[5,731] τὸν δὲ φθονοῦντα καὶ ἑκόντα μηδενὶ κοινωνὸν
διὰ φιλίας γιγνόμενον ἀγαθῶν (731a) τινων αὐτὸν μὲν ψέγειν, τὸ δὲ κτῆμα
μηδὲν μᾶλλον διὰ τὸν κεκτημένον ἀτιμάζειν, ἀλλὰ κτᾶσθαι κατὰ
δύναμιν. φιλονικείτω δὲ ἡμῖν πᾶς πρὸς ἀρετὴν ἀφθόνως. ὁ μὲν γὰρ
τοιοῦτος τὰς πόλεις αὔξει, ἁμιλλώμενος μὲν αὐτός, τοὺς ἄλλους δὲ οὐ
κολούων διαβολαῖς· ὁ δὲ φθονερός, τῇ τῶν ἄλλων διαβολῇ δεῖν οἰόμενος
ὑπερέχειν, αὐτός τε ἧττον συντείνει πρὸς ἀρετὴν τὴν ἀληθῆ, τούς τε
ἀνθαμιλλωμένους εἰς ἀθυμίαν καθίστησι τῷ ἀδίκως ψέγεσθαι, καὶ διὰ
ταῦτα (731b) ἀγύμναστον τὴν πόλιν ὅλην εἰς ἅμιλλαν ἀρετῆς ποιῶν,
σμικροτέραν αὐτὴν πρὸς εὐδοξίαν τὸ ἑαυτοῦ μέρος ἀπεργάζεται.
θυμοειδῆ μὲν δὴ χρὴ πάντα ἄνδρα εἶναι, πρᾷον δὲ ὡς ὅτι μάλιστα. τὰ γὰρ
τῶν ἄλλων χαλεπὰ καὶ δυσίατα ἢ καὶ τὸ παράπαν ἀνίατα ἀδικήματα οὐκ
ἔστιν ἄλλως ἐκφυγεῖν ἢ μαχόμενον καὶ ἀμυνόμενον νικῶντα καὶ τῷ
μηδὲν ἀνιέναι κολάζοντα, τοῦτο δὲ ἄνευ θυμοῦ γενναίου ψυχὴ πᾶσα
(731c) ἀδύνατος δρᾶν. τὰ δ' αὖ τῶν ὅσοι ἀδικοῦσιν μέν, ἰατὰ δέ, γιγνώσκειν
χρὴ πρῶτον μὲν ὅτι πᾶς ὁ ἄδικος οὐχ ἑκὼν ἄδικος· τῶν γὰρ μεγίστων
κακῶν οὐδεὶς οὐδαμοῦ οὐδὲν ἑκὼν κεκτῇτο ἄν ποτε, πολὺ δὲ ἥκιστα ἐν
τοῖς τῶν ἑαυτοῦ τιμιωτάτοις. ψυχὴ δ', ὡς εἴπομεν, ἀληθείᾳ γέ ἐστιν πᾶσιν
τιμιώτατον· ἐν οὖν τῷ τιμιωτάτῳ τὸ μέγιστον κακὸν οὐδεὶς ἑκὼν μή ποτε
λάβῃ καὶ ζῇ διὰ βίου κεκτημένος αὐτό. ἀλλὰ ἐλεεινὸς μὲν πάντως ὅ γε
ἄδικος καὶ ὁ τὰ κακὰ ἔχων, ἐλεεῖν (731d) δὲ τὸν μὲν ἰάσιμα ἔχοντα
ἐγχωρεῖ καὶ ἀνείργοντα τὸν θυμὸν πραΰνειν καὶ μὴ ἀκραχολοῦντα
γυναικείως πικραινόμενον διατελεῖν, τῷ δ' ἀκράτως καὶ ἀπαραμυθήτως
πλημμελεῖ καὶ κακῷ ἐφιέναι δεῖ τὴν ὀργήν· διὸ δὴ θυμοειδῆ πρέπειν καὶ
πρᾷόν φαμεν ἑκάστοτε εἶναι δεῖν τὸν ἀγαθόν.
