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[1,5,5] Τί οὖν; Εἰ ὁ μὲν ἐξ ἀρχῆς εὐδαιμόνησεν εἰς τέλος, ὁ δὲ τὸν ὕστερον
χρόνον, ὁ δὲ πρότερον εὐδαιμονήσας μετέβαλεν, ἔχουσι τὸ ἴσον; Ἢ ἐνταῦθα ἡ
παραβολὴ οὐκ εὐδαιμονούντων γεγένηται πάντων, ἀλλὰ μὴ εὐδαιμονούντων, ὅτε
μὴ εὐδαιμόνουν, πρὸς εὐδαιμονοῦντα. Εἴ τι οὖν πλέον ἔχει, τοῦτο ἔχει, ὅσον
ὁ εὐδαίμων πρὸς οὐκ εὐδαίμονας, ᾧ καὶ συμβαίνει πλεονεκτεῖν αὐτοὺς τῷ
παρόντι.
| [1,5,5] Et si un homme a été heureux depuis le commencement de sa vie jusqu'à
la fin, un autre à la fin seulement, si un troisième, d'abord heureux, a
cessé de l'être, sont-ils tous également heureux?
Ici on ne compare pas entre eux tous hommes qui soient heureux; on compare
avec un homme heureux des hommes qui sont privés du bonheur, et cela au
moment où le bonheur leur manque. Si donc l'un de ces hommes a quelque
avantage, il le possède comme homme actuellement heureux comparé à ceux
qui ne le sont pas; c'est donc par la présence actuelle du bonheur qu'il
les surpasse.
| [1,5,6] Τί οὖν ὁ κακοδαίμων; Οὐ μᾶλλον κακοδαίμων τῷ πλείονι; Καὶ τὰ ἄλλα δὲ
ὅσα δυσχερῆ οὐκ ἐν τῷ πλείονι χρόνῳ πλείω τὴν συμφορὰν δίδωσιν, οἷον
ὀδύναι πολυχρόνιοι καὶ λῦπαι καὶ πάντα τὰ τούτου τοῦ τύπου; Ἀλλ´ εἰ ταῦτα
οὕτω τῷ χρόνῳ τὸ κακὸν ἐπαύξει, διὰ τί οὐ καὶ τὰ ἐναντία καὶ τὸ
εὐδαιμονεῖν ὡσαύτως; Ἢ ἐπὶ μὲν τῶν λυπῶν καὶ ὀδυνῶν ἔχοι ἄν τις λέγειν, ὡς
προσθήκην ὁ χρόνος δίδωσιν, οἷον τὸ ἐπιμένειν τὴν νόσον· ἕξις γὰρ γίνεται,
καὶ κακοῦται μᾶλλον τῷ χρόνῳ τὸ σῶμα. Ἐπεί, εἴ γε τὸ αὐτὸ μένοι καὶ μὴ
μείζων ἡ βλάβη, καὶ ἐνταῦθα τὸ παρὸν ἀεὶ τὸ λυπηρὸν ἔσται, εἰ μὴ τὸ
παρεληλυθὸς προσαριθμοῖ ἀφορῶν εἰς τὸ γενόμενον καὶ μένον· ἐπί τε τῆς
κακοδαίμονος ἕξεως τὸ κακὸν εἰς τὸν πλείονα χρόνον ἐπιτείνεσθαι
αὐξανομένης καὶ τῆς κακίας τῷ ἐμμόνῳ. Τῇ γοῦν προσθήκῃ τοῦ μᾶλλον, οὐ τῷ
πλείονι ἴσῳ τὸ μᾶλλον κακοδαιμονεῖν γίνεται. Τὸ δὲ πλεῖον ἴσον οὐχ ἅμα
ἐστὶν οὐδὲ δὴ πλεῖον ὅλως λεκτέον τὸ μηκέτι ὂν τῷ ὄντι συναριθμοῦντα. Τὸ
δὲ τῆς εὐδαιμονίας ὅρον τε καὶ πέρας ἔχει καὶ ταὐτὸν ἀεί. Εἰ δέ τις καὶ
ἐνταῦθα ἐπίδοσις παρὰ τὸν πλείονα χρόνον, ὥστε μᾶλλον εὐδαιμονεῖν εἰς
ἀρετὴν ἐπιδιδόντα μείζονα, οὐ τὴν πολυετῆ εὐδαιμονίαν ἀριθμῶν ἐπαινεῖ,
ἀλλὰ τὴν μᾶλλον γενομένην τότε, ὅτε μᾶλλόν ἐστιν.
| [1,5,6] Le malheureux ne devient–il pas plus malheureux avec le temps? Toutes
les calamités, les souffrances, les chagrins, tous les maux analogues, ne
s'aggravent–ils pas en proportion de leur durée? Mais, si dans tous ces
cas le mal s'augmente avec le temps, pourquoi n'en serait–il pas de même
dans les cas contraires? Pourquoi le bonheur ne s'augmenterait-il pas aussi ?
Par rapport aux chagrins, aux souffrances, on peut dire avec raison que le
temps y ajoute. Quand, par exemple, la maladie se prolonge et devient un
état habituel, le corps s'altère de plus en plus profondément avec le
temps. Mais si le mal reste toujours au même degré, s'il n'empire pas, on
n'a à se plaindre que du présent. Veut–on au contraire tenir compte aussi
du passé, c'est qu'alors on considère les traces que le mal a laissées, la
disposition morbide dont le temps accroît l'intensité, parce que sa
gravité est proportionnée à sa durée. Dans ce cas, ce n'est pas la
longueur du temps, c'est l'aggravation du mal qui ajoute à l'infortune.
Mais le nouveau degré ne subsiste pas en même temps que l'ancien, et il ne
faut pas venir dire qu'il y a plus, en additionnant ce qui n'est plus avec
ce qui est. Quant à la félicité, son caractère est d'avoir un terme bien
fixe, d'être toujours la même. Si encore ici la longueur du temps amène
quelque accroissement, c'est parce qu'un progrès dans la vertu en fait
faire un dans le bonheur, et alors ce n'est pas le nombre des années de
bonheur qu'on doit calculer, c'est le degré de vertu qu'on a fini par acquérir.
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