[1,8,5] Ἀλλ´ εἰ ἡ ἔλλειψις τοῦ ἀγαθοῦ αἰτία τοῦ ὁρᾶν καὶ συνεῖναι τῷ σκότει,
τὸ κακὸν εἴη ἂν ἐν τῇ ἐλλείψει {ἢ τῷ σκότῳ} τῇ ψυχῇ καὶ πρῶτον - δεύτερον
δὲ ἔστω τὸ σκότος - καὶ ἡ φύσις τοῦ κακοῦ οὐκέτι ἐν τῇ ὕλῃ, ἀλλὰ καὶ πρὸ
τῆς ὕλης. Ἢ οὐκ ἐν τῇ ὁπωσοῦν ἐλλείψει, ἀλλ´ ἐν τῇ παντελεῖ τὸ κακόν· τὸ
γοῦν ἐλλεῖπον ὀλίγῳ τοῦ ἀγαθοῦ οὐ κακόν, δύναται γὰρ καὶ τέλεον εἶναι ὡς
πρὸς φύσιν τὴν αὑτοῦ. Ἀλλ´ ὅταν παντελῶς ἐλλείπῃ, ὅπερ ἐστὶν ἡ ὕλη, τοῦτο
τὸ ὄντως κακὸν μηδεμίαν ἔχον ἀγαθοῦ μοῖραν. Οὐδὲ γὰρ τὸ εἶναι ἔχει ἡ ὕλη,
ἵνα ἀγαθοῦ ταύτῃ μετεῖχεν, ἀλλ´ ὁμώνυμον αὐτῇ τὸ εἶναι, ὡς ἀληθὲς εἶναι
λέγειν αὐτὸ μὴ εἶναι. Ἡ οὖν ἔλλειψις ἔχει μὲν τὸ μὴ ἀγαθὸν εἶναι, ἡ δὲ
παντελὴς τὸ κακόν· ἡ δὲ πλείων τὸ πεσεῖν εἰς τὸ κακὸν δύνασθαι καὶ ἤδη
κακόν. Τῷ χρὴ τὸ κακὸν νοεῖσθαι μὴ τόδε τὸ κακόν, οἷον ἀδικίαν ἢ ἄλλην
τινὰ κακίαν, ἀλλ´ ἐκεῖνο ὃ οὐδὲν μέν πω τούτων, ταῦτα δὲ οἷον εἴδη ἐκείνου
προσθήκαις εἰδοποιούμενα· οἷον ἐν μὲν ψυχῇ πονηρίαν καὶ ταύτης αὖ εἴδη ἢ
ὕλῃ περὶ ἥν, ἢ τοῖς μέρεσι τῆς ψυχῆς, ἢ τῷ τὸ μὲν οἷον ὁρᾶν εἶναι, τὸ δὲ
ὁρμᾶν ἢ πάσχειν. Εἰ δέ τις θεῖτο καὶ τὰ ἔξω ψυχῆς κακὰ εἶναι, πῶς ἐπ´
ἐκείνην τὴν φύσιν ἀνάξει, οἷον νόσον, πενίαν; Ἢ νόσον μὲν ἔλλειψιν καὶ
ὑπερβολὴν σωμάτων ἐνύλων τάξιν καὶ μέτρον οὐκ ἀνεχομένων, αἶσχος δὲ ὕλην
οὐ κρατηθεῖσαν εἴδει, πενίαν δὲ ἔνδειαν καὶ στέρησιν ὧν ἐν χρείᾳ ἐσμὲν διὰ
τὴν ὕλην ᾗ συνεζεύγμεθα φύσιν ἔχουσαν χρησμοσύνην εἶναι. Εἰ δὴ ταῦτα ὀρθῶς
λέγεται, οὐ θετέον ἡμᾶς ἀρχὴν κακῶν εἶναι κακοὺς παρ´ αὐτῶν ὄντας, ἀλλὰ
πρὸ ἡμῶν ταῦτα· ἃ δ´ ἂν ἀνθρώπους κατάσχῃ, κατέχειν οὐχ ἑκόντας, ἀλλ´
εἶναι μὲν ἀποφυγὴν κακῶν τῶν ἐν ψυχῇ τοῖς δυνηθεῖσι, πάντας δὲ οὐ
δύνασθαι. Θεοῖς δὲ ὕλης παρούσης τοῖς αἰσθητοῖς τὸ κακὸν μὴ παρεῖναι, τὴν
κακίαν ἣν ἄνθρωποι ἔχουσιν, ὅτι μηδ´ ἀνθρώποις ἅπασι· κρατεῖν γὰρ αὐτῆς -
ἀμείνους δέ, οἷς μὴ πάρεστι - καὶ τούτῳ κρατεῖν δὲ τῷ μὴ ἐν ὕλῳ ἐν αὐτοῖς ὄντι.
