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[7] ὁ δὲ Περικλῆς νέος μὲν ὢν σφόδρα τὸν δῆμον εὐλαβεῖτο. καὶ γὰρ
ἐδόκει Πεισιστράτῳ τῷ τυράννῳ τὸ εἶδος ἐμφερὴς εἶναι, τήν τε φωνὴν
ἡδεῖαν οὖσαν αὐτοῦ καὶ τὴν γλῶτταν εὔτροχον ἐν τῷ διαλέγεσθαι καὶ
ταχεῖαν οἱ σφόδρα γέροντες ἐξεπλήττοντο πρὸς τὴν ὁμοιότητα. πλούτου
δὲ καὶ γένους προσόντος αὐτῷ λαμπροῦ καὶ φίλων οἳ πλεῖστον ἠδύναντο,
φοβούμενος ἐξοστρακισθῆναι, τῶν μὲν πολιτικῶν οὐδὲν ἔπραττεν, ἐν δὲ
ταῖς στρατείαις ἀνὴρ ἀγαθὸς ἦν καὶ φιλοκίνδυνος. (2) ἐπεὶ δ' Ἀριστείδης
μὲν ἀποτεθνήκει καὶ Θεμιστοκλῆς ἐξεπεπτώκει, Κίμωνα δ' αἱ στρατεῖαι τὰ
πολλὰ τῆς Ἑλλάδος ἔξω κατεῖχον, οὕτω δὴ φέρων ὁ Περικλῆς τῷ δήμῳ
προσένειμεν ἑαυτόν, ἀντὶ τῶν πλουσίων καὶ ὀλίγων τὰ τῶν πολλῶν καὶ
πενήτων ἑλόμενος παρὰ τὴν αὑτοῦ φύσιν ἥκιστα δημοτικὴν οὖσαν. ἀλλ',
(3) ὡς ἔοικε, δεδιὼς μὲν ὑποψίᾳ περιπεσεῖν τυραννίδος, ὁρῶν δ'
ἀριστοκρατικὸν τὸν Κίμωνα καὶ διαφερόντως ὑπὸ τῶν καλῶν κἀγαθῶν
ἀνδρῶν ἀγαπώμενον, ὑπῆλθε τοὺς πολλούς, ἀσφάλειαν μὲν ἑαυτῷ,
δύναμιν δὲ κατ' ἐκείνου παρασκευαζόμενος. (4) εὐθὺς δὲ καὶ τοῖς περὶ τὴν
δίαιταν ἑτέραν τάξιν ἐπέθηκεν. ὁδόν τε γὰρ ἐν ἄστει μίαν ἑωρᾶτο τὴν ἐπ'
ἀγορὰν καὶ τὸ βουλευτήριον πορευόμενος, κλήσεις τε δείπνων καὶ τὴν
τοιαύτην ἅπασαν φιλοφροσύνην καὶ συνήθειαν ἐξέλιπεν, ὡς ἐν οἷς
ἐπολιτεύσατο χρόνοις μακροῖς γενομένοις πρὸς μηδένα τῶν φίλων ἐπὶ
δεῖπνον ἐλθεῖν, πλὴν Εὐρυπτολέμου τοῦ ἀνεψιοῦ γαμοῦντος ἄχρι τῶν
σπονδῶν παραγενόμενος εὐθὺς ἐξανέστη. (5) δειναὶ γὰρ αἱ φιλοφροσύναι
παντὸς ὄγκου περιγενέσθαι, καὶ δυσφύλακτον ἐν συνηθείᾳ τὸ πρὸς δόξαν
σεμνόν ἐστι· τῆς ἀληθινῆς δ' ἀρετῆς κάλλιστα φαίνεται τὰ μάλιστα
φαινόμενα, καὶ τῶν ἀγαθῶν ἀνδρῶν οὐδὲν οὕτω θαυμάσιον τοῖς ἐκτὸς ὡς
ὁ καθ' ἡμέραν βίος τοῖς συνοῦσιν. ὁ δὲ καὶ τῷ δήμῳ τὸ συνεχὲς φεύγων καὶ
τὸν κόρον οἷον ἐκ διαλειμμάτων ἐπλησίαζεν, οὐκ ἐπὶ παντὶ πράγματι
λέγων, οὐδ' ἀεὶ παριὼν εἰς τὸ πλῆθος, ἀλλ' ἑαυτὸν ὥσπερ τὴν Σαλαμινίαν
τριήρη, φησὶ Κριτόλαος, πρὸς τὰς μεγάλας χρείας ἐπιδιδούς, τἆλλα δὲ
φίλους καὶ ῥήτορας ἑτέρους καθιεὶς ἔπραττεν. (6) ὧν ἕνα φασὶ γενέσθαι
τὸν Ἐφιάλτην, ὃς κατέλυσε τὸ κράτος τῆς ἐξ Ἀρείου πάγου βουλῆς,
πολλήν, κατὰ τὸν Πλάτωνα, καὶ ἄκρατον τοῖς πολίταις ἐλευθερίαν
οἰνοχοῶν, ὑφ' ἧς, ὥσπερ ἵππον, ἐξυβρίσαντα τὸν δῆμον οἱ κωμῳδοποιοὶ
λέγουσι “πειθαρχεῖν οὐκέτι τολμᾶν, ἀλλὰ δάκνειν τὴν Εὔβοιαν καὶ ταῖς
νήσοις ἐπιπηδᾶν.”
