[12] (12a) τὸ δὲ δίκαιον οὐ πᾶν ὅσιον, ἀλλὰ τὸ μὲν αὐτοῦ ὅσιον, τὸ δέ τι
καὶ ἄλλο; (Εὐθύφρων) Οὐχ ἕπομαι, ὦ Σώκρατες, τοῖς λεγομένοις. (Σωκράτης) Καὶ
μὴν νεώτερός γέ μου εἶ οὐκ ἔλαττον ἢ ὅσῳ σοφώτερος· ἀλλ᾽, ὁ λέγω, τρυφας
ὑπὸ πλούτου τῆς σοφίας. Ἀλλ᾽, ὦ μακάριε, σύντεινε σαυτόν· καὶ γὰρ οὐδὲ
χαλεπὸν κατανοῆσαι ὁ λέγω. Λέγω γὰρ δὴ τὸ ἐναντίον ἢ ὁ ποιητὴς ἐποίησεν ὁ
ποιήσας —Ζῆνα δὲ τὸν θ᾽ ἔρξαντα καὶ ὃς τάδε πάντ᾽ ἐφύτευσεν οὐκ ἐθέλει
νεικεῖν· ἵνα γὰρ δέος ἔνθα καὶ αἰδώς. (12b) ἐγὼ οὖν τούτῳ διαφέρομαι τῷ ποιητῇ.
Εἴπω σοι ὅπῃ; (Εὐθύφρων) Πάνυ γε. (Σωκράτης) Οὐ δοκεῖ μοι εἶναι «ἵνα δέος ἔνθα
καὶ αἰδώς» πολλοὶ γάρ μοι δοκοῦσι καὶ νόσους καὶ πενίας καὶ ἄλλα πολλὰ
τοιαῦτα δεδιότες δεδιέναι μέν, αἰδεῖσθαι δὲ μηδὲν ταῦτα ἃ δεδίασιν· οὐ καὶ σοὶ
δοκεῖ; (Εὐθύφρων) Πάνυ γε. (Σωκράτης) Ἀλλ᾽ ἵνα γε αἰδὼς ἔνθα καὶ δέος εἶναι·
ἐπεὶ ἔστιν ὅστις αἰδούμενός τι πρᾶγμα καὶ αἰσχυνόμενος οὐ πεφόβηταί τε καὶ
δέδοικεν ἅμα δόξαν πονηρίας; (Εὐθύφρων) (12c) Δέδοικε μὲν οὖν. (Σωκράτης) Οὐκ
ἄρ᾽ ὀρθῶς ἔχει λέγειν· «ἵνα γὰρ δέος ἔνθα καὶ αἰδώς,» ἀλλ᾽ ἵνα μὲν αἰδὼς ἔνθα
καὶ δέος, οὐ μέντοι ἵνα γε δέος πανταχοῦ αἰδώς· ἐπὶ πλέον γὰρ οἶμαι δέος αἰδοῦς.
Μόριον γὰρ αἰδὼς δέους ὥσπερ ἀριθμοῦ περιττόν, ὥστε οὐχ ἵναπερ ἀριθμὸς ἔνθα
καὶ περιττόν, ἵνα δὲ περιττὸν ἔνθα καὶ ἀριθμός. Ἕπῃ γάρ που νῦν γε;
(Εὐθύφρων) Πάνυ γε. (Σωκράτης) Τὸ τοιοῦτον τοίνυν καὶ ἐκεῖ λέγων ἠρώτων· ἆρα
ἵνα δίκαιον ἔνθα καὶ ὅσιον; (12d) ἢ ἵνα μὲν ὅσιον ἔνθα καὶ δίκαιον, ἵνα δὲ δίκαιον
οὐ πανταχοῦ ὅσιον· μόριον γὰρ τοῦ δικαίου τὸ ὅσιον; οὕτω φῶμεν ἢ ἄλλως σοι
δοκεῖ; (Εὐθύφρων) Οὔκ, ἀλλ᾽ οὕτω. Φαίνῃ γάρ μοι ὀρθῶς λέγειν. (Σωκράτης) Ὅρα
δὴ τὸ μετὰ τοῦτο. Εἰ γὰρ μέρος τὸ ὅσιον τοῦ δικαίου, δεῖ δὴ ἡμᾶς, ὡς ἔοικεν,
ἐξευρεῖν τὸ ποῖον μέρος ἂν εἴη τοῦ δικαίου τὸ ὅσιον. Εἰ μὲν οὖν σύ με ἠρώτας τι
τῶν νυνδή, οἷον ποῖον μέρος ἐστὶν ἀριθμοῦ τὸ ἄρτιον καὶ τίς ὢν τυγχάνει οὗτος ὁ
ἀριθμός, εἶπον ἂν ὅτι ὃς ἂν μὴ σκαληνὸς ᾖ ἀλλ᾽ ἰσοσκελής· ἢ οὐ δοκεῖ σοι;
(Εὐθύφρων) Ἔμοιγε. (Σωκράτης) (12e) Πειρῶ δὴ καὶ σὺ ἐμὲ οὕτω διδάξαι τὸ ποῖον
μέρος τοῦ δικαίου ὅσιόν ἐστιν, ἵνα καὶ Μελήτῳ λέγωμεν μηκέθ᾽ ἡμᾶς ἀδικεῖν
μηδὲ ἀσεβείας γράφεσθαι, ὡς ἱκανῶς ἤδη παρὰ σοῦ μεμαθηκότας τά τε εὐσεβῆ
καὶ ὅσια καὶ τὰ μή. (Εὐθύφρων) Τοῦτο τοίνυν ἔμοιγε δοκεῖ, ὦ Σώκρατες, τὸ μέρος
τοῦ δικαίου εἶναι εὐσεβές τε καὶ ὅσιον, τὸ περὶ τὴν τῶν θεῶν θεραπείαν, τὸ δὲ
περὶ τὴν τῶν ἀνθρώπων τὸ λοιπὸν εἶναι τοῦ δικαίου μέρος. (Σωκράτης) Καὶ
καλῶς γέ μοι, ὦ Εὐθύφρων, φαίνῃ λέγειν, ἀλλὰ σμικροῦ τινος ἔτι ἐνδεής εἰμι·
| [12] ou crois-tu que ce qui est juste n’est pas toujours saint, mais seulement qu’il y a
des choses justes qui sont saintes, et d’autres qui ne le sont pas ?
(EUTHYPHRON) Je ne te suis pas bien, Socrate. (SOCRATE) Cependant tu as sur moi
deux grands avantages, la jeunesse et l’habileté : mais, comme je te le disais
tout à l’heure, bienheureux Euthyphron, tu te reposes dans ta sagesse. Je
