclès, pour balancer
le crédit de Cimon, s’était attaché à gagner la faveur du peuple. Mais ce dernier faisait chaque
jour de très grandes dépenses pour secourir les pauvres, nourrir les citoyens indigents, et
habiller les vieillards ; il avait fait arracher les haies de ses héritages, afin que les Athéniens
eussent la liberté d’en aller cueillir les fruits. Périclès, moins riche que lui, et ne pouvant
l’égaler dans ces moyens de se concilier les bonnes grâces du peuple, eut recours à des
largesses qu’il prenait sur les revenus publics. C’était, suivant Aristote, Démonidès, de l’île
d’Ios, qui lui avait donné ce conseil. En distribuant ainsi aux citoyens pauvres de l’argent
pour assister aux spectacles et aux tribunaux, en leur faisant plusieurs autres dons aux dépens
du trésor public, il corrompit la multitude, et s’en servit pour rabaisser l’aréopage, dont il
n’était point membre, parce que le sort ne l’avait jamais favorisé pour être archonte,
thesmothète, roi des sacrifices, ou polémarque : car de tout temps ces charges s’étaient
données au sort, et ceux qui s’y étaient bien conduits montaient à l’aréopage.
Soutenu de la faveur du peuple, Périclès ruina l’autorité de ce conseil ; il lui ôta, par le moyen
d’Éphialtès, la connaissance d’un grand nombre d’affaires, et fit condamner au bande
l’ostracisme, comme ami des Lacédémoniens et ennemi du peuple, Cimon lui-même, qui
n’était inférieur à aucun autre citoyen ni par sa naissance ni par sa fortune, qui avait remporté
sur les Barbares les victoires les plus glorieuses, et qui, comme je l’ai dit dans sa vie, avait
rempli la ville des richesses et des dépouilles des ennemis : tant Périclès avait de pouvoir sur
la multitude.
| [10] ὁ μὲν οὖν ἐξοστρακισμὸς ὡρισμένην εἶχε νόμῳ δεκαετίαν τοῖς
φεύγουσιν· ἐν δὲ τῷ διὰ μέσου Λακεδαιμονίων στρατῷ μεγάλῳ
ἐμβαλόντων εἰς τὴν Ταναγρικὴν καὶ τῶν Ἀθηναίων εὐθὺς ὁρμησάντων
ἐπ' αὐτούς, ὁ μὲν Κίμων ἐλθὼν ἐκ τῆς φυγῆς ἔθετο μετὰ τῶν φυλετῶν εἰς
λόχον τὰ ὅπλα καὶ δι' ἔργων ἀπολύεσθαι τὸν Λακωνισμὸν ἐβούλετο,
συγκινδυνεύσας τοῖς πολίταις, οἱ δὲ φίλοι τοῦ Περικλέους συστάντες
ἀπήλασαν αὐτὸν ὡς φυγάδα. (2) διὸ καὶ δοκεῖ Περικγῆς ἐρρωμενέστατα
τὴν μάχην ἐκείνην ἀγωνίσασθαι καὶ γενέσθαι πάντων ἐπιφανέστατος
ἀφειδήσας τοῦ σώματος. ἔπεσον δὲ καὶ τοῦ Κίμωνος οἱ φίλοι πάντες
ὁμαλῶς, οὓς Περικλῆς συνεπῃτιᾶτο τοῦ Λακωνισμοῦ· καὶ μετάνοια δεινὴ
τοὺς Ἀθηναίους καὶ πόθος ἔσχε τοῦ Κίμωνος, ἡττημένους μὲν ἐπὶ τῶν
ὅρων τῆς Ἀττικῆς, προσδοκῶντας δὲ βαρὺν εἰς ἔτους ὥραν πόλεμον. (3)
αἰσθόμενος οὖν ὁ Περικλῆς οὐκ ὤκνησε χαρίσασθαι τοῖς πολλοῖς, ἀλλὰ τὸ
ψήφισμα γράψας αὐτὸς ἐκάλει τὸν ἄνδρα, κἀκεῖνος κατελθὼν εἰρήνην
ἐποίησε ταῖς πόλεσιν. οἰκείως γὰρ εἶχον οἱ Λακεδαιμόνιοι πρὸς αὐτὸν
ὥσπερ ἀπήχθοντο τῷ Περικλεῖ καὶ τοῖς ἄλλοις δημαγωγοῖς. (4) ἔνιοι δέ
φασιν οὐ πρότερον γραφῆναι τῷ Κίμωνι τὴν κάθοδον ὑπὸ τοῦ Περικλέους
ἢ συνθήκας αὐτοῖς ἀπορρήτους γενέσθαι δι' Ἐλπινίκης, τῆς Κίμωνος
ἀδελφῆς, ὥστε Κίμωνα μὲν ἐκπλεῦσαι λαβόντα ναῦς διακοσίας καὶ τῶν
ἔξω στρατηγεῖν, καταστρεφόμενον τὴν βασιλέως χώραν, Περικλεῖ δὲ τὴν
ἐν ἄστει δύναμιν ὑπάρχειν. (5) ἐδόκει δὲ καὶ πρότερον ἡ Ἐλπινίκη τῷ
Κίμωνι τὸν Περικλέα πρᾳότερον παρασχεῖν, ὅτε τὴν θανατικὴν δίκην
ἔφευγεν. ἦν μὲν γὰρ εἷς τῶν κατηγόρων ὁ Περικλῆς ὑπὸ τοῦ δήμου
προβεβλημένος, ἐλθούσης δὲ πρὸς αὐτὸν τῆς Ἐλπινίκης καὶ δεομένης
μειδιάσας εἶπεν· “ὦ Ἐλπινίκη, γραῦς εἶ, γραῦς εἶ, ὡς πράγματα τηλικαῦτα
πράσσειν.” οὐ μὴν ἀλλὰ καὶ πρὸς τὸν λόγον ἅπαξ ἀνέστη, τὴν προβολὴν
ἀφοσιούμενος, καὶ τῶν κατηγόρων ἐλάχιστα τὸν Κίμωνα λυπήσας
ἀπεχώρησε. (6) πῶς ἂν οὖν τις Ἰδομενεῖ πιστεύσειε κατηγοροῦντι τοῦ
Περικλέους ὡς τὸν δημαγωγὸν Ἐφιάλτην φίλον γενόμενον καὶ κοινωνὸν
ὄντα τῆς ἐν τῇ πολιτείᾳ προαιρέσεως δολοφονήσαντος διὰ ζηλοτυπίαν καὶ