| [7] VII. Périclès, dans sa jeunesse, craignait beaucoup le peuple. On remarquait dans les traits de
son visage quelque ressemblance avec Pisistrate ; et les vieillards d’Athènes, en comparant la
douceur de sa voix, son éloquence, sa grande facilité à s’exprimer, trouvaient encore cette
ressemblance plus frappante. Comme il était d’ailleurs fort riche et d’une grande naissance,
qu’il avait beaucoup d’amis puissants, il craignait le ban de l’ostracisme, et ne prenait
aucune part aux affaires publiques ; seulement à l’armée il montrait un grand courage et
affrontait tous les dangers. Mais après la mort d’Aristide et le bannissement de Thémistocle,
Périclès, voyant Cimon toujours retenu hors de la Grèce par des expéditions militaires, se
déclara pour le parti du peuple, et préféra au petit nombre de riches la multitude des citoyens
pauvres. Il agissait en cela contre son naturel, qui n’était rien moins que populaire ; mais il
craignait apparemment qu’on ne le soupçonnât d’aspirer à la tyrannie ; d’ailleurs il voyait
Cimon attaché au parti des nobles, et singulièrement aimé des principaux citoyens. Il
embrassa donc les intérêts du peuple, afin d’y trouver de la sûreté pour lui-même et du crédit
contre Cimon.
Dès ce moment, il changea sa manière de vivre. Il ne parut plus dans les rues que pour aller à
la place publique ou au conseil. Il renonça aux festins, aux assemblées, et à tous les
amusements de cette espèce dont il avait contracté l’habitude. Pendant tout le temps de son
administration, qui fut fort longue, il ne soupa chez aucun de ses amis, excepté une seule fois
qu’il alla aux noces d’Euryptolème, son proche parent ; encore n’y resta-t-il que jusqu’aux
libations, après quoi il se retira. En effet, la gravité ne saurait se soutenir au milieu des
jeux et des divertissements ; la gaieté familière qui y règne s’accorde mal avec la dignité, et
nuit à la considération. Il est vrai que c’est au dehors de l’homme réellement vertueux que la
multitude s’attache, c’est l’apparence qui a le plus de prix à ses yeux, et les hommes de bien
ne sont jamais aussi admirables pour les étrangers que pour les témoins habituels de leurs
actions. Mais Périclès, de peur qu’une trop fréquente communication avec le peuple ne finît
par inspirer du dégoût pour sa personne, paraissait rarement et par intervalles dans les
assemblées : il s’abstenait de parler sur les affaires d’un médiocre intérêt, et se réservait pour
les grandes occasions, comme on faisait, suivant Critolaos, du vaisseau de Salamine.
Dans les circonstances moins importantes, il se servait de ses amis et de quelques orateurs qui
lui étaient dévoués ; en particulier d’Ephialtès, celui qui détruisit l’autorité de l’aréopage, et
qui fit boire aux citoyens, à longs traits et sans mesure, suivant l’expression de Platon, la
coupe de la liberté. Aussi le peuple s’abandonnant à sa fougue, tel qu’un coursier qui n’a
plus de frein, ne put être ramené à l’obéissance ; et, comme disent les poètes comiques, il se
mit à mordre à l’Eubée et à bondir sur les îles.
| [8] τῇ μέντοι περὶ τὸν βίον κατασκευῇ καὶ τῷ μεγέθει τοῦ φρονήματος
ἁρμόζοντα λόγον, ὥσπερ ὄργανον, ἐξαρτυόμενος παρενέτεινε πολλαχοῦ
τὸν Ἀναξαγόραν, οἷον βαφὴν τῇ ῥητορικῇ τὴν φυσιολογίαν ὑποχεόμενος.
