[36] (Σωκράτης)
Διὰ μὲν τὸ πάθος ἀλγῇ, μεμνῆται δὲ τῶν ἡδέων γενομένων παύοιτ' ἂν τῆς
ἀλγηδόνος, πληρῶται δὲ μήπω· τί (36a) τότε; Φῶμεν ἢ μὴ φῶμεν αὐτὸν ἐν μέσῳ
τῶν παθημάτων εἶναι;
(Πρώταρχος)
Φῶμεν μὲν οὖν.
(Σωκράτης)
Πότερον ἀλγοῦνθ' ὅλως ἢ χαίροντα;
(Πρώταρχος)
Μὰ Δί', ἀλλὰ διπλῇ τινὶ λύπῃ λυπούμενον, κατὰ μὲν τὸ σῶμα ἐν τῷ παθήματι,
κατὰ δὲ τὴν ψυχὴν προσδοκίας τινὶ πόθῳ.
(Σωκράτης)
Πῶς, ὦ Πρώταρχε, τὸ διπλοῦν τῆς λύπης εἶπες; Ἆρ' οὐκ ἔστι μὲν ὅτε τις ἡμῶν
κενούμενος ἐν ἐλπίδι φανερᾷ τοῦ (36b) πληρωθήσεσθαι καθέστηκε, τοτὲ δὲ
τοὐναντίον ἀνελπίστως ἔχει;
(Πρώταρχος)
Καὶ μάλα γε.
(Σωκράτης)
Μῶν οὖν οὐχὶ ἐλπίζων μὲν πληρωθήσεσθαι τῷ μεμνῆσθαι δοκεῖ σοι χαίρειν, ἅμα
δὲ κενούμενος ἐν τούτοις τοῖς χρόνοις ἀλγεῖν;
(Πρώταρχος)
Ἀνάγκη.
(Σωκράτης)
Τότε ἄρ' ἄνθρωπος καὶ τἆλλα ζῷα λυπεῖταί τε ἅμα καὶ χαίρει.
(Πρώταρχος)
Κινδυνεύει.
(Σωκράτης)
Τί δ' ὅταν ἀνελπίστως ἔχῃ κενούμενος τεύξεσθαι πληρώσεως; Ἆρ' οὐ τότε τὸ
διπλοῦν γίγνοιτ' ἂν περὶ τὰς λύπας πάθος, ὃ σὺ νυνδὴ κατιδὼν ᾠήθης ἁπλῶς
εἶναι (36c) διπλοῦν;
(Πρώταρχος)
Ἀληθέστατα, ὦ Σώκρατες.
(Σωκράτης)
Ταύτῃ δὴ τῇ σκέψει τούτων τῶν παθημάτων τόδε χρησώμεθα.
(Πρώταρχος)
Τὸ ποῖον;
(Σωκράτης)
Πότερον ἀληθεῖς ταύτας τὰς λύπας τε καὶ ἡδονὰς ἢ ψευδεῖς εἶναι λέξομεν; Ἢ τὰς
μέν τινας ἀληθεῖς, τὰς δ' οὔ;
(Πρώταρχος)
Πῶς δ', ὦ Σώκρατες, ἂν εἶεν ψευδεῖς ἡδοναὶ ἢ λῦπαι;
(Σωκράτης)
Πῶς δέ, ὦ Πρώταρχε, φόβοι ἂν ἀληθεῖς ἢ ψευδεῖς, ἢ προσδοκίαι ἀληθεῖς ἢ μή, ἢ
δόξαι ἀληθεῖς ἢ ψευδεῖς;
(36d) (Πρώταρχος)
Δόξας μὲν ἔγωγ' ἄν που συγχωροίην, τὰ δ' ἕτερα ταῦτ' οὐκ ἄν.
(Σωκράτης)
Πῶς φῄς; Λόγον μέντοι τινὰ κινδυνεύομεν οὐ πάνυ σμικρὸν ἐπεγείρειν.
(Πρώταρχος)
Ἀληθῆ λέγεις.
(Σωκράτης)
Ἀλλ' εἰ πρὸς τὰ παρεληλυθότα, ὦ παῖ 'κείνου τἀνδρός, προσήκοντα, τοῦτο
σκεπτέον.
(Πρώταρχος)
Ἴσως τοῦτό γε.
(Σωκράτης)
Χαίρειν τοίνυν δεῖ λέγειν τοῖς ἄλλοις μήκεσιν ἢ καὶ ὁτῳοῦν τῶν παρὰ τὸ
προσῆκον λεγομένων.
(Πρώταρχος)
Ὀρθῶς.
