[3,689] (689a) (Ἀθηναῖος) Τίς οὖν ἡ μεγίστη δικαίως ἂν λέγοιτο ἀμαθία;
Σκοπεῖτε εἰ συνδόξει καὶ σφῷν λεγόμενον· ἐγὼ μὲν δὴ τὴν τοιάνδε τίθεμαι.
(Κλεινίας) Ποίαν; (Ἀθηναῖος) Τὴν ὅταν τῴ τι δόξαν καλὸν ἢ ἀγαθὸν εἶναι μὴ φιλῇ
τοῦτο ἀλλὰ μισῇ, τὸ δὲ πονηρὸν καὶ ἄδικον δοκοῦν εἶναι φιλῇ τε καὶ ἀσπάζηται.
ταύτην τὴν διαφωνίαν λύπης τε καὶ ἡδονῆς πρὸς τὴν κατὰ λόγον δόξαν ἀμαθίαν
φημὶ εἶναι τὴν ἐσχάτην, μεγίστην δέ, ὅτι τοῦ πλήθους ἐστὶ τῆς ψυχῆς· (689b) τὸ
γὰρ λυπούμενον καὶ ἡδόμενον αὐτῆς ὅπερ δῆμός τε καὶ πλῆθος πόλεώς ἐστιν.
Ὅταν οὖν ἐπιστήμαις ἢ δόξαις ἢ λόγῳ ἐναντιῶται, τοῖς φύσει ἀρχικοῖς, ἡ ψυχή,
τοῦτο ἄνοιαν προσαγορεύω, πόλεώς τε, ὅταν ἄρχουσιν καὶ νόμοις μὴ πείθηται τὸ
πλῆθος, ταὐτόν, καὶ δὴ καὶ ἑνὸς ἀνδρός, ὁπόταν καλοὶ ἐν ψυχῇ λόγοι ἐνόντες
μηδὲν ποιῶσιν πλέον ἀλλὰ δὴ τούτοις πᾶν τοὐναντίον, ταύτας πάσας ἀμαθίας
τὰς πλημμελεστάτας (689c) ἔγωγ' ἂν θείην πόλεώς τε καὶ ἑνὸς ἑκάστου τῶν
πολιτῶν, ἀλλ' οὐ τὰς τῶν δημιουργῶν, εἰ ἄρα μου καταμανθάνετε, ὦ ξένοι, ὃ
λέγω. (Κλεινίας) Μανθάνομέν τε, ὦ φίλε, καὶ συγχωροῦμεν ἃ λέγεις. (Ἀθηναῖος)
Τοῦτο μὲν τοίνυν οὕτω κείσθω δεδογμένον καὶ λεγόμενον, ὡς τοῖς ταῦτ'
ἀμαθαίνουσι τῶν πολιτῶν οὐδὲν ἐπιτρεπτέον ἀρχῆς ἐχόμενον καὶ ὡς ἀμαθέσιν
ὀνειδιστέον, ἂν καὶ πάνυ λογιστικοί τε ὦσι καὶ πάντα τὰ κομψὰ καὶ ὅσα (689d)
πρὸς τάχος τῆς ψυχῆς πεφυκότα διαπεπονημένοι ἅπαντα, τοὺς δὲ τοὐναντίον
ἔχοντας τούτων ὡς σοφούς τε προσρητέον, ἂν καὶ τὸ λεγόμενον μήτε γράμματα
μήτε νεῖν ἐπίστωνται, καὶ τὰς ἀρχὰς δοτέον ὡς ἔμφροσιν. Πῶς γὰρ ἄν, ὦ φίλοι,
ἄνευ συμφωνίας γένοιτ' ἂν φρονήσεως καὶ τὸ σμικρότατον εἶδος; Οὐκ ἔστιν, ἀλλ'
ἡ καλλίστη καὶ μεγίστη τῶν συμφωνιῶν μεγίστη δικαιότατ' ἂν λέγοιτο σοφία, ἧς
ὁ μὲν κατὰ λόγον ζῶν μέτοχος, ὁ δὲ ἀπολειπόμενος οἰκοφθόρος καὶ περὶ πόλιν
οὐδαμῇ σωτὴρ ἀλλὰ πᾶν τοὐναντίον ἀμαθαίνων εἰς ταῦτα (689e) ἑκάστοτε
φανεῖται. Ταῦτα μὲν οὖν, καθάπερ εἴπομεν ἄρτι, λελεγμένα τεθήτω ταύτῃ.
(Κλεινίας) Κείσθω γὰρ οὖν.
Chap. X. (Ἀθηναῖος) Ἄρχοντας δὲ δὴ καὶ ἀρχομένους
ἀναγκαῖον ἐν ταῖς πόλεσιν εἶναί που. (Κλεινίας) Τί μήν;
| [3,689] (L'ATHÉNIEN)
Qu'est-ce qu'on peut appeler justement la plus grande ignorance ? Voyez si vous
approuvez tous les deux ce que je vais dire. La plus grande ignorance, je
prétends, moi, que c'est celle-ci.
(CLINIAS) Laquelle ?
(L'ATHÉNIEN)
C'est lorsque, jugeant qu'une chose est belle ou bonne, au lieu de l'aimer, on
la prend en aversion, et encore, lorsque jugeant que telle chose est mauvaise et
injuste, on ne laisse pas de l'aimer et de l'embrasser. C'est ce désaccord entre
la peine et le plaisir d'une part et l'opinion raisonnable de l'autre que
j'appelle l'ignorance extrême et l'ignorance la plus grande, parce qu'elle est
dans l'âme de la foule ; car ce qui s'afflige et se réjouit dans l'âme, c'est
précisément ce qu'est le peuple et la multitude dans l'État. Quand donc l'âme se
révolte contre la science, le jugement, la raison, que la nature a faits pour
commander, j'appelle cela l'ignorance, ignorance dans l'État, quand la foule
n'obéit pas aux magistrats et aux lois, ignorance aussi dans un particulier,
quand les bons principes qui sont dans son âme restent sans effet et qu'il se
met en opposition avec eux. Voilà les sortes d'ignorances que je tiens pour tes
plus grands dérèglements soit dans l'État, soit dans chaque particulier, et non
l'ignorance des artisans dans leur métier, si vous saisissez bien ma pensée, étrangers.
(CLINIAS)
Nous la saisissons, cher ami, et nous sommes d'accord avec toi.
(L'ATHÉNIEN)
Décrétons donc et déclarons qu'aux citoyens atteints de cette ignorance il ne
faut confier aucune parcelle d'autorité et qu'il faut leur faire honte de leur
ignorance, fussent-ils très habiles à raisonner et soigneusement exercés à tout
ce qui orne l'esprit et lui donne de la rapidité ; qu'au contraire, il faut
donner le nom de savants ceux qui sont dans des dispositions opposées, même si,
comme on dit, ils ne savent ni lire ni nager, et leur confier les magistratures,
comme à des hommes sensés. Peut-il, en effet, mes amis, y avoir la moindre
espèce de sagesse dans une âme en désaccord avec elle-même ? Ce n'est pas
possible, puisqu'on peut dire très justement que la plus parfaite sagesse est le
plus beau et le plus grand des accords, et qu'on ne la possède que lorsqu'on vit
selon la droite raison. Quant à celui qui en est dépourvu, il n'est propre qu'à
perdre sa maison, et il est totalement incapable de sauver l'État ; ignorant
comme il est, il révélera au contraire son incapacité en toutes rencontres.
Considérons donc, ainsi que je le disais tout à l'heure, ces principes comme établis.
(CLINIAS) Admettons-le.
Chap. X. (L'ATHÉNIEN)
Il y a nécessairement dans un État des gouvernants et des gouvernés, n'est-ce pas ?
(CLINIAS) Sans doute.
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