τὸ γὰρ “ὑψηλόνουν τοῦτο καὶ πάντη τελεσιουργόν,” ὡς ὁ θεῖος Πλάτων
φησί, “πρὸς τῷ εὐφυὴς εἶναι κτησάμενος” ἐκ φυσιολογίας, καὶ τὸ
πρόσφορον ἑλκύσας ἐπὶ τὴν τῶν λόγων τέχνην, πολὺ πάντων διήνεγκε.
(2) διὸ καὶ τὴν ἐπίκλησιν αὐτῷ γενέσθαι λέγουσι· καίτοι τινὲς ἀπὸ τῶν οἷς
ἐκόσμησε τὴν πόλιν, οἱ δ' ἀπὸ τῆς ἐν τῇ πολιτείᾳ καὶ ταῖς στρατηγίαις
δυνάμεως Ὀλύμπιον αὐτὸν οἴονται προσαγορευθῆναι· καὶ συνδραμεῖν
οὐδὲν ἀπέοικεν ἀπὸ πολλῶν προσόντων τῷ ἀνδρὶ τὴν δόξαν. (3) αἱ μέντοι
κωμῳδίαι τῶν τότε διδασκάλων σπουδῇ τε πολλὰς καὶ μετὰ γέλωτος
ἀφεικότων φωνὰς εἰς αὐτόν, ἐπὶ τῷ λόγῳ μάλιστα τὴν προσωνυμίαν
γενέσθαι δηλοῦσι, “βροντᾶν” μὲν αὐτὸν καὶ “ἀστράπτειν,” ὅτε
δημηγοροίη, “δεινὸν δὲ κεραυνὸν ἐν γλώσσῃ φέρειν” λεγόντων.
διαμνημονεύεται δέ τις καὶ Θουκυδίδου τοῦ Μελησίου λόγος εἰς τὴν
δεινότητα τοῦ Περικλέους μετὰ παιδιᾶς εἰρημένος. (4) ἦν μὲν γὰρ ὁ
Θουκυδίδης τῶν καλῶν καὶ ἀγαθῶν ἀνδρῶν, καὶ πλεῖστον
ἀντεπολιτεύσατο τῷ Περικλεῖ χρόνον· Ἀρχιδάμου δὲ τοῦ Λακεδαιμονίων
βασιλέως πυνθανομένου πότερον αὐτὸς ἢ Περικλῆς παλαίει βέλτιον,
“ὅταν,” εἶπεν, “ἐγὼ καταβάλω παλαίων, ἐκεῖνος ἀντιλέγων ὡς οὐ
πέπτωκε, νικᾷ καὶ μεταπείθει τοὺς ὁρῶντας.”
οὐ μὴν ἀλλὰ καὶ αὐτὸς ὁ Περικλῆς περὶ τὸν λόγον εὐλαβὴς ἦν, ὥστ'
ἀεὶ πρὸς τὸ βῆμα βαδίζων εὔχετο τοῖς θεοῖς μηδὲ ῥῆμα μηδὲν ἐκπεσεῖν
ἄκοντος αὐτοῦ πρὸς τὴν προκειμένην χρείαν ἀνάρμοστον. (5) ἔγγραφον
μὲν οὖν οὐδὲν ἀπολέλοιπε πλὴν τῶν ψηφισμάτων· ἀπομνημονεύεται δ'
ὀλίγα παντάπασιν· οἷον τὸ τὴν Αἴγιναν ὡς λήμην τοῦ Πειραιῶς ἀφελεῖν
κελεῦσαι, καὶ τὸ τὸν πόλεμον ἤδη φάναι καθορᾶν ἀπὸ Πελοποννήσου
προσφερόμενον. καί ποτε τοῦ Σοφοκλέους, ὅτε συστρατηγῶν ἐξέπλευσε
μετ' αὐτοῦ, παῖδα καλὸν ἐπαινέσαντος, “οὐ μόνον,” ἔφη, “τὰς χεῖρας, ὦ
Σοφόκλεις, δεῖ καθαρὰς ἔχειν τὸν στρατηγόν, ἀλλὰ καὶ τὰς ὄψεις.” (6) ὁ δὲ
Στησίμβροτός φησιν ὅτι τοὺς ἐν Σάμῳ τεθνηκότας ἐγκωμιάζων ἐπὶ τοῦ
βήματος ἀθανάτους ἔλεγε γεγονέναι καθάπερ τοὺς θεούς· οὐ γὰρ
ἐκείνους αὐτοὺς ὁρῶμεν, ἀλλὰ ταῖς τιμαῖς ἃς ἔχουσι, καὶ τοῖς ἀγαθοῖς ἃ
παρέχουσιν, ἀθανάτους εἶναι τεκμαιρόμεθα· ταῦτ' οὖν ὑπάρχειν καὶ τοῖς
ὑπὲρ τῆς πατρίδος ἀποθανοῦσιν.
