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[1,5,7] Ἀλλὰ διὰ τί, εἰ τὸ παρὸν θεωρεῖν δεῖ μόνον καὶ μὴ συναριθμεῖν τῷ
γενομένῳ, οὐ κἀπὶ τοῦ χρόνου τὸ αὐτὸ ποιοῦμεν, ἀλλὰ καὶ τὸν παρεληλυθότα
τῷ παρόντι συναριθμοῦντες πλείω λέγομεν; Διὰ τί οὖν οὐχ, ὅσος ὁ χρόνος,
τοσαύτην καὶ τὴν εὐδαιμονίαν ἐροῦμεν; Καὶ διαιροῖμεν ἂν κατὰ τὰς τοῦ
χρόνου διαιρέσεις καὶ τὴν εὐδαιμονίαν· καὶ γὰρ αὖ τῷ παρόντι μετροῦντες
ἀδιαίρετον αὐτὴν ποιήσομεν. Ἢ τὸν μὲν χρόνον ἀριθμεῖν καὶ μηκέτι ὄντα οὐκ
ἄτοπον, ἐπείπερ καὶ τῶν γενομένων μέν, μηκέτι δὲ ὄντων, ἀριθμὸν ἂν
ποιησαίμεθα, οἷον τῶν τετελευτηκότων· εὐδαιμονίαν δὲ μηδέτι οὖσαν
{παρεῖναι} λέγειν τῆς παρούσης πλείονα ἄτοπον. Τὸ μὲν γὰρ εὐδαιμονεῖν
συμμεμενηκέναι ἀξιοῖ, ὁ δὲ χρόνος ὁ πλείων παρὰ τὸν παρόντα τὸ μηκέτι
εἶναι. Ὅλως δὲ τοῦ χρόνου τὸ πλέον σκέδασιν βούλεται ἑνός τινος ἐν τῷ
παρόντι ὄντος. Διὸ καὶ εἰκὼν αἰῶνος εἰκότως λέγεται ἀφανίζειν βουλομένη ἐν
τῷ σκιδναμένῳ αὐτῆς τὸ ἐκείνου μένον. Ὅθεν κἂν ἀπὸ τοῦ αἰῶνος ἀφέληται τὸ
ἐν ἐκείνῳ μεῖναν ἂν καὶ αὐτῆς ποιήσηται, ἀπώλεσεν αὐτό, σῳζόμενον τέως
ἐκείνῳ τρόπον τινά, ἀπολόμενον δέ, ἐν αὐτῇ εἰ πᾶν γένοιτο. Εἴπερ οὖν τὸ
εὐδαιμονεῖν κατὰ ζωὴν ἀγαθήν, δηλονότι κατὰ τὴν τοῦ ὄντος αὐτὴν θετέον
ζωήν· αὕτη γὰρ ἀρίστη. Οὐκ ἄρα ἀριθμητέα χρόνῳ, ἀλλ´ αἰῶνι· τοῦτο δὲ οὔτε
πλέον οὔτε ἔλαττον οὔτε μήκει τινί, ἀλλὰ τὸ τοῦτο καὶ τὸ ἀδιάστατον καὶ τὸ
οὐ χρονικὸν εἶναι. Οὐ συναπτέον τοίνυν τὸ ὂν τῷ μὴ ὄντι οὐδὲ{τῷ αἰῶνι}
τὸν χρόνον οὐδὲ τὸ χρονικὸν δὲ ἀεὶ τῷ αἰῶνι οὐδὲ παρεκτατέον τὸ
ἀδιάστατον, ἀλλὰ πᾶν ὅλον ληπτέον, εἴ ποτε λαμβάνοις, λαμβάνων οὐ τοῦ
χρόνου τὸ ἀδιαίρετον, ἀλλὰ τοῦ αἰῶνος τὴν ζωὴν τὴν οὐκ ἐκ πολλῶν χρόνων,
ἀλλὰ τὴν ἐκ παντὸς χρόνου πᾶσαν ὁμοῦ.
| [1,5,7] Mais, s'il ne faut {quand il s'agit du bonheur} considérer que le
présent sans tenir compte du passé, pourquoi ne faisons-nous pas de même
quand il s'agit du temps? Pourquoi disons-nous au contraire que, quand on
additionne le passé avec le présent; le temps en devient plus long?
Pourquoi ne disons-nous pas aussi que plus le temps est long, plus le
bonheur est grand?
