[28] (28a) (Σωκράτης)
Οὐδέ γ' ἄν, ὦ Φίληβε, λύπη πᾶν κακόν· ὥστ' ἄλλο τι νῷν σκεπτέον ἢ τὴν τοῦ
ἀπείρου φύσιν ὡς παρέχεταί τι μέρος ταῖς ἡδοναῖς ἀγαθοῦ. Τούτω δή σοι τῶν
ἀπεράντων γε γένους ἔστων· φρόνησιν δὲ καὶ ἐπιστήμην καὶ νοῦν εἰς τί ποτε τῶν
προειρημένων, ὦ Πρώταρχέ τε καὶ Φίληβε, νῦν θέντες οὐκ ἂν ἀσεβοῖμεν; Οὐ γάρ
μοι δοκεῖ σμικρὸς ἡμῖν εἶναι ὁ κίνδυνος κατορθώσασι καὶ μὴ περὶ τὸ νῦν
ἐρωτώμενον.
(28b) (Φίληβος)
Σεμνύνεις γάρ, ὦ Σώκρατες, τὸν σεαυτοῦ θεόν.
(Σωκράτης)
Καὶ γὰρ σύ, ὦ ἑταῖρε, τὴν σαυτοῦ· τὸ δ' ἐρωτώμενον ὅμως ἡμῖν λεκτέον.
(Πρώταρχος)
Ὀρθῶς τοι λέγει (Σωκράτης), ὦ Φίληβε, καὶ αὐτῷ πειστέον.
(Φίληβος)
Οὐκοῦν ὑπὲρ ἐμοῦ σύ, Πρώταρχε, προῄρησαι λέγειν;
(Πρώταρχος)
Πάνυ γε· νῦν μέντοι σχεδὸν ἀπορῶ, καὶ δέομαί γε, ὦ Σώκρατες, αὐτόν σε ἡμῖν
γενέσθαι προφήτην, ἵνα μηδὲν ἡμεῖς σοι περὶ τὸν ἀγωνιστὴν ἐξαμαρτάνοντες
παρὰ μέλος φθεγξώμεθά τι.
(28c) (Σωκράτης)
Πειστέον, ὦ Πρώταρχε· οὐδὲ γὰρ χαλεπὸν οὐδὲν ἐπιτάττεις. Ἀλλ' ὄντως σε ἐγώ,
καθάπερ εἶπε Φίληβος, σεμνύνων ἐν τῷ παίζειν ἐθορύβησα, νοῦν καὶ ἐπιστήμην
ἐρόμενος ὁποίου γένους εἶεν;
(Πρώταρχος)
Παντάπασί γε, ὦ Σώκρατες.
(Σωκράτης)
Ἀλλὰ μὴν ῥᾴδιον· πάντες γὰρ συμφωνοῦσιν οἱ σοφοί, ἑαυτοὺς ὄντως
σεμνύνοντες, ὡς νοῦς ἐστι βασιλεὺς ἡμῖν οὐρανοῦ τε καὶ γῆς. Καὶ ἴσως εὖ
λέγουσι. Διὰ μακροτέρων δ', εἰ βούλει, τὴν σκέψιν αὐτοῦ τοῦ γένους ποιησώμεθα.
(28d) (Πρώταρχος)
Λέγ' ὅπως βούλει, μηδὲν μῆκος ἡμῖν ὑπολογιζόμενος, ὦ Σώκρατες, ὡς οὐκ
ἀπεχθησόμενος.
(Σωκράτης)
Καλῶς εἶπες. Ἀρξώμεθα δέ πως ὧδε ἐπανερωτῶντες.