IV.
πάντων δὲ μέγιστον κακῶν ἀνθρώποις τοῖς πολλοῖς ἔμφυτον ἐν ταῖς
ψυχαῖς ἐστιν, οὗ πᾶς αὑτῷ συγγνώμην ἔχων (731e) ἀποφυγὴν οὐδεμίαν
μηχανᾶται· τοῦτο δ' ἔστιν ὃ λέγουσιν ὡς φίλος αὑτῷ πᾶς ἄνθρωπος φύσει
τέ ἐστιν καὶ ὀρθῶς ἔχει τὸ δεῖν εἶναι τοιοῦτον. τὸ δὲ ἀληθείᾳ γε πάντων
ἁμαρτημάτων διὰ τὴν σφόδρα ἑαυτοῦ φιλίαν αἴτιον ἑκάστῳ γίγνεται
ἑκάστοτε. τυφλοῦται γὰρ περὶ τὸ φιλούμενον ὁ φιλῶν,
| [5,731] Pour l'envieux qui volontairement ne fait amicalement
aucune part de ses avantages à personne, (731a) il faut
le blâmer, mais il ne faut pas pour cela mépriser à
cause de sa personne le bien qui est
en lui, il faut au contraire faire tous ses efforts pour
l'acquérir. Nous voulons que tous les citoyens
rivalisent de vertu, mais sans jalousie. Ils honorent
leur pays, en pratiquant eux-mêmes cette rivalité,
sans ravaler les autres et les dénigrer. Au
contraire, l'envieux, persuadé qu'il doit l'emporter
sur les autres en les dénigrant, fait lui-même
moins d'efforts pour atteindre la véritable vertu et
jette ses rivaux dans le désespoir par ses critiques
injustes. Il empêche par là toute la cité de
s'exercer à rivaliser de vertu, et il ravale, autant
qu'il est en lui, la bonne renommée de sa patrie.
Il faut que chacun joigne à un grand courage la
plus grande douceur possible, sans quoi, lorsque
les vices des autres sont devenus intolérables et
difficiles ou totalement impossibles à guérir, il n'est
pas possible d'y échapper et d'en triompher
autrement qu'en repoussant leurs attaques et en
les châtiant sans relâche, et cela, aucune âme ne
peut le faire sans un généreux courage. A l'égard
de ceux dont les vices ne sont pas sans remède, il
faut savoir d'abord qu'aucun homme injuste ne
l'est volontairement, parce que personne ne
saurait jamais consentir à loger en soi le plus
grand des maux, et encore bien moins dans la
partie la plus précieuse de lui-même ; or l'âme est,
comme nous l'avons dit, ce qu'il y a véritablement
en nous de plus précieux. Aussi n'est-il pas à
craindre qu'un homme reçoive volontairement
dans ce qu'il a de plus précieux le plus grand mal,
et qu'il passe sa vie avec un tel hôte. Ainsi
l'homme injuste et quiconque nourrit le mal dans
son âme est certainement digne de pitié, mais il
est permis de réserver sa pitié pour celui dont les
vices sont guérissables, et l'on peut, réprimant sa
colère, essayer de le guérir, sans jamais
s'emporter avec une aigreur qui ne convient
qu'aux femmes. C'est contre le malfaiteur et le
méchant qu'on ne peut ni maîtriser ni corriger qu'il
faut donner libre cours à sa colère. Voilà pourquoi
nous disons qu'il sied à l'homme de bien d'être
courageux et qu'il est nécessaire qu'il montre de la
douceur en toutes rencontres.
CHAPITRE IV.
Mais pour la plupart, des hommes, le plus grand
des défauts est un défaut inné, que chacun se
pardonne et dont il ne cherche pas du tout à se
défaire ; c'est ce qu'on appelle l'amour-propre,
amour qui est, dit-on, naturel, légitime et
nécessaire. Il n'en est pas moins vrai que,
lorsqu'on le porte à l'excès, il est toujours la
source de toutes sortes d'erreurs ; car celui qui
aime s'aveugle sur ce qu'il aime
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