φθόνον τῆς δόξης; ταῦτα γὰρ οὐκ οἶδ' ὅθεν συναγαγὼν ὥσπερ χολὴν
τἀνδρὶ προσβέβληκε, πάντῃ μὲν ἴσως οὐκ ἀνεπιλήπτῳ, φρόνημα δ'
εὐγενὲς ἔχοντι καὶ ψυχὴν φιλότιμον, οἷς οὐδὲν ἐμφύεται πάθος ὠμὸν
οὕτω καὶ θηριῶδες. (7) Ἐφιάλτην μὲν οὖν φοβερὸν ὄντα τοῖς ὀλιγαρχικοῖς
καὶ περὶ τὰς εὐθύνας καὶ διώξεις τῶν τὸν δῆμον ἀδικούντων ἀπαραίτητον
ἐπιβουλεύσαντες οἱ ἐχθροὶ δι' Ἀριστοδίκου τοῦ Ταναγρικοῦ κρυφαίως
ἀνεῖλον, ὡς Ἀριστοτέλης εἴρηκεν. ἐτελεύτησε δὲ Κίμων ἐν Κύπρῳ
στρατηγῶν.
| [10] X. La loi fixait à dix ans le ban de l’ostracisme. Pendant l’exil de Cimon, les Lacédémoniens
entrèrent avec une grande armée sur le territoire de Tanagre. Les Athéniens ayant aussitôt
marché contre eux, Cimon quitta le lieu de sa retraite ; et, pour détruire par des faits
l’imputation qu’on lui faisait de favoriser les Lacédémoniens, il alla se joindre à ceux de sa
tribu, afin de partager le péril de ses concitoyens. Mais les amis de Périclès, s’étant ligués
contre lui, l’obligèrent, comme banni, de se retirer. Cela mit Périclès dans la nécessité de
faire, en combattant, des efforts extraordinaires de courage, et de se distinguer entre tous les
Athéniens par son intrépidité à braver tous les dangers. Les amis de Cimon, que Périclès
accusait aussi d’être attachés aux Lacédémoniens, y furent tous tués. Cependant les
Athéniens, qui venaient d’être battus sur les frontières de l’Attique, commençaient à se
repentir d’avoir éloigné Cimon ; et, s’attendant à une rude guerre pour le printemps prochain,
ils désiraient vivement son rappel.
Périclès, qui s’aperçut de cette disposition des esprits, ne tarda pas à la seconder, et proposa
lui-même le décret pour le rappel de Cimon, qui, aussitôt après son retour, fit conclure la paix
entre les deux villes : car les Lacédémoniens avaient autant d’affection pour lui que de haine
pour Périclès et pour les autres chefs du parti populaire. Quelques auteurs disent que Périclès
ne proposa le décret pour rappeler Cimon qu’après avoir fait avec lui, par l’entremise
d’Elpinice, soeur de ce dernier, un traité secret dont les conditions étaient que Cimon irait,
avec deux cents vaisseaux, faire la guerre hors de la Grèce et ravager les états du roi de Perse,
et que Périclès aurait toute l’autorité dans Athènes. On croit même qu’Elpinice, lorsqu’on
faisait le procès à son frère, adoucit Périclès à son égard. Le peuple avait nommé celui-ci au
nombre des accusateurs ; et Elpinice étant allée chez lui pour le solliciter : « Elpinice, lui »
dit-il en souriant, vous êtes bien vieille pour terminer une si grande affaire. » Cependant il ne
parla qu’une fois dans le cours du procès, glissa légèrement sur l’accusation, et l’ayant bien
moins chargé qu’aucun autre de ses accusateurs, il se retira. Quelle confiance peut-on donc
avoir en Idoménée, lorsqu’il accuse Périclès d’avoir tué en trahison l’orateur Éphialtès,
son ami intime, le confident et l’associé de tout ce qu’il faisait dans le gouvernement, et
d’avoir été porté à ce crime par la jalousie que lui causait sa réputation ? Je ne sais où
Idoménée a pris toutes ces calomnies, qu’il distille, comme une bile noire, sur un homme qui
peut bien n’être pas sans reproche, mais dont la grandeur d’âme, dont la passion pour la
gloire, ne sauraient s’allier avec une action si atroce. Ce qu’il y a de vrai, c’est qu’Éphialtès,
qui s’était rendu redoutable aux partisans de l’oligarchie par son inflexibilité à poursuivre
ceux qui commettaient la moindre injustice contre le peuple, fut, à ce que dit Aristote,
assassiné par Aristodicus de Tanagre, que ses ennemis avaient suborné. Cependant Cimon
mourut en Cypre, où il commandait l’armée des Athéniens.
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