[4,3,26] Εἰ μὲν οὖν τὸ ζῷον τὸ συναμφότερόν ἐστιν ἐν ταῖς αἰσθήσεσι ταῖς κατ´
ἐνέργειαν, δεῖ τὸ αἰσθάνεσθαι τοιοῦτον εἶναι — διὸ καὶ κοινὸν λέγεται —
οἷον τὸ τρυπᾶν καὶ τὸ ὑφαίνειν, ἵνα κατὰ μὲν τὸν τεχνίτην ἡ ψυχὴ ᾖ ἐν τῷ
αἰσθάνεσθαι, κατὰ δὲ τὸ ὄργανον τὸ σῶμα, τοῦ μὲν σώματος πάσχοντος καὶ
ὑπηρετοῦντος, τῆς δὲ ψυχῆς παραδεχομένης τὴν τύπωσιν τὴν τοῦ σώματος, ἢ
τὴν διὰ τοῦ σώματος, ἢ τὴν κρίσιν, ἣν ἐποιήσατο ἐκ τοῦ παθήματος τοῦ
σώματος· οὗ δὴ ἡ μὲν αἴσθησις οὕτω κοινὸν ἔργον λέγοιτο ἄν, ἡ δὲ μνήμη οὐκ
ἀναγκάζοιτο τοῦ κοινοῦ εἶναι τῆς ψυχῆς ἤδη παραδεξαμένης τὸν τύπον καὶ ἢ
φυλαξάσης ἢ ἀποβαλούσης αὐτήν· εἰ μή τις τεκμαίροιτο κοινὸν καὶ τὸ
μνημονεύειν εἶναι ἐκ τοῦ ταῖς κράσεσι τῶν σωμάτων καὶ μνημονικοὺς καὶ
ἐπιλήσμονας ἡμᾶς γίγνεσθαι. Ἀλλὰ καὶ ὧς κωλυτικὸν ἂν ἢ οὐ κωλυτικὸν
λέγοιτο τὸ σῶμα γίνεσθαι, τῆς δὲ ψυχῆς τὸ μνημονεύειν οὐχ ἧττον εἴη. Τῶν
δὲ δὴ μαθήσεων πῶς τὸ κοινόν, ἀλλ´ οὐχ ἡ ψυχὴ ἡ μνημονεύουσα ἔσται; Εἰ δὲ
τὸ ζῷον τὸ συναμφότερον οὕτως, ὡς ἕτερον ἐξ ἀμφοῖν εἶναι, πρῶτον μὲν
ἄτοπον μήτε σῶμα μήτε ψυχὴν τὸ ζῷον λέγειν· οὐ γὰρ δὴ μεταβαλόντων
ἀμφοτέρων ἕτερόν τι ἔσται τὸ ζῷον οὐδ´ αὖ κραθέντων, ὡς δυνάμει τὴν ψυχὴν
ἐν τῷ ζῴῳ εἶναι· ἔπειτα καὶ οὕτως οὐδὲν ἧττον τῆς ψυχῆς τὸ μνημονεύειν
ἔσται, ὥσπερ ἐν οἰνομέλιτος κράσει εἴ τι γλυκάζει, παρὰ τοῦ μέλιτος τοῦτο
ἔσται. Τί οὖν, εἰ αὐτὴ μὲν μνημονεύοι, τῷ δὲ ἐν σώματι εἶναι τῷ μὴ καθαρὰ
εἶναι, ἀλλ´ ὥσπερ ποιωθεῖσα, ἀναμάττεσθαι δύναται τοὺς τῶν αἰσθητῶν τύπους
καὶ τῷ οἷον ἕδραν ἐν τῷ σώματι πρὸς τὸ παραδέχεσθαι καὶ μὴ ὥσπερ παραρρεῖν
ἐᾶν; Ἀλλὰ πρῶτον μὲν οἱ τύποι οὐ μεγέθη, οὐδ´ ὥσπερ αἱ ἐνσφραγίσεις οὐδ´
ἀντερείσεις ἢ τυπώσεις, ὅτι μηδ´ ὠθισμός, μηδ´ ὥσπερ ἐν κηρῷ, ἀλλ´ ὁ
τρόπος οἷον νόησις καὶ ἐπὶ τῶν αἰσθητῶν. Ἐπὶ δὲ τῶν νοήσεων τίς ἡ
ἀντέρεισις λέγοιτο ἄν; Ἢ τί δεῖ σώματος ἢ ποιότητος σωματικῆς μεθ´ ἧς;
Ἀλλὰ μὴν καὶ τῶν αὐτῆς κινημάτων ἀνάγκη μνήμην αὐτῇ γίγνεσθαι, οἷον ὧν
ἐπεθύμησε καὶ ὧν οὐκ ἀπέλαυσεν οὐδὲ ἦλθεν εἰς σῶμα τὸ ἐπιθυμητόν. Πῶς γὰρ
ἂν εἴποι τὸ σῶμα περὶ ὧν οὐκ ἦλθεν εἰς αὐτό; Ἢ πῶς μετὰ σώματος
μνημονεύσει, ὃ μὴ πέφυκε γινώσκειν ὅλως τὸ σῶμα; Ἀλλὰ τὰ μὲν λεκτέον εἰς
ψυχὴν λήγειν, ὅσα διὰ σώματος, τὰ δὲ ψυχῆς εἶναι μόνης, εἰ δεῖ τὴν ψυχὴν
εἶναί τι καὶ φύσιν τινὰ καὶ ἔργον τι αὐτῆς. Εἰ δὲ τοῦτο, καὶ ἔφεσιν καὶ
μνήμην τῆς ἐφέσεως ἄρα καὶ τῆς τεύξεως καὶ τῆς οὐ τεύξεως, ἐπείπερ καὶ ἡ
φύσις αὐτῆς οὐ τῶν ῥεόντων. Εἰ γὰρ μὴ τοῦτο, οὐδὲ συναίσθησιν οὐδὲ
παρακολούθησιν δώσομεν οὐδέ τινα σύνθεσιν καὶ οἷον σύνεσιν. Οὐ γὰρ δὴ
οὐδὲν ἔχουσα τούτων ἐν τῇ φύσει αὐτῆς ταῦτα κομίζεται ἐν σώματι, ἀλλ´
ἐνεργείας μέν τινας ἴσχει ὧν ἔργων δεῖται ἡ ἐπιτέλεσις ὀργάνων, τῶν δὲ τὰς
δυνάμεις ἥκει φέρουσα, τῶν δὲ καὶ τὰς ἐνεργείας. Τὸ δὲ τῆς μνήμης καὶ τὸ
σῶμα ἐμπόδιον ἔχει· ἐπεὶ καὶ νῦν προστιθεμένων τινῶν λήθη, ἐν δ´ ἀφαιρέσει
καὶ καθάρσει ἀνακύπτει πολλάκις ἡ μνήμη. Μονῆς δὲ οὔσης αὐτῆς ἀνάγκη τὴν
τοῦ σώματος φύσιν κινουμένην καὶ ῥέουσαν λήθης αἰτίαν, ἀλλ´ οὐ μνήμης
εἶναι· διὸ καὶ <ὁ τῆς Λήθης ποταμὸς> οὗτος ἂν ὑπονοοῖτο. Ψυχῆς μὲν δὴ ἔστω
τὸ πάθημα τοῦτο.
| [4,3,26] Si les deux éléments qui composent l'animal concourent à l'acte de la sensation, la sensation est commune à l'âme et au corps, comme les actes de percer, de tisser. Ainsi, dans la sensation, l'âme joue le rôle d'artisan et le corps celui d'instrument : le corps éprouve la passion et sert de messager à l'âme; l'âme perçoit l'impression produite dans le corps ou par le corps; ou bien encore elle porte un jugement sur la passion qu'il a éprouvée. Il en résulte que la sensation est une opération commune à l'âme et au corps.