| [1,8,5] Puisque le manque de bien est cause que l'âme regarde les ténèbres et
s'y mêle, le manque du bien et les ténèbres sont pour l'âme le premier
mal. Le second mal sera les ténèbres et la nature du Mal (g-heh g-physis g-tou
g-kakaou), considérées, non dans la matière, mais avant la matière. Ce n'est
pas dans le manque de telle ou telle chose, mais de toute chose en général
que consiste le Mal. Une chose qui ne manque du bien qu'un peu n'est donc
pas mauvaise par cela seul; elle peut même être parfaite pour sa nature.
Mais ce qui, comme la matière, manque complètement du bien est le Mal par
essence et n'a rien de bon. La matière en effet ne possède pas l'être,
sinon elle participerait ainsi du bien ; on ne dit qu'elle est que par
homonymie, comme on dit, mais avec vérité, qu'elle est le non–être absolu.
Ainsi un simple manque (de bien) a pour caractère de n'être pas le bien;
mais le manque complet est le Mal; le manque moyen consiste à pouvoir
tomber dans le mal et est déjà un mal. Le Mal n'est donc pas tel ou tel
mal, comme l'injustice ou tel autre vice : le Mal est ce qui n'est encore
rien de cela, rien de déterminé. Quant à l'injustice et aux autres vices,
il faut les regarder comme des espèces de mal distinguées entre elles par
des accidents : c'est ce qui a lieu pour la méchanceté, par exemple. De
plus, les diverses espèces du mal diffèrent entre elles soit par la
matière où le mal réside, soit par les parties de l'âme auxquelles il se
rapporte, comme la vue, le désir, la passion.
Si l'on admet qu'il y a aussi des maux hors de l'âme, on doit se demander
comment s'y ramènent la maladie, la laideur, la pauvreté. Or on dit que la
maladie est un défaut ou un excès des corps matériels qui ne supportent ni
l'ordre ni la mesure; on dit aussi que la cause de la laideur, c'est que
la matière se prête mal à la forme, que la pauvreté provient du besoin et
du manque des objets nécessaires à la vie par suite de notre union avec la
matière dont la nature est l'indigence même. Si ces assertions sont
vraies, nous ne sommes pas le principe du Mal, nous ne sommes pas mauvais
par nous–mêmes ; les maux existent avant nous. Si les hommes s'abandonnent
au vice, c'est malgré eux. On peut éviter les maux de l'âme, mais cela
exige une fermeté que n'ont pas tous les hommes. Le Mal a donc pour cause
la présence de la matière dans les choses sensibles; il n'est pas
identique avec la méchanceté des hommes : car il n'y a pas de méchanceté
dans tous les hommes; il en est qui triomphent de la méchanceté; ceux qui
n'ont pas besoin d'en triompher sont par cela même meilleurs encore. En
tout cas, les hommes triomphent du mal par celle de leurs facultés qui
n'est pas engagée dans la matière.
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