[33] (Σωκράτης)
Οὐκοῦν ἔστι τις τρίτη ἡμῶν ἡ τοιαύτη διάθεσις (33a) παρά τε τὴν τοῦ χαίροντος
καὶ παρὰ τὴν τοῦ λυπουμένου;
(Πρώταρχος)
Τί μήν;
(Σωκράτης)
Ἄγε δὴ τοίνυν, ταύτης προθυμοῦ μεμνῆσθαι. Πρὸς γὰρ τὴν τῆς ἡδονῆς κρίσιν οὐ
σμικρὸν μεμνῆσθαι ταύτην ἔσθ' ἡμῖν ἢ μή. Βραχὺ δέ τι περὶ αὐτῆς, εἰ βούλει,
διαπεράνωμεν.
(Πρώταρχος)
Λέγε ποῖον.
(Σωκράτης)
Τῷ τὸν τοῦ φρονεῖν ἑλομένῳ βίον οἶσθ' ὡς τοῦτον τὸν τρόπον οὐδὲν ἀποκωλύει
ζῆν.
(33b) (Πρώταρχος)
Τὸν τοῦ μὴ χαίρειν μηδὲ λυπεῖσθαι λέγεις;
(Σωκράτης)
Ἐρρήθη γάρ που τότε ἐν τῇ παραβολῇ τῶν βίων μηδὲν δεῖν μήτε μέγα μήτε
σμικρὸν χαίρειν τῷ τὸν τοῦ νοεῖν καὶ φρονεῖν βίον ἑλομένῳ.
(Πρώταρχος)
Καὶ μάλα οὕτως ἐρρήθη.
(Σωκράτης)
Οὐκοῦν οὕτως ἂν ἐκείνῳ γε ὑπάρχοι· καὶ ἴσως οὐδὲν ἄτοπον εἰ πάντων τῶν βίων
ἐστὶ θειότατος.
(Πρώταρχος)
Οὔκουν εἰκός γε οὔτε χαίρειν θεοὺς οὔτε τὸ ἐναντίον.
(Σωκράτης)
Πάνυ μὲν οὖν οὐκ εἰκός· ἄσχημον γοῦν αὐτῶν ἑκάτερον γιγνόμενόν ἐστιν. Ἀλλὰ
δὴ τοῦτο μὲν ἔτι καὶ εἰς (33c) αὖθις ἐπισκεψόμεθα, ἐὰν πρὸς λόγον τι ᾖ, καὶ τῷ νῷ
πρὸς τὰ δευτερεῖα, ἐὰν μὴ πρὸς τὰ πρωτεῖα δυνώμεθα προσθεῖναι, προσθήσομεν.
(Πρώταρχος)
Ὀρθότατα λέγεις.
(Σωκράτης) Καὶ μὴν τό γε ἕτερον εἶδος τῶν ἡδονῶν, ὃ τῆς ψυχῆς
αὐτῆς ἔφαμεν εἶναι, διὰ μνήμης πᾶν ἐστι γεγονός.
(Πρώταρχος)
Πῶς;
(Σωκράτης)
Μνήμην, ὡς ἔοικεν, ὅτι ποτ' ἔστιν πρότερον ἀναληπτέον, καὶ κινδυνεύει πάλιν
ἔτι πρότερον αἴσθησιν μνήμης, εἰ μέλλει τὰ περὶ ταῦθ' ἡμῖν κατὰ τρόπον φανερά
πῃ γενήσεσθαι.
(33d) (Πρώταρχος)
Πῶς φῄς;
(Σωκράτης)
Θὲς τῶν περὶ τὸ σῶμα ἡμῶν ἑκάστοτε παθημάτων τὰ μὲν ἐν τῷ σώματι
κατασβεννύμενα πρὶν ἐπὶ τὴν ψυχὴν διεξελθεῖν ἀπαθῆ ἐκείνην ἐάσαντα, τὰ δὲ
δι' ἀμφοῖν ἰόντα καί τινα ὥσπερ σεισμὸν ἐντιθέντα ἴδιόν τε καὶ κοινὸν ἑκατέρῳ.
(Πρώταρχος)
Κείσθω.
(Σωκράτης)
Τὰ μὲν δὴ μὴ δι' ἀμφοῖν ἰόντα ἐὰν τὴν ψυχὴν ἡμῶν φῶμεν λανθάνειν, τὰ δὲ δι'
ἀμφοῖν μὴ λανθάνειν, ἆρ' ὀρθότατα ἐροῦμεν;
(33e) (Πρώταρχος)
Πῶς γὰρ οὔ;
(Σωκράτης)
Τὸ τοίνυν λεληθέναι μηδαμῶς ὑπολάβῃς ὡς λέγω λήθης ἐνταῦθά που γένεσιν·
ἔστι γὰρ λήθη μνήμης ἔξοδος, ἡ δ' ἐν τῷ λεγομένῳ νῦν οὔπω γέγονε. Τοῦ δὴ μήτε
ὄντος μήτε γεγονότος πω γίγνεσθαι φάναι τινὰ ἀποβολὴν ἄτοπον. Ἦ γάρ;
(Πρώταρχος)
Τί μήν;
(Σωκράτης)
Τὰ τοίνυν ὀνόματα μετάβαλε μόνον.