Il n'en saurait être de même de la mémoire, par laquelle l'âme, ayant déjà par la sensation perçu l'impression produite dans le corps, la conserve ou la laisse échapper. On prétendra peut-être que la mémoire aussi est commune à l'âme et au corps, parce que sa bonté dépend de notre complexion. Nous répondrons que le corps peut entraver ou non l'exercice de la mémoire, sans que cette faculté cesse d'être propre à l'âme. Comment essaiera-t-on de prouver que le souvenir des connaissances acquises par l'étude appartient au composé et non à l'âme seule? Si l'animal est le composé de l'âme et du corps, en ce sens qu'il est une troisième chose engendrée par leur union, il sera absurde de dire qu'il n'est ni l'âme, ni le corps. En effet, il ne saurait être une chose différente de l'âme et du corps, ni si l'âme et le corps sont transformés dans le composé dont ils sont les éléments, ni s'ils forment un mixte, de telle sorte que l'âme ne soit plus qu'en puissance dans l'animal; même dans ce cas, c'est encore l'âme, et l'âme seule qui se souviendrait. Ainsi, dans un mélange de miel et de vin, si l'on sent quelque douceur, c'est au miel seul qu'il faut l'attribuer.
Oui {répondra-t-on}, c'est l'âme qui se souvient, mais c'est parce qu'elle réside dans le corps et qu'elle n'est pas pure : il faut qu'elle soit affectée de telle ou telle manière pour pouvoir imprimer au corps les formes des choses sensibles ; il faut qu'elle ait son siège dans le corps pour recevoir ces formes et les conserver. — Mais, d'abord, ces formes ne sauraient avoir d'étendue; ensuite elles ne sauraient être ni des empreintes, ni des impressions, ni des images : car il n'y a dans l'âme aucune impulsion, ni aucune empreinte semblable à celle d'un cachet sur la cire, et l'opération même par laquelle elle perçoit les choses sensibles est une espèce de pensée (ou d'intellection). En effet, comment pourrait-on dire qu'il y a impression dans l'acte de la pensée? Comment la pensée aurait-elle besoin du corps ou d'une qualité corporelle? Il est d'ailleurs nécessaire que l'âme se rappelle ses mouvements, par exemple, ses désirs qui n'ont pas été satisfaits et dont le corps n'a point atteint l'objet; or que pourrait nous dire le corps d'un objet qu'il n'a pas atteint? {Quant aux pensées}, comment l'âme se rappellerait-elle conjointement avec le corps les choses que le corps, par sa nature même, ne peut absolument pas connaître ?
Sans doute il faut admettre qu'il y a des affections qui passent du corps dans l'âme; mais il est aussi des affections qui appartiennent exclusivement à l'âme, parce que l'âme est un être réel, qu'elle a une nature et des opérations qui lui sont propres. S'il en est ainsi, elle doit avoir des désirs et se les rappeler, se souvenir qu'ils ont été ou non satisfaits, parce que, par sa nature, elle ne fait pas partie des choses qui sont dans un écoulement perpétuel; sinon, nous ne saurions lui accorder le sens intime, ni la conscience l'intuition d'elle-même.
Si elle ne les possédait pas par sa nature, elle ne les acquerrait pas par son union avec le corps. Sans doute il est des opérations que l'âme ne peut accomplir sans le concours des organes ; mais elle possède par elle-même les facultés dont dépendent ces opérations ; elle possède en outre par elle-même d'autres facultés dont les opérations ne relèvent que d'elle seule. De ce nombre est la mémoire, dont le corps ne fait qu'entraver l'exercice : en effet, quand l'âme s'unit au corps, elle oublie; quand elle se sépare du corps et se purifie, elle recouvre souvent la mémoire. Puisque l'âme possède la mémoire quand elle est seule, nécessairement le corps, avec sa nature mobile et sujette à un écoulement perpétuel, est une cause d'oubli, non de mémoire : il est donc pour l'âme le fleuve du Léthé. C'est donc à l'âme seule qu'appartient la mémoire.
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