[7, 792] (Ἀθηναῖος)
οὐκοῦν αἱ τροφοὶ σκοποῦσαι τίνος ἐπιθυμεῖ, τούτοις (792a)
αὐτοῖς ἐν τῇ προσφορᾷ τεκμαίρονται· οὗ μὲν γὰρ ἂν
προσφερομένου σιγᾷ, καλῶς οἴονται προσφέρειν, οὗ δ' ἂν κλάῃ
καὶ βοᾷ, οὐ καλῶς. τοῖς δὴ παιδίοις τὸ δήλωμα ὧν ἐρᾷ καὶ μισεῖ
κλαυμοναὶ καὶ βοαί, σημεῖα οὐδαμῶς εὐτυχῆ· ἔστιν δὲ ὁ χρόνος
οὗτος τριῶν οὐκ ἐλάττων ἐτῶν, μόριον οὐ σμικρὸν τοῦ βίου
διαγαγεῖν χεῖρον ἢ μὴ χεῖρον.
(Κλεινίας) ὀρθῶς λέγεις.
(Ἀθηναῖος)
ὁ δὴ δύσκολος οὐδαμῶς τε ἵλεως ἆρ' οὐ δοκεῖ σφῷν (792b)
θρηνώδης τε εἶναι καὶ ὀδυρμῶν ὡς ἐπὶ τὸ πολὺ πλήρης μᾶλλον
ἢ χρεών ἐστιν τὸν ἀγαθόν;
(Κλεινίας) ἐμοὶ γοῦν δοκεῖ.
(Ἀθηναῖος)
τί οὖν; εἴ τις τὰ τρί' ἔτη πειρῷτο πᾶσαν μηχανὴν προσφέρων
ὅπως τὸ τρεφόμενον ἡμῖν ὡς ὀλιγίστῃ προσχρήσεται ἀλγηδόνι
καὶ φόβοις καὶ λύπῃ πάσῃ κατὰ δύναμιν, ἆρ' οὐκ οἰόμεθα
εὔθυμον μᾶλλόν τε καὶ ἵλεων ἀπεργάζεσθαι τηνικαῦτα τὴν
ψυχὴν τοῦ τρεφομένου;
(Κλεινίας)
δῆλον δή, καὶ μάλιστά γ' ἄν, ὦ ξένε, εἴ τις πολλὰς (792c) ἡδονὰς
αὐτῷ παρασκευάζοι.
(Ἀθηναῖος)
τοῦτ' οὐκέτ' ἂν ἐγὼ Κλεινίᾳ συνακολουθήσαιμ' ἄν, ὦ θαυμάσιε.
ἔστιν γὰρ οὖν ἡμῖν ἡ τοιαύτη πρᾶξις διαφθορὰ μεγίστη πασῶν·
ἐν ἀρχῇ γὰρ γίγνεται ἑκάστοτε τροφῆς. ὁρῶμεν δὲ εἴ τι λέγομεν.
(Κλεινίας) λέγε τί φῄς.
(Ἀθηναῖος)
οὐ σμικροῦ πέρι νῦν εἶναι νῷν τὸν λόγον. ὅρα δὲ καὶ σύ,
συνεπίκρινέ τε ἡμᾶς, ὦ Μέγιλλε. ὁ μὲν γὰρ ἐμὸς δὴ λόγος οὔθ'
ἡδονάς φησι δεῖν διώκειν τὸν ὀρθὸν βίον οὔτ' αὖ (792d) τὸ
παράπαν φεύγειν τὰς λύπας, ἀλλ' αὐτὸ ἀσπάζεσθαι τὸ μέσον,
ὃ νυνδὴ προσεῖπον ὡς ἵλεων ὀνομάσας, ἣν δὴ διάθεσιν καὶ θεοῦ
κατά τινα μαντείας φήμην εὐστόχως πάντες προσαγορεύομεν.
