[3,700] (700a) (Μέγιλλος) Λέγεις εὖ· πειρῶ δ' ἔτι σαφέστερον ἡμῖν σημῆναι τὸ νῦν
λεγόμενον.
(Ἀθηναῖος) Ἔσται ταῦτα. Οὐκ ἦν, ὦ φίλοι, ἡμῖν ἐπὶ τῶν παλαιῶν νόμων ὁ δῆμός
τινων κύριος, ἀλλὰ τρόπον τινὰ ἑκὼν ἐδούλευε τοῖς νόμοις. (Μέγιλλος) Ποίοις δὴ
λέγεις; (Ἀθηναῖος) Τοῖς περὶ τὴν μουσικὴν πρῶτον τὴν τότε, ἵνα ἐξ ἀρχῆς
διέλθωμεν τὴν τοῦ ἐλευθέρου λίαν ἐπίδοσιν βίου. Διῃρημένη γὰρ δὴ τότε ἦν ἡμῖν
ἡ μουσικὴ κατὰ εἴδη τε (700b) ἑαυτῆς ἄττα καὶ σχήματα, καί τι ἦν εἶδος ᾠδῆς
εὐχαὶ πρὸς θεούς, ὄνομα δὲ ὕμνοι ἐπεκαλοῦντο· καὶ τούτῳ δὴ τὸ ἐναντίον ἦν
ᾠδῆς ἕτερον εἶδος- θρήνους δέ τις ἂν αὐτοὺς μάλιστα ἐκάλεσεν - καὶ παίωνες
ἕτερον, καὶ ἄλλο, Διονύσου γένεσις οἶμαι, διθύραμβος λεγόμενος. Νόμους τε
αὐτὸ τοῦτο τοὔνομα ἐκάλουν, ᾠδὴν ὥς τινα ἑτέραν· ἐπέλεγον δὲ κιθαρῳδικούς.
τούτων δὴ διατεταγμένων καὶ ἄλλων τινῶν, οὐκ ἐξῆν ἄλλο (700c) εἰς ἄλλο
καταχρῆσθαι μέλους εἶδος· τὸ δὲ κῦρος τούτων γνῶναί τε καὶ ἅμα γνόντα
δικάσαι, ζημιοῦν τε αὖ τὸν μὴ πειθόμενον, οὐ σῦριγξ ἦν οὐδέ τινες ἄμουσοι βοαὶ
πλήθους, καθάπερ τὰ νῦν, οὐδ' αὖ κρότοι ἐπαίνους ἀποδιδόντες, ἀλλὰ τοῖς μὲν
γεγονόσι περὶ παίδευσιν δεδογμένον ἀκούειν ἦν αὐτοῖς μετὰ σιγῆς διὰ τέλους,
παισὶ δὲ καὶ παιδαγωγοῖς καὶ τῷ πλείστῳ ὄχλῳ ῥάβδου κοσμούσης ἡ νουθέτησις
ἐγίγνετο. (700d) Ταῦτ' οὖν οὕτω τεταγμένως ἤθελεν ἄρχεσθαι τῶν πολιτῶν τὸ
πλῆθος, καὶ μὴ τολμᾶν κρίνειν διὰ θορύβου· μετὰ δὲ ταῦτα, προϊόντος τοῦ
χρόνου, ἄρχοντες μὲν τῆς ἀμούσου παρανομίας ποιηταὶ ἐγίγνοντο φύσει μὲν
ποιητικοί, ἀγνώμονες δὲ περὶ τὸ δίκαιον τῆς Μούσης καὶ τὸ νόμιμον,
βακχεύοντες καὶ μᾶλλον τοῦ δέοντος κατεχόμενοι ὑφ' ἡδονῆς, κεραννύντες δὲ
θρήνους τε ὕμνοις καὶ παίωνας διθυράμβοις, καὶ αὐλῳδίας δὴ ταῖς κιθαρῳδίαις
μιμούμενοι, καὶ πάντα εἰς πάντα συνάγοντες, (700e) μουσικῆς ἄκοντες ὑπ'
ἀνοίας καταψευδόμενοι ὡς ὀρθότητα μὲν οὐκ ἔχοι οὐδ' ἡντινοῦν μουσική, ἡδονῇ
δὲ τῇ τοῦ χαίροντος, εἴτε βελτίων εἴτε χείρων ἂν εἴη τις, κρίνοιτο ὀρθότατα.
Τοιαῦτα δὴ ποιοῦντες ποιήματα, λόγους τε ἐπιλέγοντες τοιούτους, τοῖς πολλοῖς
ἐνέθεσαν παρανομίαν εἰς τὴν μουσικὴν καὶ τόλμαν ὡς ἱκανοῖς οὖσιν κρίνειν·
| [3,700] (MÉGILLOS)
Tu as bien fait. Essaye maintenant de nous expliquer plus nettement encore ce
que tu as à dire.
(L'ATHÉNIEN)
Je vais le faire. Chez nous, mes amis, le peuple n'était pas, sous l'ancien
gouvernement, maître de certaines choses, il était en quelque sorte l'esclave
volontaire des lois.
(MÉGILLOS) De quelles lois ?
(L'ATHÉNIEN)
Premièrement de celles qui concernaient la musique d'alors. Nous remonterons
jusque là pour expliquer l'origine et les progrès de la licence.
En ce temps-là, notre musique était divisée en plusieurs espèces et figures. Il y avait
d'abord une espèce de chants qui étaient des prières aux dieux et qu'on appelait
hymnes. Il y en avait une autre opposée à celle-là, qui portait le nom spécial de thrène,
puis une troisième, les péans, et une quatrième, je crois, où l'on
célébrait la naissance de Dionysos et qu'on appelait dithyrambe, et l'on donnait
le nom même de nome à une autre espèce de dithyrambe que l'on qualifiait de
citharédique. Ces chants-là et certains autres ayant été réglés, il n'était pas
permis d'user d'une espèce de mélodie pour une autre espèce. On ne s'en
remettait pas, comme à présent, pour reconnaître la valeur d'un chant et juger
et punir ensuite ceux qui s'écartaient de la règle, à une foule ignorante qui
sifflait et poussait des cris ou qui applaudissait, mais aux gens désignés pour
cela par leur science de l'éducation. Ils écoutaient en silence jusqu'à la fin,
et, la baguette à la main, ils admonestaient les enfants, leurs gouverneurs et
le gros de la foule et faisaient régner l'ordre. Les citoyens se laissaient
ainsi gouverner paisiblement et n'osaient porter leur jugement par une
acclamation tumultueuse. Les poètes furent les premiers qui, avec le temps,
violèrent ces règles. Ce n'est pas qu'ils manquassent de talent, mais,
méconnaissant les justes exigences de la Muse et l'usage, ils s'abandonnèrent à
un enthousiasme insensé et se laissèrent emporter trop loin par le sentiment du
plaisir. Ils mêlèrent les thrènes avec les hymnes, les péans avec les
dithyrambes, ils imitèrent sur la flûte le jeu de la cithare et, confondant tout
pêle-mêle, ils ravalèrent inconsciemment la musique et poussèrent la sottise
jusqu'à croire qu'elle n'avait pas de valeur intrinsèque et que le plaisir de
celui qui la goûte, qu'il soit bon ou méchant, est la règle la plus sûre pour en
bien juger. En composant des poèmes suivant cette idée et en y ajoutant des
paroles conformes, ils inspirèrent à la multitude le mépris des usages et
l'audace de juger comme si elle en était capable.
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