[59] (Σωκράτης)
Ἆρ' οὖν ἐννοήσας τὸ τοιόνδε εἴρηκας ὃ λέγεις νῦν, ὡς αἱ πολλαὶ τέχναι, καὶ ὅσοι
περὶ ταῦτα πεπόνηνται, (59a) πρῶτον μὲν δόξαις χρῶνται καὶ τὰ περὶ δόξαν
ζητοῦσι συντεταμένως; Εἴ τε καὶ περὶ φύσεως ἡγεῖταί τις ζητεῖν, οἶσθ' ὅτι τὰ περὶ
τὸν κόσμον τόνδε, ὅπῃ τε γέγονεν καὶ ὅπῃ πάσχει τι καὶ ὅπῃ ποιεῖ, ταῦτα ζητεῖ
διὰ βίου; Φαῖμεν ἂν ταῦτα, ἢ πῶς;
(Πρώταρχος)
Οὕτως.
(Σωκράτης)
Οὐκοῦν οὐ περὶ τὰ ὄντα ἀεί, περὶ δὲ τὰ γιγνόμενα καὶ γενησόμενα καὶ γεγονότα
ἡμῶν ὁ τοιοῦτος ἀνῄρηται τὸν πόνον;
(Πρώταρχος)
Ἀληθέστατα.
(Σωκράτης)
Τούτων οὖν τι σαφὲς ἂν φαῖμεν τῇ ἀκριβεστάτῃ (59b) ἀληθείᾳ γίγνεσθαι, ὧν
μήτε ἔσχε μηδὲν πώποτε κατὰ ταὐτὰ μήθ' ἕξει μήτε εἰς τὸ νῦν παρὸν ἔχει;
(Πρώταρχος)
Καὶ πῶς;
(Σωκράτης)
Περὶ οὖν τὰ μὴ κεκτημένα βεβαιότητα μηδ' ἡντινοῦν πῶς ἄν ποτε βέβαιον
γίγνοιθ' ἡμῖν καὶ ὁτιοῦν;
(Πρώταρχος)
Οἶμαι μὲν οὐδαμῶς.
(Σωκράτης)
Οὐδ' ἄρα νοῦς οὐδέ τις ἐπιστήμη περὶ αὐτά ἐστιν τὸ ἀληθέστατον ἔχουσα.
(Πρώταρχος)
Οὔκουν εἰκός γε.
(Σωκράτης)
Τὸν μὲν δὴ σὲ καὶ ἐμὲ καὶ Γοργίαν καὶ Φίληβον χρὴ συχνὰ χαίρειν ἐᾶν, τόδε δὲ
διαμαρτύρασθαι τῷ λόγῳ.
(59c) (Πρώταρχος)
Τὸ ποῖον;
(Σωκράτης)
Ὡς ἢ περὶ ἐκεῖνα ἔσθ' ἡμῖν τό τε βέβαιον καὶ τὸ καθαρὸν καὶ ἀληθὲς καὶ ὃ δὴ
λέγομεν εἰλικρινές, περὶ τὰ ἀεὶ κατὰ τὰ αὐτὰ ὡσαύτως ἀμεικτότατα ἔχοντα, ἢ
δεύτερος ἐκείνων ὅτι μάλιστά ἐστι συγγενές· τὰ δ' ἄλλα πάντα δεύτερά τε καὶ
ὕστερα λεκτέον.
(Πρώταρχος)
Ἀληθέστατα λέγεις.
(Σωκράτης)
Τὰ δὴ τῶν ὀνομάτων περὶ τὰ τοιαῦτα κάλλιστα ἆρ' οὐ τοῖς καλλίστοις
δικαιότατον ἀπονέμειν;
(Πρώταρχος)
Εἰκός γε.
(59d) (Σωκράτης)
Οὐκοῦν νοῦς ἐστι καὶ φρόνησις ἅ γ' ἄν τις τιμήσειε μάλιστα ὀνόματα;
(Πρώταρχος)
Ναί.
(Σωκράτης)
Ταῦτ' ἄρα ἐν ταῖς περὶ τὸ ὂν ὄντως ἐννοίαις ἐστὶν ἀπηκριβωμένα ὀρθῶς κείμενα
καλεῖσθαι.
(Πρώταρχος)
Πάνυ μὲν οὖν.
(Σωκράτης)
Καὶ μὴν ἅ γε εἰς τὴν κρίσιν ἐγὼ τότε παρεσχόμην οὐκ ἄλλ' ἐστὶν ἢ ταῦτα τὰ
ὀνόματα.
(Πρώταρχος)
Τί μήν, ὦ Σώκρατες;
Σωκράτη
Εἶεν. Τὸ μὲν δὴ φρονήσεώς τε καὶ ἡδονῆς πέρι (59e) πρὸς τὴν ἀλλήλων μεῖξιν εἴ
τις φαίη καθαπερεὶ δημιουργοῖς ἡμῖν ἐξ ὧν ἢ ἐν οἷς δεῖ δημιουργεῖν τι
παρακεῖσθαι, καλῶς ἂν τῷ λόγῳ ἀπεικάζοι.
(Πρώταρχος)
Καὶ μάλα.
(Σωκράτης)
Τὸ δὴ μετὰ ταῦτα ἆρ' οὐ μειγνύναι ἐπιχειρητέον;
(Πρώταρχος)
Τί μήν;
(Σωκράτης)
Οὐκοῦν τάδε προειποῦσι καὶ ἀναμνήσασιν ἡμᾶς αὐτοὺς ὀρθότερον ἂν ἔχοι;
(Πρώταρχος)
Τὰ ποῖα;
| [59] SOCRATE.
Ce qui te fait parier de la sorte, n’est-ce point cette raison, que la plupart des arts
et des sciences qui s’occupent des choses d’ici-bas (59a) donnent beaucoup à
l’opinion, et étudient avec beaucoup d’application ce qui appartient à l’opinion ?
Ensuite, lorsque quelqu’un se propose d’étudier la nature, tu sais qu’il s’occupe toute
sa vie autour de cet univers, pour savoir comment il a été-produit, et quels sont les
effets et les causes de ce qui s’y passe. N’est-ce pas là ce que nous disons ? ou quoi
enfin ?
PROTARQUE.
Oui.
SOCRATE.
N’est-il pas vrai que l’objet du travail entrepris par cet homme, n’est point ce qui
existe toujours, mais ce qui se fait, ce qui se fera, et ce qui s’est fait ?
PROTARQUE.
Cela est très vrai.
SOCRATE,
Pouvons-nous dire qu’il y ait quelque chose d’évident selon la plus exacte (59b)
vérité, dans des choses dont aucune partie n’a jamais existé, ni n’existera, ni n’existe
dans le même état ?
PROTARQUE.
Et le moyen ?
SOCRATE.
Comment aurions-nous des connaissances fixes sur ce qui n’a aucune fixité ?
PROTARQUE.
Impossible, selon moi.
SOCRATE.
Par conséquent, ce n’est point de ces choses passagères dont s’occupe l’intelligence et
toute science qui s’attache à la vérité en elle-même.
PROTARQUE.
Il n’y a pas d’apparence.
SOCRATE.
Ainsi il faut mettre absolument à quartier ici et toi, et moi, et Gorgias, et Philèbe, et,
n’écoutant que la raison, affirmer ceci.
(59c) PROTARQUE.
Quoi ?
SOCRATE.
Que la fixité, la pureté, la vérité, et ce que nous appelons l’état d’abstraction, se
rencontrent dans ce qui est toujours dans le même état, de la même manière, sans
aucun mélange, ensuite dans ce qui en approche davantage ; et que tout le reste ne
doit être mis qu’après et dans un degré inférieur.
PROTARQUE.
Rien de plus certain.
SOCRATE.
Pour ce qui est des noms qui expriment ces objets, n’est-il pas très juste de donner les
plus beaux noms aux plus belles choses ?
PROTARQUE.
Oui.
(59d) SOCRATE.
Les noms les plus honorables ne sont-ils pas ceux d’intelligence et de sagesse ?
PROTARQUE.
Oui.
SOCRATE.
On peut donc les regarder dans la plus exacte vérité comme parfaitement appliqués
aux pensées qui ont pour objet ce qui existe réellement.
PROTARQUE.
Assurément.
SOCRATE.
Ce que j’ai soumis tout-à-1’heure à notre jugement, ce n’est pas autre chose que ces
noms-là.
PROTARQUE.
Pas autre chose, Socrate.
SOCRATE.
Bien. Et si quelqu’un disait que nous ressemblons à des ouvriers, devant lesquels
(59e) on a mis la sagesse et le plaisir comme des matières qu’ils doivent allier
ensemble pour en former quelque ouvrage, cette comparaison ne serait-elle pas juste ?
PROTARQUE.
Très juste.
SOCRATE.
Ne faut-il pas essayer à présent de faire cet alliage ?
PROTARQUE.
Sans doute.
SOCRATE.
Mais ne serait-il pas mieux de nous dire et de nous rappeler auparavant à nous-
mêmes certaines choses ?
PROTARQUE.
Lesquelles ?
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