ταύτην τὴν ἕξιν διώκειν φημὶ δεῖν ἡμῶν καὶ τὸν μέλλοντα
ἔσεσθαι θεῖον, μήτ' οὖν αὐτὸν προπετῆ πρὸς τὰς ἡδονὰς
γιγνόμενον ὅλως, ὡς οὐδ' ἐκτὸς λυπῶν ἐσόμενον, μήτε ἄλλον,
γέροντα ἢ νέον, ἐᾶν πάσχειν ταὐτὸν τοῦθ' ἡμῖν, ἄρρενα ἢ
θῆλυν, ἁπάντων δὲ ἥκιστα εἰς δύναμιν (792e) τὸν ἀρτίως
νεογενῆ· κυριώτατον γὰρ οὖν ἐμφύεται πᾶσι τότε τὸ πᾶν ἦθος
διὰ ἔθος. ἔτι δ' ἔγωγ', εἰ μὴ μέλλοιμι δόξειν παίζειν, φαίην ἂν
δεῖν καὶ τὰς φερούσας ἐν γαστρὶ πασῶν τῶν γυναικῶν μάλιστα
θεραπεύειν ἐκεῖνον τὸν ἐνιαυτόν, ὅπως μήτε ἡδοναῖς τισι
πολλαῖς ἅμα καὶ μάργοις προσχρήσεται ἡ κύουσα μήτε αὖ
λύπαις, τὸ δὲ ἵλεων καὶ εὐμενὲς πρᾷόν τε τιμῶσα διαζήσει τὸν
τότε χρόνον.
| [7, 792] L'ATHÉNIEN : C'est là-dessus que se fondent les nourrices, quand
elles présentent divers objets à l'enfant pour voir ce qu'il désire. S'il se
tait à la vue d'un objet, elles concluent qu'elles ont bien fait ; s'il
continue à pleurer et à crier, qu'elles ont fait fausse route. C'est par
des cris et des pleurs, signes de mauvais augure, que les petits enfants
font connaître ce qu'ils aiment et ce qu'ils haïssent. Et ce temps ne dure
pas moins de trois années : c'est une partie considérable de la vie qui se
passe plus ou moins bien.
CLINIAS : Tu as raison.
L'ATHÉNIEN : Ne croyez-vous pas tous les deux que l'enfant morose et chagrin
est sujet à se plaindre et qu'il se lamente généralement plus qu'il ne
convient à un enfant bien né ?
CLINIAS : Je le crois pour ma part.
L'ATHÉNIEN : Mais quoi ? Si l'on essayait pendant ces trois ans d'user de
tous les moyens pour que notre nourrisson éprouve le moins possible de
douleurs, de craintes et de toute espèce de chagrin, n'est-il pas à croire
qu'on lui ferait une âme plus courageuse et plus paisible ?
CLINIAS : Évidemment, étranger, si surtout si on lui procurait beaucoup de
plaisirs.
L'ATHÉNIEN : Ici, je ne suis plus de l'avis de Clinias, mon admirable ami.
S'y prendre ainsi, c'est le plus sûr moyen de le gâter, d'autant plus que
nous sommes au début de l'éducation. Mais voyons si je dis quelque chose
de sensé.
CLINIAS : Explique ce que tu veux dire.
L'ATHÉNIEN : Je dis que ce n'est pas un sujet de peu d'importance que celui
dont nous nous entretenons. Mais vois, toi aussi, Mégillos, et sois juge
entre nous. Je soutiens, moi, que pour bien vivre il ne faut point courir
après les plaisirs ni fuir toutes les douleurs, mais embrasser le juste
milieu que je viens d'appeler l'état paisible. C'est cette disposition que
nous nous accordons tous, et avec raison, à reconnaître sur la foi des
oracles, comme le partage de la divinité. C'est cette disposition que doit
poursuivre, selon moi, celui d'entre nous qui veut se rendre semblable aux
dieux. Par conséquent, il ne faut pas nous précipiter nous-mêmes dans les
plaisirs, d'autant plus que nous ne serons pas à l'abri des douleurs, ni
souffrir que qui que ce soit, vieux ou jeune, homme ou femme, vive dans
cette disposition, et moins que personne, autant que possible, l'enfant
qui vient de naître ; car c'est à ce moment décisif que le caractère se
forme sous l'influence de l'habitude. Et si je ne craignais pas d'avoir
l'air de badiner, je dirais qu'il faut prendre un soin tout particulier
des femmes enceintes pendant l'année de leur grossesse, afin qu'elles ne
s'abandonnent pas alors à des plaisirs ou à des chagrins multiples et
fous, mais qu'elles passent tout ce temps à conserver en elles le calme et
la douceur.
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