[1,8,4] Σωμάτων δὲ φύσις, καθόσον μετέχει ὕλης, κακὸν ἂν οὐ πρῶτον εἴη· ἔχει
μὲν γὰρ εἶδός τι οὐκ ἀληθινὸν ἐστέρηταί τε ζωῆς φθείρει τε ἄλληλα φορά τε
παρ´ αὐτῶν ἄτακτος ἐμπόδιά τε ψυχῆς πρὸς τὴν αὐτῆς ἐνέργειαν φεύγει τε
οὐσίαν ἀεὶ ῥέοντα, δεύτερον κακόν· ψυχὴ δὲ καθ´ ἑαυτὴν μὲν οὐ κακὴ οὐδ´ αὖ
πᾶσα κακή. Ἀλλὰ τίς ἡ κακή; Οἷόν φησι· δουλωσάμενοι μὲν ᾧ πέφυκε κακία
ψυχῆς ἐγγίγνεσθαι, ὡς τοῦ ἀλόγου τῆς ψυχῆς εἴδους τὸ κακὸν δεχομένου,
ἀμετρίαν καὶ ὑπερβολὴν καὶ ἔλλειψιν, ἐξ ὧν καὶ ἀκολασία καὶ δειλία καὶ ἡ
ἄλλη ψυχῆς κακία, ἀκούσια παθήματα, δόξας ψευδεῖς ἐμποιοῦντα κακά τε
νομίζειν καὶ ἀγαθὰ ἃ φεύγει τε καὶ διώκει. Ἀλλὰ τί τὸ πεποιηκὸς τὴν κακίαν
ταύτην καὶ πῶς εἰς ἀρχὴν ἐκείνην καὶ αἰτίαν ἀνάξεις; Ἢ πρῶτον μὲν οὐκ ἔξω
ὕλης οὐδὲ καθ´ αὑτὴν εἶναι ἡ ψυχὴ ἡ τοιαύτη. Μέμικται οὖν ἀμετρίᾳ καὶ
ἄμοιρος εἴδους τοῦ κοσμοῦντος καὶ εἰς μέτρον ἄγοντος· σώματι γὰρ
ἐγκέκραται ὕλην ἔχοντι. Ἔπειτα δὲ καὶ τὸ λογιζόμενον εἰ βλάπτοιτο, ὁρᾶν
κωλύεται καὶ τοῖς πάθεσι καὶ τῷ ἐπισκοτεῖσθαι τῇ ὕλῃ καὶ πρὸς ὕλην
νενευκέναι καὶ ὅλως οὐ πρὸς οὐσίαν, ἀλλὰ πρὸς γένεσιν ὁρᾶν, ἧς ἀρχὴ ἡ ὕλης
φύσις οὕτως οὖσα κακὴ ὡς καὶ τὸ μήπω ἐν αὐτῇ, μόνον δὲ βλέψαν εἰς αὐτήν,
ἀναπιμπλάναι κακοῦ ἑαυτῆς. Ἄμοιρος γὰρ παντελῶς οὖσα ἀγαθοῦ καὶ στέρησις
τούτου καὶ ἄκρατος ἔλλειψις ἐξομοιοῖ ἑαυτῇ πᾶν ὅ τι ἂν αὐτῆς προσάψηται
ὁπωσοῦν. Ἡ μὲν οὖν τελεία καὶ πρὸς νοῦν νεύουσα ψυχὴ ἀεὶ καθαρὰ καὶ ὕλην
ἀπέστραπται καὶ τὸ ἀόριστον ἅπαν καὶ τὸ ἄμετρον καὶ κακὸν οὔτε ὁρᾷ οὔτε
πελάζει· καθαρὰ οὖν μένει ὁρισθεῖσα νῷ παντελῶς. Ἡ δὲ μὴ μείνασα τοῦτο,
ἀλλ´ ἐξ αὐτῆς προελθοῦσα τῷ μὴ τελείῳ μηδὲ πρώτῳ οἷον ἴνδαλμα ἐκείνης τῷ
ἐλλείμματι καθόσον ἐνέλιπεν ἀοριστίας πληρωθεῖσα σκότος ὁρᾷ καὶ ἔχει ἤδη
ὕλην βλέπουσα εἰς ὃ μὴ βλέπει, ὡς λεγόμεθα ὁρᾶν καὶ τὸ σκότος.
| [1,8,4] La nature des corps, en tant qu'elle participe de la matière, est un
mal; cependant elle ne saurait être le Premier mal : car elle a une
certaine forme; mais cette forme n'a rien de réel; en outre, elle est
privée de la vie : car les corps se corrompent mutuellement; agités
d'un mouvement déréglé, ils empêchent l'âme d'accomplir son action
propre; ils sont dans un flux perpétuel, contraire à la nature immuable
des essences : aussi constituent-ils le second mal.
Quant à l'âme, elle n'est pas mauvaise par elle-même, et toute âme n'est
pas mauvaise. Quelle est donc celle qui mérite ce nom? Celle de l'homme
qui, selon l'expression de Platon, est esclave du corps, chez qui la
méchanceté de l'âme est naturelle. En effet, la partie irraisonnable de
l'âme admet tout ce qui constitue le mal, l'indétermination, l'excès, le
défaut, d'où proviennent l'intempérance, la lâcheté et les autres vices de
l'âme, les passions involontaires, mères des fausses opinions, qui nous
font regarder comme des biens ou des maux les choses que nous recherchons
ou que nous évitons, Mais qu'est-ce qui produit ce mal? comment en faire
une cause, un principe? D'abord, l'âme n'est ni indépendante de la
matière, ni perverse par elle-même. En vertu de son union avec le corps,
qui est matériel, elle est mêlée à l'indétermination, et jusqu'à un
certain point privée de la forme qui embellit et qui donne la mesure.
Ensuite, si la raison est gênée dans ses opérations, si elle ne peut bien
voir, c'est qu'elle est entravée par les passions, obscurcie par les
ténèbres dont l'environne la matière; c'est qu'elle incline vers
celle-ci; enfin, c'est qu'elle fixe ses regards, non sur ce qui est
essence, mais sur ce qui est simple génération : or le principe de la
génération, c'est la matière, dont la nature est si mauvaise qu'elle la
communique aux êtres qui, même sans lui être unis, la regardent seulement.
Comme elle est entièrement dépourvue du bien, qu'elle en est la privation,
le manque complet, la matière rend semblable à elle-même tout ce qui la
touche. Donc, l'âme parfaite, tournée vers l'Intelligence, toujours pure,
éloigne d'elle la matière, l'indéterminé, le défaut de mesure, le Mal en
un mot; elle n'en approche pas, n'y abaisse pas ses regards; elle demeure
pure et déterminée par l'Intelligence. L'âme qui ne reste pas dans cet
état et qui sort d'elle-même (pour s'unir au corps), n'étant pas
déterminée par le Premier, le Parfait, n'est plus qu'une image de l'âme
parfaite parce qu'elle manque (du Bien) et qu'elle est remplie
d'indétermination; elle ne voit que ténèbres; elle a déjà en elle de la
matière parce qu'elle regarde ce qu'elle ne peut voir, parce qu'elle
regarde les ténèbres, comme on le dit ordinairement.
|