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[1,5,9] Εἰ δὲ τῶν καλῶν εἴη ἡ μνήμη, πῶς οὐκ ἐνταῦθα λέγοιτο ἄν τι; Ἀλλὰ
ἀνθρώπου ἐστὶ τοῦτο ἐλλείποντος τοῖς καλοῖς ἐν τῷ παρόντι καὶ τῷ μὴ ἔχειν
νυνὶ ζητοῦντος τὴν μνήμην τῶν γεγενημένων.
| [1,5,9] Si l'on se rappelait des actes vertueux, ce souvenir ne
contribuerait-il pas au bonheur?
Non : car ce souvenir ne peut se trouver que dans un homme qui n'a point
de vertu présentement, et qui par cela même recherche le souvenir de
vertus passées.
| [1,5,10] Ἀλλ´ ὁ πολὺς χρόνος πολλὰς ποιεῖ καλὰς πράξεις, ὧν ἄμοιρος ὁ πρὸς
ὀλίγον εὐδαίμων· εἰ δεῖ λέγειν ὅλως εὐδαίμονα τὸν οὐ διὰ πολλῶν τῶν καλῶν.
Ἢ ὃς ἐκ πολλῶν τὸ εὐδαιμονεῖν καὶ χρόνων καὶ πράξεων λέγει, ἐκ τῶν μηκέτι
ὄντων ἀλλ´ ἐκ τῶν παρεληλυθότων καὶ ἑνός τινος τοῦ παρόντος τὸ εὐδαιμονεῖν
συνίστησι. Διὸ κατὰ τὸ παρὸν ἐθέμεθα τὸ εὐδαιμονεῖν, εἶτα ἐζητοῦμεν εἰ
{μᾶλλον} τὸ ἐν πλείονι εὐδαιμονῆσαι μᾶλλόν ἐστι. Τοῦτο οὖν ζητητέον, εἰ
ταῖς πράξεσι ταῖς πλείοσι πλεονεκτεῖ τὸ ἐν πολλῷ χρόνῳ εὐδαιμονεῖν. Πρῶτον
μὲν οὖν ἔστι καὶ μὴ ἐν πράξεσι γενόμενον εὐδαιμονεῖν καὶ οὐκ ἔλαττον ἀλλὰ
μᾶλλον τοῦ πεπραγότος· ἔπειτα αἱ πράξεις οὐκ ἐξ αὐτῶν τὸ εὖ διδόασιν, ἀλλ´
αἱ διαθέσεις καὶ τὰς πράξεις καλὰς ποιοῦσι καρποῦταί τε ὁ φρόνιμος τὸ
ἀγαθὸν καὶ πράττων, οὐχ ὅτι πράττει οὐδ´ ἐκ τῶν συμβαινόντων, ἀλλ´ ἐξ οὗ
ἔχει. Ἐπεὶ καὶ ἡ σωτηρία τῆς πατρίδος γένοιτο ἂν καὶ παρὰ φαύλου, καὶ τὸ
ἐπὶ σωτηρίᾳ τῆς πατρίδος ἡδὺ καὶ ἄλλου πράξαντος γένοιτο ἂν αὐτῷ. Οὐ
τοίνυν τοῦτό ἐστι τὸ ποιοῦν τὴν τοῦ εὐδαίμονος ἡδονήν, ἀλλ´ ἡ ἕξις καὶ τὴν
εὐδαιμονίαν καὶ εἴ τι ἡδὺ δι´ αὐτὴν ποιεῖ. Τὸ δὲ ἐν ταῖς πράξεσι τὸ
εὐδαιμονεῖν τίθεσθαι ἐν τοῖς ἔξω τῆς ἀρετῆς καὶ τῆς ψυχῆς ἐστι τιθέντος· ἡ
γὰρ ἐνέργεια τῆς ψυχῆς ἐν τῷ φρονῆσαι καὶ ἐν ἑαυτῇ ὡδὶ ἐνεργῆσαι. Καὶ
τοῦτο τὸ εὐδαιμόνως.
| [1,5,10] Mais, dira-t-on, la longueur du temps permet de faire beaucoup de
belles actions : or cette faculté n'est pas donnée à celui qui vit peu de temps heureux.
Nous répondrons qu'on ne doit pas appeler un homme heureux parce qu'il a
fait beaucoup de belles actions. Composer le bonheur de plusieurs parties
du temps et de plusieurs actions, c'est le composer à la fois de choses
qui ne sont plus, qui sont passées, et de choses présentes : or c'est dans
le présent seul que nous avons placé le bonheur. Ensuite nous nous sommes
demandé si la longueur du temps ajoute au bonheur. Il nous reste donc à
examiner si un bonheur de longue durée est supérieur parce qu'il permet de
faire plus de belles actions. D'abord celui qui n'agit pas peut être
heureux autant, plus même que celui qui agit. En outre ce ne sont pas les
actions qui par elles-mêmes donnent le bonheur; ce sont les dispositions
de l'âme; elles sont même le principe des belles actions. Lors même qu'il
agit, ce n'est pas parce qu'il agit que le sage jouit du bien : il ne le
tient pas de choses contingentes, mais de ce qu'il possède en lui-même. Il
peut en effet arriver à un homme vicieux de sauver sa patrie ou de
ressentir du plaisir en la voyant sauvée par un autre. Ce n'est donc pas
là ce qui donne les jouissances du bonheur; c'est à la disposition
constante de l'âme qu'il faut rapporter la vraie béatitude et les
jouissances qu'elle procure. La placer dans les actions, c'est la faire
dépendre de choses étrangères à l'âme et à la vertu. L'acte propre de
l'âme consiste à être sage, à exercer son activité en elle-même; voilà la
vraie béatitude.
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