(Πρώταρχος)
Πῶς;
(Σωκράτης)
Πότερον, ὦ Πρώταρχε, τὰ σύμπαντα καὶ τόδε τὸ καλούμενον ὅλον ἐπιτροπεύειν
φῶμεν τὴν τοῦ ἀλόγου καὶ εἰκῇ δύναμιν καὶ τὸ ὅπῃ ἔτυχεν, ἢ τἀναντία, καθάπερ
οἱ πρόσθεν ἡμῶν ἔλεγον, νοῦν καὶ φρόνησίν τινα θαυμαστὴν συντάττουσαν
διακυβερνᾶν;
(28e) (Πρώταρχος)
Οὐδὲν τῶν αὐτῶν, ὦ θαυμάσιε Σώκρατες· ὃ μὲν γὰρ σὺ νῦν λέγεις, οὐδὲ ὅσιον
εἶναί μοι φαίνεται. Τὸ δὲ νοῦν πάντα διακοσμεῖν αὐτὰ φάναι καὶ τῆς ὄψεως τοῦ
κόσμου καὶ ἡλίου καὶ σελήνης καὶ ἀστέρων καὶ πάσης τῆς περιφορᾶς ἄξιον, καὶ
οὐκ ἄλλως ἔγωγ' ἄν ποτε περὶ αὐτῶν εἴποιμι οὐδ' ἂν δοξάσαιμι.
| [28] (28a) SOCRATE.
Sans cela aussi, Philèbe, la douleur ne serait pas le souverain mal. C’est pourquoi il
nous faut jeter les yeux ailleurs que sur la nature de l’infini, pour découvrir ce qui
communique aux plaisirs quelque parcelle du bien. Mettons donc le plaisir du
nombre des choses infinies. Mais dans quelle classe, Protarque et Philèbe, pouvons-nous,
sans impiété, ranger la sagesse, la science et l’intelligence ? Il me paraît que le
risque n’est pas médiocre à répondre bien ou mal à la question présente.
(28b) PHILÈBE.
Tu élèves bien haut ta déesse, Socrate.
SOCRATE.
Tu n’élèves pas moins la tienne, mon cher ami. Mais néanmoins il nous faut répondre
à ce que j’ai proposé.
PROTARQUE.
Socrate a raison, Philèbe ; il faut le satisfaire.
PHILÈBE.
Ne t’es-tu pas engagé, Protarque, à disputer en ma place ?
PROTARQUE.
J’en conviens : mais je suis maintenant dans l’embarras ; et je te conjure, Socrate,
de vouloir bien nous fournir ici les expressions que nous devons employer, afin que
nous ne nous rendions coupables d’aucune faute envers notre adversaire, et qu’il
ne nous échappe aucune parole de travers.
(28c) SOCRATE.
Il faut t’obéir, Protarque : aussi bien ce que tu exiges de moi n’est pas difficile ; mais
véritablement je t’ai troublé, lorsqu’en élevant si haut, comme a dit Philèbe,
l’intelligence et la science par une espèce de badinage, je t’ai demandé à quelle espèce
elles appartiennent.
PROTARQUE.
Cela est vrai, Socrate.
SOCRATE.
Il n’était pourtant pas difficile de répondre : car tous les sages sont d’accord, et en
cela ils font eux-mêmes leurs honneurs, que l’intelligence est la reine du ciel et de la
terre ; et peut-être ont-ils raison. Examinons, si tu le veux, avec quelque étendue, de
quel genre elle est.
(28e) PROTARQUE.
Parle, comme il te plaira, Socrate, sans redouter en aucune façon la longueur.
Tu.ne nous feras aucune peine en cela.
SOCRATE.
C’est fort bien dit. Commençons donc en nous interrogeant de cette manière.
PROTARQUE.
De quelle manière ?
SOCRATE.
Dirons-nous, Protarque, qu’une puissance dépourvue de raison, téméraire et agissant
au hasard, gouverne toutes choses et ce que nous appelons l’univers ? ou au
contraire, comme l’ont dit ceux qui nous ont précédés, qu’une intelligence, une
sagesse admirable a formé le monde et le gouverne ?
(28e) PROTARQUE.
Quelle différence entre ces deux sentiments, divin Socrate ! Il ne me paraît pas qu’on
puisse soutenir le premier sans crime. Mais dire que l’intelligence gouverne tout,
c’est un sentiment digne de l’aspect de cet univers, du soleil, de la lune, des astres, et
de tous les mouvemens célestes. Je ne pourrais ni parler ni penser d’une autre
manière.
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