(Πρώταρχος)
Πῶς;
| [33] SOCRATE.
Voilà donc un troisième état pour nous, différent de ceiui où l’on goûte du plaisir, et
de celui où on ressent de la douleur.
PROTARQUE
Oui.
SOCRATE.
Allons, fais tous tes efforts pour t’en souvenir. Car ce ne sera pas peu de chose
d’avoir cet état présent ou non à l’esprit, lorsqu’il sera question de prononcer sur le
plaisir. Si tu le trouves bon, disons-en quelque chose encore.
PROTARQUE.
Quoi donc ?
SOCRATE.
Tu sais que rien n’empêche de vivre de cette manière celui qui a embrassé la vie sage.
(33b) PROTARQUE.
Parles-tu de cet état qui n’est sujet ni à la joie ni à la douleur ?
SOCRATE.
Nous avons dit en effet, dans la comparaison des différens genres de vie, que celui
qui a choisi de vivre selon l’intelligence et la sagesse, ne doit jamais goûter aucun
plaisir, ni grand ni petit.
PROTARQUE.
Nous l’avons dit, il est vrai.
SOCRATE.
Cet état est donc le sien. Et peut-être ne serait-il point étrange que, de tous les genres
de vie ce fût le plus divin.
PROTARQUE.
Il n’y a donc pas apparence que les dieux soient sujets à la joie et à l’affection
contraire.
SOCRATE.
Non, certes, il n’y a pas apparence, du moins y a-t-il quelque chose d’indécent dans
l’une et l’autre affection. (33c) Mais nous examinerons ce point plus au long dans la
suite, si cela est à propos pour notre dispute ; et nous ferons valoir cet avantage pour
le second prix en faveur de l’intelligence, si nous ne le pouvons pour le premier.
PROTARQUE.
Fort bien.
SOCRATE.
Mais la seconde espèce de plaisirs, qui est propre à l’âme seule, comme nous avons
dit, doit entièrement sa naissance à la mémoire.
PROTARQUE.
Comment cela ?
SOCRATE.
Il me paraît qu’il faut expliquer auparavant ce que c’est que la mémoire, et même
avant la mémoire, ce que c’est que la sensation ; si nous voulons nous former une
idée claire de la chose dont il s’agit.
(33d) PROTARQUE.
Comment dis-tu ?
SOCRATE.
Pose pour certain que parmi les affections que notre corps éprouve ordinairement,
les unes s’éteignent dans le corps même, avant de passer jusqu’à l’âme, et la laissent
sans aucun sentiment ; les autres passent du corps à l’âme, et produisent une espèce
d’ébranlement qui a quelque chose de particulier pour l’un et pour l’autre, et de
commun aux deux.
PROTARQUE.
Je le suppose.
SOCRATE.
N’aurons-nous pas raison de dire que les affections qui ne se communiquent point à
l’un et à l’autre échappent à l’âme, et que celles qui vont jusqu’à tous les deux ne lui
échappent point ?
(33a) PROTARQUE.
Sans contredit.
SOCRATE.
Quand je dis qu’elles lui échappent, ne va pas croire que je veuille parler ici de
l’origine de l’oubli (8). Car l’oubli est la perte de la mé- 358 moire ; et, dans le cas
présent, la mémoire n’a point encore eu lieu. Or il est absurde de dire qu’on puisse
perdre ce qui n’est point, et n’a point existé. IN’est-ce pas ?
PROTARQUE.
Assurément.
SOCRATE.
Change donc quelque chose aux termes seulement.
PROTARQU?.
Comment ?
SOCRATE.
Au lieu de dire que, quand l’âme ne ressent rien des ébranlements arrivés dans le
corps, ces ébranlements lui échappent, n’appelle pas cela oubli, mais insensibilité.
PROTARQUE.
J’entends.
SOCRATE.
Mais lorsque l’affection est commune à l’âme et au corps, et qu’ils sont ébranlés l’un
et l’autre, tu ne te tromperas point en donnant à ce mouvement le nom de sensation.
PROTARQUE.
Rien n’est plus vrai.
SOCRATE.
Comprends-tu à présent ce que nous entendons par sensation ?
PROTARQUE.
Sans doute.
SOCRATE.
Or, si l’on disait que la mémoire est la conservation de la sensation, on parlerait juste,
du moins à mon avis.
(33d) PROTARQUE.
Je le pense aussi.
SOCRATE.
Ne disons-nous point que la réminiscence est différente de la mémoire ?
PROTA?QUE.
Peut-être.
SOCRATE.
Cette différence ne consiste-t-elle pas en ceci ?
PROTARQUE.
En quoi ?
SOCRATE.
Lorsque l’âme, sans le corps et retirée en ellemême, se rappelle ce qu’elle a éprouvé
autrefois avec le corps, nous appelons cela réminiscence. N’est-ce pas ?
PROTARQUE.
Oui.
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