[21] δεόμενον δ' (21a) ἂν φανῇ πότερον, οὐκ ἔστι που τοῦτ' ἔτι τὸ ὄντως ἡμῖν ἀγαθόν.
(Πρώταρχος)
Πῶς γὰρ ἄν;
(Σωκράτης)
Οὐκοῦν ἐν σοὶ πειρώμεθα βασανίζοντες ταῦτα;
(Πρώταρχος)
Πάνυ μὲν οὖν.
(Σωκράτης)
Ἀποκρίνου δή.
(Πρώταρχος)
Λέγε.
(Σωκράτης)
Δέξαι' ἄν, Πρώταρχε, σὺ ζῆν τὸν βίον ἅπαντα ἡδόμενος ἡδονὰς τὰς μεγίστας;
(Πρώταρχος)
Τί δ' οὔ;
(Σωκράτης)
Ἆρ' οὖν ἔτι τινὸς ἄν σοι προσδεῖν ἡγοῖο, εἰ τοῦτ' ἔχεις παντελῶς;
(Πρώταρχος)
Οὐδαμῶς.
(Σωκράτης)
Ὅρα δή, τοῦ φρονεῖν καὶ τοῦ νοεῖν καὶ λογίζεσθαι (21b) τὰ δέοντα καὶ ὅσα
τούτων ἀδελφά, μῶν μὴ δέοι' ἄν τι;
(Πρώταρχος)
Καὶ τί; Πάντα γὰρ ἔχοιμ' ἄν που τὸ χαίρειν ἔχων.
(Σωκράτης)
Οὐκοῦν οὕτω ζῶν ἀεὶ μὲν διὰ βίου ταῖς μεγίσταις ἡδοναῖς χαίροις ἄν;
(Πρώταρχος)
Τί δ' οὔ;
(Σωκράτης)
Νοῦν δέ γε καὶ μνήμην καὶ ἐπιστήμην καὶ δόξαν μὴ κεκτημένος ἀληθῆ, πρῶτον
μὲν τοῦτο αὐτό, εἰ χαίρεις ἢ μὴ χαίρεις, ἀνάγκη δήπου σε ἀγνοεῖν, κενόν γε ὄντα
πάσης φρονήσεως;
(Πρώταρχος)
Ἀνάγκη.
(21c) (Σωκράτης)
Καὶ μὴν ὡσαύτως μνήμην μὴ κεκτημένον ἀνάγκη δήπου μηδ' ὅτι ποτὲ ἔχαιρες
μεμνῆσθαι, τῆς τ' ἐν τῷ παραχρῆμα ἡδονῆς προσπιπτούσης μηδ' ἡντινοῦν
μνήμην ὑπομένειν· δόξαν δ' αὖ μὴ κεκτημένον ἀληθῆ μὴ δοξάζειν χαίρειν
χαίροντα, λογισμοῦ δὲ στερόμενον μηδ' εἰς τὸν ἔπειτα χρόνον ὡς χαιρήσεις
δυνατὸν εἶναι λογίζεσθαι, ζῆν δὲ οὐκ ἀνθρώπου βίον, ἀλλά τινος πλεύμονος ἢ
τῶν ὅσα θαλάττια μετ' ὀστρείνων ἔμψυχά ἐστι σωμάτων. Ἔστι ταῦτα, ἢ παρὰ
(21d) ταῦτα ἔχομεν ἄλλα διανοηθῆναι;
(Πρώταρχος)
Καὶ πῶς;
(Σωκράτης)
Ἆρ' οὖν αἱρετὸς ἡμῖν βίος ὁ τοιοῦτος;
(Πρώταρχος)
Εἰς ἀφασίαν παντάπασί με, ὦ Σώκρατες, οὗτος ὁ λόγος ἐμβέβληκε τὰ νῦν.
(Σωκράτης)
Μήπω τοίνυν μαλθακιζώμεθα, τὸν δὲ τοῦ νοῦ μεταλαβόντες αὖ βίον ἴδωμεν.