(36e) (Σωκράτης)
Λέγε δή μοι· θαῦμα γάρ μέ γε ἔχει διὰ τέλους ἀεὶ περὶ τὰ αὐτὰ ἃ νυνδὴ
προυθέμεθα ἀπορήματα. Πῶς δὴ φῄς; Ψευδεῖς, αἱ δ' ἀληθεῖς οὐκ εἰσὶν ἡδοναί;
(Πρώταρχος)
Πῶς γὰρ ἄν;
(Σωκράτης)
Οὔτε δὴ ὄναρ οὔθ' ὕπαρ, ὡς φῄς, ἐστιν οὔτ' ἐν μανίαις οὔτ' ἐν παραφροσύναις
οὐδεὶς ἔσθ' ὅστις ποτὲ δοκεῖ μὲν χαίρειν, χαίρει δὲ οὐδαμῶς, οὐδ' αὖ δοκεῖ μὲν
λυπεῖσθαι, λυπεῖται δ' οὔ.
(Πρώταρχος)
Πάνθ' οὕτω ταῦτα, ὦ Σώκρατες, ἔχειν πάντες ὑπειλήφαμεν.
(Σωκράτης)
Ἆρ' οὖν ὀρθῶς; Ἢ σκεπτέον εἴτ' ὀρθῶς εἴτε μὴ ταῦτα λέγεται;
(Πρώταρχος)
Σκεπτέον, ὥς γ' ἐγὼ φαίην ἄν.
| [36] SOCRATE.
Quand on ressent de la douleur à cause de la manière dont le corps est affecté et
qu’on se rappelle les sensations flatteuses qu’on a éprouvées, que la douleur cesse et
que le vide n’est pas (36a) encore rempli, dirons-nous ou ne dirons-nous pas qu’on est
alors dans un état mitoyen par rapport aux deux états précédents ?
PROTARQUE.
Nous le dirons sans balancer.
SOCRATE.
Est-ou tout entier dans la douleur, ou tout entier dans la joie ?
PROTARQUE.
Non, certes ; mais on ressent en quelque sorte une douleur double : quant au corps,
par l’état de souffrance où il est : quant à l’âme, par l’attente et le desir.
SOCRATE.
Comment entends-tu cette double douleur, Protarque ? N’arrive-t-il point
quelquefois qu’éprouvant un vide on a une espérance certaine (36b) que ce vide sera
rempli ? quelquefois aussi qu’on en désespère absolument ?
PROTARQUE.
J’en conviens.
SOCRATE.
Ne trouves-tu pas que celui qui espère que le vide qu’il éprouve sera rempli goûte du
plaisir par la mémoire ? et qu’en même temps, comme il est vide il souffre de la
douleur ?
PROTARQUE.
Nécessairement.
SOCRATE.
Alors donc et l’homme et les autres animaux sont tout à-la-fois dans la douleur et
dans la joie.
PROTARQUE.
Il y a apparence.
SOCRATE.
Mais lorsque étant vide on désespère d’être rempli, n’est-ce pas alors qu’on éprouve
ce double sentiment de douleur, que tu as cru à la première vue qu’on éprouvait
(36c) dans l’un et l’autre cas sans distinction ?
PROTARQUE.
Cela est très vrai, Socrate.
SOCRATE.
Faisons maintenant l’usage suivant de ces observations touchant ces sortes
d’affections.
PROTARQUE.
Quel usage ?
SOCRATE.
Dirons-nous de ces douleurs et de ces plaisirs qu’il sont tous ou vrais ou faux, ou que
les uns sont vrais et les autres faux ?
PROTARQUE.
Comment se peut-il faire, Socrate, qu’il y ait de faux plaisirs et de fausses douleurs ?
SOCRATE.
Comment se fait-il, Protarque, qu’il y ait des craintes vraies et des craintes fausses,
des attentes vraies et des attentes fausses, des opinions vraies et des opinions fausses ?
(36d) PROTARQUE.
Pour les opinions, je l’accorderai bien ; mais pour tout le reste, je le nie.
SOCRATE.
Comment dis-tu ? nous allons là, si je ne me trompe, réveiller une dispute qui n’est
pas peu considérable.
PROTARQUE.
Tu dis vrai.
SOCRATE.
Mais il faut voir, fils d’un si grand homme, si cette dispute a quelque liaison avec
ce qui a été dit.
PROTARQUE.
Peut-être.
SOCRATE.
Car, il nous faut renoncer absolument à toutes les longueurs et à toules les
discussions qui nous écarteraient de notre but.
PROTARQUE.
Fort bien.
(36e) SOCRATE.
Dis-moi donc : car je suis toujours dans l’étonnement à l’égard des difficultés qu’on
vient de proposer.
PROTARQUE.
Que veux-tu dire ?
SOCRATE.
Quoi ! les plaisirs ne sont pas les uns vrais, les autres faux ?
PROTARQUE.
Comment cela pourrait-il être ?
SOCRATE.
Ainsi, selon toi, personne, ni en dormant, ni en veillant, ni dans la folie, ni dans toute
autre aberration d’esprit, ne s’imagine goûter du plaisir, quoiqu’il n’en goûte aucun,
ni ressentir de la douleur, quoiqu’il n’en ressente aucune.
PROTARQUE.
Il est vrai, Socrate, que nous croyons tous que la chose est comme tu dis.
SOCRATE.
Mais est-ce avec raison ? ne faut-il pas examiner si l’on a tort ou raison de parler ainsi ?
PROTARQUE.
Je suis d’avis qu’il le faut.
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