| [8] VIII. Périclès, pour proportionner à son genre de vie et à l’élévation de ses sentiments son
style et son langage, pour en faire comme un instrument qui fût à l’unisson de son âme, le
nourrit des leçons d’Anaxagore, et donna, pour ainsi dire, à son éloquence la teinture de la
physique. Il joignait à un heureux naturel cette sublimité d’esprit qui, suivant le divin
Platon, nous rend capables des plus grandes choses, et qu’il avait puisée dans la
philosophie. Il appliquait à l’art de la parole tout ce qui pouvait y convenir ; et son éloquence,
en l’élevant au-dessus de tous les autres orateurs, lui mérita le surnom d’Olympien. D’autres
veulent que ce surnom lui ait été donné parce qu’il avait embelli la ville d’Athènes d’édifices
publics. Il y en a qui prétendent qu’on avait désigné par là sa grande puissance, soit dans
l’administration, soit dans les armées ; peut-être aussi que toutes ces qualités ont concouru à
lui faire donner un surnom si glorieux. Cependant les comédies de ce temps-là, dont les
auteurs le prenaient souvent pour l’objet de leurs satires, tantôt sérieuses et tantôt plaisantes,
font voir que ce fut surtout par son talent pour la parole qu’il mérita ce titre. Ils disent que,
lorsqu’il parlait dans l’assemblée du peuple, les tonnerres et les éclairs partaient de sa bouche,
et que sa langue lançait la foudre. Un mot que Thucydide, fils de Mélésias, dit en plaisantant,
sur la force de son éloquence, mérite d’être rapporté. Ce Thucydide, un des principaux et des
plus vertueux citoyens d’Athènes, fut longtemps le rival de Périclès dans le gouvernement.
Archidamos, roi de Sparte, lui demandait un jour lequel des deux luttait le mieux, de lui ou de
Périclès : « Quand je lutte contre lui, répondit Thucydide, et que je l’ai jeté par terre, il
soutient qu’il n’est pas renversé, et il finit par le persuader aux spectateurs. »
Cependant Périclès ne parlait jamais qu’avec la plus grande circonspection ; et toutes les fois
qu’il se rendait au tribunal, il demandait aux dieux de ne laisser échapper aucune parole
imprudente ou qui ne convînt pas à la matière qu’il allait traiter. Il n’a laissé par écrit que
quelques décrets ; et l’on ne cite de lui qu’un petit nombre de mots remarquables, tels que
celui sur l’île d’Egine, qu’il appelait une tache sur l’oeil du Pirée, qu’on devait faire
disparaître. Il dit un jour qu’il voyait la guerre s’avancer du Péloponnèse à grands pas.
Sophocle, son collègue dans le commandement de l’armée, en s’embarquant avec lui, louait
beaucoup la beauté d’un jeune Athénien : « Sophocle, lui dit Périclès, un général doit avoir les
yeux aussi purs que les mains. » Dans l’oraison funèbre des Athéniens qui avaient péri devant
Samos, il dit, au rapport de Stésimbrote, qu’ils étaient devenus immortels comme les
dieux mêmes : « Car, ajouta-t-il, nous ne voyons pas les dieux, mais les honneurs qu’on leur
rend et les biens dont ils jouissent nous font juger qu’ils sont immortels. Ceux qui sont morts
pour la défense de leur patrie n’ont-ils pas les mêmes avantages ? »
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