(Πρώταρχος)
Τὸν ποῖον δὴ λέγεις;
(Σωκράτης)
Εἴ τις δέξαιτ' ἂν αὖ ζῆν ἡμῶν φρόνησιν μὲν καὶ νοῦν καὶ ἐπιστήμην καὶ μνήμην
πᾶσαν πάντων κεκτημένος, (21e) ἡδονῆς δὲ μετέχων μήτε μέγα μήτε σμικρόν,
μηδ' αὖ λύπης, ἀλλὰ τὸ παράπαν ἀπαθὴς πάντων τῶν τοιούτων.
(Πρώταρχος)
Οὐδέτερος ὁ βίος, ὦ Σώκρατες, ἔμοιγε τούτων αἱρετός, οὐδ' ἄλλῳ μή ποτε, ὡς
ἐγᾦμαι, φανῇ.
| [21] (21a) et si l’un ou l’autre nous paraît avoir besoin de quelque autre chose, il
n’est pas le vrai bien pour nous.
PROTARQUE.
Comment le serait-il ?
SOCRATE.
Veux-tu que nous fassions sur toi-même l’épreuve de ce qui en est ?
PROTARQUE.
Volontiers.
SOCRATE.
Réponds-moi donc.
PROTARQUE.
Parle.
SOCRATE.
Consentirais-tu, Protarque, à passer toute ta vie dans la jouissance des plus grands
plaisirs ?
PROTARQUE.
Pourquoi non ?
SOCRATE.
S’il ne te manquait rien de ce côté-là, croirais-tu avoir besoin de quelque autre chose ?
PROTARQUE.
D’aucune.
SOCRATE.
Examine bien, si tu n’aurais besoin ni de penser, ni de concevoir, ni de raisonner
(21b) juste, ni de rien de semblable : quoi ! pas même de voir ?
PROTARQUE.
A quoi bon ? Avec le bien-être, j’aurais tout.
SOCRATE.
N’est-il pas vrai que, vivant de la sorte, tu passerais tes jours dans les plus grands
plaisirs ?
PROTARQUE.
Sans doute.
SOCRATE.
Mais n’ayant ni intelligence, ni mémoire, ni science, ni jugement vrai, c’est une
nécessité, qu’étant privé de toute réflexion, tu ignores même si tu as du plaisir, ou
non.
PROTARQUE.
Cela est vrai.
(21c) SOCRATE.
Et puis, étant dépourvu de mémoire, c’est encore une nécessité que tu ne te
souviennes point si tu as eu du plaisir autrefois, et qu’il ne te reste pas le moindre
souvenir du plaisir que tu ressens dans le moment présent : et même, que ne jugeant
pas vrai, tu ne croies pas sentir de la joie dans le temps que tu en sens, et qu’étant
destitué de raisonnement, tu sois incapable de conclure que tu te réjouiras dans le
temps à venir ; enfin, que tu mènes la vie, non d’un homme, mais d’un poumon
marin, ou de ces espèces d’animaux de mer qui vivent enfermés dans des
coquillages. Cela est-il vrai ? ou (21d) pouvons-nous nous former quelque autre
idée de cet état ?
PROTARQUE.
Eh comment s’en formerait-on une autre idée ?
SOCRATE.
Eh bien, une pareille vie est-elle desirable ?
PROTARQUE.
Ce discours, Socrate, me met dans le cas de ne savoir absolument que dire.
SOCRATE.
Ne nous décourageons pas encore : passons à la vie de l’intelligence, et considérons-
la.
PROTARQUE.
De quelle vie parles-tu ?
SOCRATE.
Quelqu’un de nous voudrait-il vivre, ayant en partage toute la sagesse, l’intelligence,
la science, la mémoire qu’on peut avoir, à condition qu’il ne ressentirait (21e) aucun
plaisir, ni petit, ni grand, ni pareillement aucune douleur, et qu’il n’éprouverait
absolument aucun sentiment de cette nature ?
PROTARQUE.
Ni l’un ni l’autre état, Socrate, ne me paraît digne d’envie, et je ne crois pas qu’il
paraisse jamais tel à personne.
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