[4,20] ἑνδεκάτῳ δὲ ἔτει τῆς πολιορκίας τήν τε Εἶραν ἐπέπρωτο
ἁλῶναι καὶ ἀναστάτους γενέσθαι Μεσσηνίους,
καὶ δή σφισιν ἐπετέλεσεν ὁ θεὸς Ἀριστομένει καὶ
Θεόκλῳ χρησθέν τι. τούτοις γὰρ ἐλθοῦσιν ἐς Δελφοὺς
μετὰ τὴν ἐπὶ τῇ τάφρῳ πληγὴν καὶ ἐπερομένοις
ὑπὲρ σωτηρίας τοσόνδε εἶπεν ἡ Πυθία·
εὖτε τράγος πίνῃσι Νέδης ἑλικόρροον ὕδωρ,
οὐκέτι Μεσσήνην ῥύομαι· σχεδόθεν γὰρ ὄλεθρος.
εἰσὶ δὲ αἱ πηγαὶ τῆς Νέδας ἐν ὄρει τῷ Λυκαίῳ·
προελθὼν δὲ ὁ ποταμὸς διὰ τῆς Ἀρκάδων καὶ ἐπιστρέψας
αὖθις ἐς τὴν Μεσσηνίαν ὁρίζει τὰ ἐπὶ θαλάσσῃ
Μεσσηνίοις καὶ Ἠλείοις τὴν γῆν. τότε δὲ οἳ
μὲν τοὺς αἶγας τοὺς ἄρρενας ἐδεδοίκεσαν μὴ πίνωσιν
ἀπὸ τῆς Νέδας· τοῖς δὲ ἄρα ὁ δαίμων προεσήμαινε
τοιόνδε. τὸ δένδρον τὸν ἐρινεόν εἰσιν Ἑλλήνων οἳ
καλοῦσιν ὀλύνθην, Μεσσήνιοι δὲ αὐτοὶ τράγον. τότε
οὖν πρὸς τῇ Νέδᾳ πεφυκὼς ἐρινεὸς οὐκ ἐς εὐθὺ
ηὔξητο, ἀλλὰ ἔς τε τὸ ῥεῦμα ἐπέστρεφε καὶ τοῦ ὕδατος
ἄκροις τοῖς φύλλοις ἐπέψαυε. θεασάμενος δὲ ὁ μάντις
Θέοκλος συνεβάλετο ὡς τὸν τράγον τὸν πίνοντα ἐκ
τῆς Νέδας προεῖπεν ἡ Πυθία τὸν ἐρινεὸν τοῦτον καὶ
ὡς ἤδη Μεσσηνίοις ἥκει τὸ χρεών· καὶ ἐς μὲν τοὺς
ἄλλους εἶχεν ἐν ἀπορρήτῳ, Ἀριστομένην δὲ πρός τε
τὸν ἐρινεὸν ἤγαγε καὶ ἀνεδίδασκεν ὡς τῆς σωτηρίας
ἐξήκοι σφίσιν ὁ χρόνος. Ἀριστομένης δὲ ἔχειν οὕτω
πείθεται καὶ ἀναβολὴν οὐκέτι εἶναί σφισι, προενοήσατο
δὲ καὶ ἐκ τῶν παρόντων. καὶ ἦν γάρ τι ἐν ἀπορρήτῳ
τοῖς Μεσσηνίοις, ἔμελλε δὲ ἀφανισθὲν ὑποβρύχιον τὴν
Μεσσήνην κρύψειν τὸν πάντα αἰῶνα, φυλαχθὲν δὲ οἱ
Λύκου τοῦ Πανδίονος χρησμοὶ Μεσσηνίους ἔλεγον
χρόνῳ ποτὲ ἀνασώσεσθαι τὴν χώραν· τοῦτο δὴ ὁ Ἀριστομένης
ἅτε ἐπιστάμενος τοὺς χρησμούς, ἐπεὶ νὺξ
ἐγίνετο, ἐκόμιζε. παραγενόμενος δὲ ἔνθα τῆς Ἰθώμης
ἦν τὸ ἐρημότατον, κατώρυξεν ἐς Ἰθώμην τὸ ὄρος, καὶ
Δία Ἰθώμην ἔχοντα καὶ θεοὺς οἳ Μεσσηνίους ἐς
ἐκεῖνο ἔσωζον φύλακας μεῖναι τῆς παρακαταθήκης αἰτούμενος,
μηδὲ ἐπὶ Λακεδαιμονίοις ποιῆσαι τὴν μόνην
καθόδου Μεσσηνίοις ἐλπίδα.
μετὰ δὲ τοῦτο τοῖς Μεσσηνίοις ἤρχετο, καθὸ καὶ
Τρωσὶν ἔτι πρότερον, γίνεσθαι κακὰ ἀπὸ μοιχείας.
ἐπεκράτουν μὲν αὐτοὶ {ἐπεὶ ἐκράτουν} τοῦ τε ὄρους
καὶ τοῦ πρὸς τὴν Εἶραν ἄχρι τῆς Νέδας, ἦσαν δὲ
οἰκήσεις καὶ ἔξω πυλῶν ἐνίοις. αὐτόμολος δὲ ἐς αὐτοὺς
ἐκ τῆς Λακωνικῆς ἄλλος μὲν ἀφίκετο οὐδείς,
οἰκέτης δὲ Ἐμπεράμου βουκόλος ἐλαύνων τοῦ δεσπότου
τὰς βοῦς· ὁ δὲ Ἐμπέραμος ἦν ἀνὴρ ἐν Σπάρτῃ
δόκιμος. οὗτος ὁ βουκόλος ἔνεμεν οὐ πόρρω τῆς Νέδας.
ἀνδρὸς οὖν τῶν Μεσσηνίων τῶν οὐκ ἐντὸς τείχους
ἐχόντων οἴκησιν γυναῖκα εἶδεν ἐφ´ ὕδωρ ἐλθοῦσαν·
ἐρασθεὶς δὲ διαλεχθῆναί τε ἐτόλμησε καὶ δοὺς
δῶρα συγγίνεται. καὶ ἀπὸ τούτου τὸν ἄνδρα παρεφύλασσεν
αὐτῆς, ὁπότε ἀποχωρήσειεν ἐς τὴν φρουράν.
ἀνὰ μέρος δὲ τοῖς Μεσσηνίοις τῆς ἀκροπόλεως ἐπήγετο
ἡ φυλακή· ταύτῃ γὰρ τοὺς πολεμίους μάλιστα
ἐδεδοίκεσαν μὴ ὑπερβῶσιν αὐτοῖς ἐς τὴν πόλιν. ὁπότε
οὖν οὗτος ἀποχωρήσειε, τηνικαῦτα ὁ βουκόλος ἐφοίτα
παρὰ τὴν γυναῖκα. καί ποτε ἔτυχε σὺν ἄλλοις ἐς ἐκεῖνον
περιήκουσα ἐν τῇ νυκτὶ ἡ φυλακή, ἔτυχε δὲ
καὶ ὕειν πολλῷ τὸν θεόν, καὶ ἐκλείπουσιν οἱ Μεσσήνιοι
τὴν φρουράν· τὸ γὰρ ὕδωρ ἐβιάζετο σφᾶς ἀθρόον
ἐκ τοῦ οὐρανοῦ καταχεόμενον, οὔτε ἐπάλξεων ἐνῳκοδομημένων
οὔτε πύργων ὑπὸ σπουδῆς τοῦ τειχισμοῦ,
καὶ ἅμα οὐδὲ κινήσεσθαι τοὺς Λακεδαιμονίους ἤλπιζον
ἐν ἀσελήνῳ νυκτὶ καὶ οὕτω χειμερίῳ. Ἀριστομένης
δὲ οὐ πολλαῖς πρότερον ἡμέραις Κεφαλλῆνα ἔμπορον,
ἑαυτῷ ξένον καὶ ἐσάγοντα ἐς τὴν Εἶραν ὁπόσων ἐδέοντο,
ἑαλωκότα ὑπὸ Λακεδαιμονίων καὶ τοξοτῶν Ἀπτεραίων
ὧν ἦρχεν Εὐρύαλος Σπαρτιάτης, τοῦτον τὸν
Κεφαλλῆνα ἀφαιρούμενος ἐκεῖνον μὲν καὶ τὰ χρήμανα
ὁπόσα ἦγεν ἀπέσωσεν, αὐτὸς δὲ ἐτέτρωτο καὶ οὐκ ἐδύνατο
ἐπιφοιτᾶν τοῖς φυλάσσουσι καθάπερ εἰώθει. τοῦτο
μάλιστα αἴτιον ἐγένετο ἐκλειφθῆναι τὴν ἀκρόπολιν· τῶν
τε δὴ ἄλλων ἕκαστος ἀνεχώρησεν ἀπὸ τῆς φρουρᾶς
καὶ τῆς ὑπὸ τοῦ βουκόλου μοιχευομένης ὁ ἀνήρ. ἡ
δὲ τηνικαῦτα ἔνδον εἶχε τὸν βουκόλον, αἰσθάνεταί τε
τοῦ ἀνδρὸς ἐπιόντος καὶ αὐτίκα ὡς τάχους εἶχεν ἀποκρύπτει
τὸν ἄνθρωπον. ἐσελθόντα δὲ τὸν ἄνδρα ἐφιλοφρονεῖτο
ὡς οὔπω πρότερον καὶ ἠρώτα καθ´ ἥν
τινα αἰτίαν ἥκοι. ὁ δὲ οὔτε μεμοιχευμένην εἰδὼς οὔτε
ἔνδον ὄντα τὸν βουκόλον ἐχρῆτο τῷ ἀληθεῖ λόγῳ, καὶ
αὐτός τε διὰ τοῦ ὄμβρου τὸ βίαιον καὶ τῶν ἄλλων
ἕκαστον ἔφασκεν ἀπολελοιπέναι τὴν φρουράν. ἐπηκροᾶτο
δὲ λέγοντος ὁ βουκόλος, καὶ ὡς ἀκριβῶς ἐπύθετο
ἕκαστα, αὖθις ἐκ τῶν Μεσσηνίων ἐς τοὺς Λακεδαιμονίους
ἀφίκετο αὐτόμολος. Λακεδαιμονίοις δὲ οἱ
μὲν βασιλεