[54] (Σωκράτης)
Τάχα δ' ἴσως, ὦ παῖ, μᾶλλον μαθησόμεθα προελθόντος (54a) τοῦ λόγου.
(Πρώταρχος)
Τί γὰρ οὔ;
(Σωκράτης)
Δύο δὴ τάδε ἕτερα λάβωμεν.
(Πρώταρχος)
Ποῖα;
(Σωκράτης)
Ἓν μέν τι γένεσιν πάντων, τὴν δὲ οὐσίαν ἕτερον ἕν.
(Πρώταρχος)
Δύο ἀποδέχομαί σου ταῦτα, οὐσίαν καὶ γένεσιν.
(Σωκράτης)
Ὀρθότατα. Πότερον οὖν τούτων ἕνεκα ποτέρου, τὴν γένεσιν οὐσίας ἕνεκα φῶμεν
ἢ τὴν οὐσίαν εἶναι γενέσεως ἕνεκα;
(Πρώταρχος)
Τοῦτο ὃ προσαγορεύεται οὐσία εἰ γενέσεως ἕνεκα τοῦτ' ἔστιν ὅπερ ἐστί, νῦν
πυνθάνῃ;
(Σωκράτης)
Φαίνομαι.
(54b) (Πρώταρχος)
Πρὸς θεῶν ἆρ' ἂν ἐπανερωτᾷς με τοιόνδε τι;
(Σωκράτης)
Λέγ', ὦ Πρώταρχε, μοί, πότερα πλοίων ναυπηγίαν ἕνεκα φὴς γίγνεσθαι μᾶλλον
ἢ πλοῖα ἕνεκα ναυπηγίας, καὶ πάνθ' ὁπόσα τοιαῦτ' ἐστίν;
(Σωκράτης)
Λέγω τοῦτ' αὐτό, ὦ Πρώταρχε.
(Πρώταρχος)
Τί οὖν οὐκ αὐτὸς ἀπεκρίνω σαυτῷ, ὦ Σώκρατες;
(Σωκράτης)
Οὐδὲν ὅτι οὔ· σὺ μέντοι τοῦ λόγου συμμέτεχε.
(Πρώταρχος)
Πάνυ μὲν οὖν.
(55c) (Σωκράτης)
Φημὶ δὴ γενέσεως μὲν ἕνεκα φάρμακά τε καὶ πάντα ὄργανα καὶ πᾶσαν ὕλην
παρατίθεσθαι πᾶσιν, ἑκάστην δὲ γένεσιν ἄλλην ἄλλης οὐσίας τινὸς ἑκάστης
ἕνεκα γίγνεσθαι, σύμπασαν δὲ γένεσιν οὐσίας ἕνεκα γίγνεσθαι συμπάσης.
(Πρώταρχος)
Σαφέστατα μὲν οὖν.
(Σωκράτης)
Οὐκοῦν ἡδονή γε, εἴπερ γένεσίς ἐστιν, ἕνεκά τινος οὐσίας ἐξ ἀνάγκης γίγνοιτ'
ἄν.
(Πρώταρχος)
Τί μήν;
(Σωκράτης)
Τό γε μὴν οὗ ἕνεκα τὸ ἕνεκά του γιγνόμενον ἀεὶ γίγνοιτ' ἄν, ἐν τῇ τοῦ ἀγαθοῦ
μοίρᾳ ἐκεῖνό ἐστι· τὸ δὲ τινὸς ἕνεκα γιγνόμενον εἰς ἄλλην, ὦ ἄριστε, μοῖραν
θετέον.
(Πρώταρχος)
Ἀναγκαιότατον.
(55d) (Σωκράτης)
Ἆρ' οὖν ἡδονή γε εἴπερ γένεσίς ἐστιν, εἰς ἄλλην ἢ τὴν τοῦ ἀγαθοῦ μοῖραν αὐτὴν
τιθέντες ὀρθῶς θήσομεν;
(Πρώταρχος)
Ὀρθότατα μὲν οὖν.
(Σωκράτης)
Οὐκοῦν ὅπερ ἀρχόμενος εἶπον τούτου τοῦ λόγου, τῷ μηνύσαντι τῆς ἡδονῆς πέρι
τὸ γένεσιν μέν, οὐσίαν δὲ μηδ' ἡντινοῦν αὐτῆς εἶναι, χάριν ἔχειν δεῖ· δῆλον γὰρ
ὅτι οὗτος τῶν φασκόντων ἡδονὴν ἀγαθὸν εἶναι καταγελᾷ.
(Πρώταρχος)
Σφόδρα γε.
(54e) (Σωκράτης)
Καὶ μὴν αὑτὸς οὗτος ἑκάστοτε καὶ τῶν ἐν ταῖς γενέσεσιν ἀποτελουμένων
καταγελάσεται.
(Πρώταρχος)
Πῶς δὴ καὶ ποίων λέγεις;
(Σωκράτης)
Τῶν ὅσοι ἐξιώμενοι ἢ πείνην ἢ δίψαν ἤ τι τῶν τοιούτων, ὅσα γένεσις ἐξιᾶται,
χαίρουσι διὰ τὴν γένεσιν ἅτε ἡδονῆς οὔσης αὐτῆς, καί φασι ζῆν οὐκ ἂν δέξασθαι
μὴ διψῶντές τε καὶ πεινῶντες καὶ τἆλλα ἅ τις ἂν εἴποι πάντα τὰ ἑπόμενα τοῖς
τοιούτοις παθήμασι μὴ πάσχοντες.
| [54] SOCRATE.
Peut-être, mon enfant, le comprendras-tu encore mieux, (54a) à mesure que nous
avancerons.
PROTARQUE.
Je l’espère.
SOCRATE.
Concevons à présent deux autres choses.
PROTARQUE.
Lesquelles ?
SOCRATE.
Le phénomène et l’être.
PROTARQUE.
Soit ; j’admets ces deux choses, l’être et le phénomène.
SOCRATE.
Fort bien. Lequel des deux, dirons-nous, qui est fait à cause de l’autre ; le
phénomène, à cause de l’existence, ou l’existence à cause du phénomène ?
PROTARQUE.
Me demandes-tu si l’existence est ce qu’elle est en vue du phénomène ?
SOCRATE.
Il y a apparence.
(54b) PROTARQUE.
Au nom des dieux, que me demandes-tu par là ?
SOCRATE.
Le voici, Protarque. Dis-tu que la construction des vaisseaux se fait en vue des
vaisseaux, ou les vaisseaux en vue de leur construction ? et ainsi des autres choses de
même nature. Voilà, Protarque, ce que je veux savoir de toi.
PROTARQUE.
Pourquoi ne te réponds-tu pas toi-même, Socrate ?
SOCRATE.
Rien ne m’en empêche ; mais prends part à la discussion.
PROTARQUE.
Volontiers.
(55c) SOCRATE.
Je dis donc que tous les ingrédients, tous les instruments, tous les matériaux de
toutes choses y entrent en vue de quelque phénomène : que tout phénomène se fait,
l’un en vue de telle existence, l’autre en vue de telle autre ; et que la totalité des
phénomènes se fait en vue de la totalité des existences.
PROTARQUE.
Cela est très clair.
SOCRATE.
Par conséquent, si le plaisir est un phénomène, il est nécessaire qu’il se fasse en vue
de quelque existence.
PROTARQUE.
J’en conviens.
SOCRATE.
Mais la chose en vue de laquelle est toujours fait ce qui se fait en vue d’une autre doit
être mise dans la classe du bien ; et il faut mettre, mon cher, dans une autre classe
ce*qui se fait en vue d’une autre chose.
PROTARQUE.
De toute nécessité.
(55d) SOCRATE.
Si donc le plaisir est un phénomène, n’auronsnous pas raison de le mettre dans une
autre classe que celle du bien ?
PROTARQUE.
Tout-à-fait raison.
SOCRATE.
Ainsi, comme j’ai dit en entamant ce propos, il faut savoir gré à celui qui nous a fait
connaître que le plaisir est un phénomène, et qu’il n’a point d’existence par lui-
même. Car il est évident que cet homme se moque de ceux qui soutiennent que le
plaisir est le bien.
PROTARQUE.
Assurément.
(54e) SOCRATE.
Ce même homme se moquera aussi sans doute de ceux qui se contentent de
phénomènes.
PROTARQUE.
Comment et de qui parles-tu ?
SOCRATE.
De ceux qui, se délivrant de la faim, de la soif, et des autres besoins semblables, dont
on se délivre à l’aide des phénomènes, se réjouissent de ces phénomènes, parce qu’ils
procurent du plaisir ; et disent qu’ils ne voudraient pas vivre, s’ils n’étaient sujets à la
soif, à la faim, et s’ils n’éprouvaient toutes les autres sensations, sous quelque nom
que ce soit, comme une dépendance nécessaire à ces sortes de besoins.
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