C'est qu'ainsi nous appliquerions au bonheur les divisions du temps ; or
c'est précisément pour montrer que le bonheur est indivisible que nous ne
lui donnons pas d'autre mesure que le présent. Il est raisonnable de
compter le passé quand on apprécie le temps, comme on tient compte des
choses qui ne sont plus, des morts par exemple; mais il ne le serait pas
de comparer sous le rapport de la durée le bonheur passé au bonheur
présent, parce que ce serait faire du bonheur une chose accidentelle et
temporaire. Quelle que soit la longueur du temps qui a pu précéder le
présent, tout ce qu'on en peut dire, c'est qu'il n'est plus. Tenir compte
de la durée quand on parle du bonheur, c'est vouloir disperser et
fractionner ce qui est un et indivisible, ce qui n'existe que dans le
présent. Aussi dit-on avec raison que le temps, image de l'Éternité;
semble en faire évanouir la permanence en la dispersant comme lui.
Ôtez à l'éternité la permanence, elle s'évanouit en tombant dans le temps,
parce qu'elle ne peut subsister que dans la permanence. Or comme la
félicité consiste à jouir de la vie qui est bonne, c'est-à-dire, de celle
qui est propre à l'Être {en soi} parce qu'il n'en est point de meilleure,
elle doit avoir pour mesures au lieu du temps, l'éternité même, le
principe qui n'admet ni plus ni moins, qu'on ne peut comparer à aucune
longueur, dont l'essence est d'être indivisible, supérieur au temps. On ne
doit donc pas confondre l'être avec le non-être, l'éternité avec le temps,
le perpétuel avec l'éternel, ni prêter de l'extension à l'indivisible. Si
l'on embrasse l'existence de l'Être {en soi}, il faut qu'on l'embrasse
tout entière, qu'on la considère non comme la perpétuité. du temps, mais
comme la vie même de l'éternité, vie qui, au lieu de se composer d'une
suite de siècles, est tout entière depuis tous les siècles.
| [1,5,8] Εἰ δέ τις λέγοι τὴν μνήμην τῶν παρεληλυθότων ἐν τῷ ἐνεστηκότι μένουσαν
παρέχεσθαι τὸ πλέον τῷ πλείονα χρόνον ἐν τῷ εὐδαιμονεῖν γεγενημένῳ, τί ἂν
τὸ τῆς μνήμης λέγοι; Ἢ γὰρ φρονήσεως μνήμη τῆς πρόσθεν γεγενημένης, ὥστε
φρονιμώτερον ἂν λέγοι καὶ οὐκ ἂν τηροῖ τὴν ὑπόθεσιν· ἢ τῆς ἡδονῆς τὴν
μνήμην, ὥσπερ πολλῆς περιχαρίας δεομένου τοῦ εὐδαίμονος καὶ οὐκ ἀρκουμένου
ῇ παρούσῃ. Καίτοι τί ἂν ἡδὺ ἡ μνήμη τοῦ ἡδέος ἔχοι; Ὥσπερ ἄν, εἰ
μνημονεύοι τις ὅτι ἐχθὲς ἐπὶ ὄψῳ ἥσθη· ἢ εἰς δέκατον ἔτος ἔτι ἂν εἴη
γελοιότερος· τὸ δὲ τῆς φρονήσεως, ὅτι πέρυσιν ἐφρόνουν.
| [1,5,8] Objectera-t-on qu'en subsistant dans le présent, le souvenir du passé
donne quelque chose de plus à celui qui a vécu plus longtemps heureux ?
Je demanderai quelle idée on se fait de ce souvenir. Parle-t-on du
souvenir de la sagesse antérieure et veut-on dire que l'homme qui aurait
ce souvenir en serait plus sage? Ce serait alors sortir de notre hypothèse
{puisqu'il ne s'agit que de bonheur et non de sagesse}. Parle-t-on du
souvenir du plaisir? Ce serait supposer que l'homme heureux a besoin de
beaucoup de plaisir, ne pouvant se contenter de celui qui est présent.
D'ailleurs, qu'y a-t-il de doux dans le souvenir d'un plaisir passé? Ne
serait-il pas ridicule, par exemple, de se rappeler avec délices d'avoir
goûté la veille d'un mets délicat, et plus ridicule encore de se souvenir
d'avoir éprouvé une jouissance de ce genre dix ans auparavant? Il le sera
tout autant de se souvenir avec orgueil d'avoir été sage l'année précédente.
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