t’en prie, secoue cette mollesse ; ce que je te dis n’est pas bien difficile à
entendre, c’est tout simplement le contraire de ce qu’avance un poète : « Tu
n’oses pas chanter Zeus, qui a créé et ordonné cet univers : la (12b) honte
est compagne de la peur. » Je ne suis point du tout d’accord avec ce poète :
te dirai-je en quoi ? (EUTHYPHRON) Oui, tu m’obligeras. (SOCRATE) il ne me paraît
point du tout vrai que la honte accompagne toujours la peur ; car il me
semble qu’on voit tous les jours des gens qui craignent les maladies et la
pauvreté, et beaucoup d’autres choses, et qui cependant n’ont aucune honte
de ce qu’ils craignent. N’es-tu pas de cet avis ? (EUTHYPHRON) Tout à fait.
(SOCRATE) Au contraire, la peur suit toujours la honte ; car y a-t-il un homme à
qui (12c) le sentiment d’une action honteuse ne fasse craindre la mauvaise
réputation, qui en est la suite ? (EUTHYPHRON) Assurément, pas un. (SOCRATE) Il
n’est donc pas vrai de dire : La honte est compagne de la peur ; mais il faut
dire : La peur est compagne de la honte ; car il est faux que la honte se
trouve partout où est la peur : la peur a plus d’étendue que la honte. La
honte est à la peur ce que l’impair est au nombre. Partout où il y a un
nombre, là ne se trouve pas nécessairement l’impair ; mais partout où est
l’impair, là se trouve nécessairement un nombre. M’entends-tu
présentement ? (EUTHYPHRON) Fort bien. (SOCRATE) Eh bien ! c’est ce que je te
demandais tout à l’heure, si le saint et le juste (12d) marchent toujours
ensemble ; ou si partout où est le saint, là se trouve aussi le juste, tandis
que le saint ne se trouve pas toujours où est le juste, le saint n’étant qu’une
partie du juste. Poserons-nous cela pour principe, ou es-tu d’un autre
sentiment ? (EUTHYPHRON) Non ; il me semble que ce principe ne peut être
contesté. (SOCRATE) Prends garde à ce qui va suivre. Si le saint est une partie
du juste, il faut que nous trouvions quelle partie du juste c’est que le saint ;
comme si tu me demandais quel nombre c’est précisément que le pair, je te
répondrais que c’est le nombre qui se divise en deux, parties égales. Ne le
crois-tu pas comme moi ? (EUTHYPHRON) Sans doute. (SOCRATE) (12e) Essaie donc
aussi de m’apprendre quelle partie du juste c’est que le saint, afin que je
signifie à Mélitus qu’il n’ait plus à m’accuser d’impiété, moi qui ai
parfaitement appris de toi ce que c’est que la piété et la sainteté, et leurs
contraires. (EUTHYPHRON) Pour moi, Socrate, il me semble, que la sainteté est
cette partie du juste qui concerne les soins que l’homme doit aux dieux, et
que toutes les autres parties du juste regardent les soins que les hommes se
doivent les uns aux autres. (SOCRATE) A merveille, Euthyphron ; cependant il
me manque encore quelque petite (13a) chose :
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