[534] ὥσπερ οἱ κορυβαντιῶντες
(534a) οὐκ ἔμφρονες ὄντες ὀρχοῦνται, οὕτω καὶ οἱ μελοποιοὶ οὐκ
ἔμφρονες ὄντες τὰ καλὰ μέλη ταῦτα ποιοῦσιν, ἀλλ' ἐπειδὰν
ἐμβῶσιν εἰς τὴν ἁρμονίαν καὶ εἰς τὸν ῥυθμόν, βακχεύουσι καὶ
κατεχόμενοι, ὥσπερ αἱ βάκχαι ἀρύονται ἐκ τῶν ποταμῶν μέλι
καὶ γάλα κατεχόμεναι, ἔμφρονες δὲ οὖσαι οὔ, καὶ τῶν
μελοποιῶν ἡ ψυχὴ τοῦτο ἐργάζεται, ὅπερ αὐτοὶ λέγουσι.
λέγουσι γὰρ δήπουθεν πρὸς ἡμᾶς οἱ ποιηταὶ ὅτι (534b) ἀπὸ
κρηνῶν μελιρρύτων ἐκ Μουσῶν κήπων τινῶν καὶ ναπῶν
δρεπόμενοι τὰ μέλη ἡμῖν φέρουσιν ὥσπερ αἱ μέλιτται, καὶ αὐτοὶ
οὕτω πετόμενοι, καὶ ἀληθῆ λέγουσι. κοῦφον γὰρ χρῆμα ποιητής
ἐστιν καὶ πτηνὸν καὶ ἱερόν, καὶ οὐ πρότερον οἷός τε ποιεῖν πρὶν
ἂν ἔνθεός τε γένηται καὶ ἔκφρων καὶ ὁ νοῦς μηκέτι ἐν αὐτῷ ἐνῇ,
ἕως δ' ἂν τουτὶ ἔχῃ τὸ κτῆμα, ἀδύνατος πᾶς ποιεῖν ἄνθρωπός
ἐστιν καὶ χρησμῳδεῖν. ἅτε οὖν οὐ τέχνῃ ποιοῦντες καὶ πολλὰ
λέγοντες καὶ καλὰ περὶ (534c) τῶν πραγμάτων, ὥσπερ σὺ περὶ
Ὁμήρου, ἀλλὰ θείᾳ μοίρᾳ, τοῦτο μόνον οἷός τε ἕκαστος ποιεῖν
καλῶς ἐφ' ὃ ἡ Μοῦσα αὐτὸν ὥρμησεν, ὁ μὲν διθυράμβους, ὁ δὲ
ἐγκώμια, ὁ δὲ ὑπορχήματα, ὁ δ' ἔπη, ὁ δ' ἰάμβους, τὰ δ' ἄλλα
φαῦλος αὐτῶν ἕκαστός ἐστιν. οὐ γὰρ τέχνῃ ταῦτα λέγουσιν
ἀλλὰ θείᾳ δυνάμει, ἐπεί, εἰ περὶ ἑνὸς τέχνῃ καλῶς ἠπίσταντο
λέγειν, κἂν περὶ τῶν ἄλλων ἁπάντων, διὰ ταῦτα δὲ ὁ θεὸς
ἐξαιρούμενος τούτων τὸν νοῦν τούτοις χρῆται ὑπηρέταις καὶ
(534d) τοῖς χρησμῳδοῖς καὶ τοῖς μάντεσι τοῖς θείοις, ἵνα ἡμεῖς οἱ
ἀκούοντες εἰδῶμεν ὅτι οὐχ οὗτοί εἰσιν οἱ ταῦτα λέγοντες οὕτω
πολλοῦ ἄξια, οἷς νοῦς μὴ πάρεστιν, ἀλλ' ὁ θεὸς αὐτός ἐστιν ὁ
λέγων, διὰ τούτων δὲ φθέγγεται πρὸς ἡμᾶς. μέγιστον δὲ
τεκμήριον τῷ λόγῳ Τύννιχος ὁ Χαλκιδεύς, ὃς ἄλλο μὲν οὐδὲν
πώποτε ἐποίησε ποίημα ὅτου τις ἂν ἀξιώσειεν μνησθῆναι, τὸν
δὲ παίωνα ὃν πάντες ᾄδουσι, σχεδόν τι πάντων μελῶν
κάλλιστον, ἀτεχνῶς, ὅπερ αὐτὸς λέγει, (534e) “εὕρημά τι
Μοισᾶν.” ἐν τούτῳ γὰρ δὴ μάλιστά μοι δοκεῖ ὁ θεὸς ἐνδείξασθαι
ἡμῖν, ἵνα μὴ διστάζωμεν, ὅτι οὐκ ἀνθρώπινά ἐστιν τὰ καλὰ
ταῦτα ποιήματα οὐδὲ ἀνθρώπων, ἀλλὰ θεῖα καὶ θεῶν, οἱ δὲ
ποιηταὶ οὐδὲν ἀλλ' ἢ ἑρμηνῆς εἰσιν τῶν θεῶν, κατεχόμενοι ἐξ
ὅτου ἂν ἕκαστος κατέχηται.
| [534] Tels les corybantes dansent lorsqu’ils n’ont plus leur raison, tels
les poètes lyriques lorsqu’ils n’ont plus leur raison, créent ces belles mélodies ; mais
lorsqu’ils se sont embarqués dans l’harmonie et la cadence, ils se déchaînent et sont
possédés. Telles les bacchantes puisent aux fleuves le miel et le lait quand elles sont
possédées, mais ne le peuvent plus quand elles ont leur raison ; tels les poètes lyriques,
dont l’âme fait ce qu’ils nous disent eux-mêmes. Car ils nous disent, n’est ce pas, les poètes,
qu’à des fontaines de miel dans les jardins et les vergers des Muses, ils cueillent leurs
mélodies pour nous les apporter, semblables aux abeilles, ailés comme elles ; ils ont
raison, car le poète est chose ailée, légère, et sainte, et il est incapable de créer avant d’être
inspiré et transporté et avant que son esprit ait cessé de lui appartenir ; tant qu’il ne
possède pas cette inspiration, tout homme est incapable d’être poète et de chanter.
Ainsi donc, comme ils ne composent pas en vertu d’un art, quand ils disent beaucoup
de belles choses sur les sujets qu’ils traitent, comme toi sur Homère, mais en vertu
d’un don divin, chacun n’est capable de bien composer que dans le genre vers lequel
la Muse l’a poussé, l’un dans les dithyrambes, l’autre dans les éloges, l’autre dans les
hyporchèmes, l’autre dans la poésie épique, l’autre dans les ïambes ;
dans les autres genres, chacun ne vaut rien. Ils parlent en effet, non en vertu d’un art,
mais d’une puissance divine ; car s’ils étaient capables de bien parler en vertu d’un art,
ne fût-ce que sur un sujet, ils le feraient sur tous les autres à la fois. Et le but de la divinité,
en enlevant la raison à ces chanteurs et à ces prophètes divins et en se servant d’eux
comme des serviteurs, c’est que nous, les auditeurs, nous sachions bien que ce ne sont pas
eux les auteurs d’œuvres si belles, eux qui sont privés de raison, mais que c’est la divinité
elle-même leur auteur, et que par leur organe, elle se fait entendre à nous. La meilleure
preuve pour notre raisonnement, c’est Tynnichos de Chalcis qui n’a jamais fait un poème
digne d’être cité, mais qui composa le péan chanté par tous, le plus beau presque de tous
les chants, une vraie trouvaille des Muses, comme il le dit lui-même. Cet exemple surtout
me semble avoir servi à la divinité, pour nous montrer dans nous laisser le doute,
que les beaux poèmes n’ont pas un caractère humain et ne sont pas l’œuvre des hommes
mais qu’ils ont un caractère divin et qu’ils sont l’œuvre des dieux et que les poètes
ne sont que les interprètes des dieux, quand ils sont possédés quelque soit la divinité
qui possède chacun d’eux.
|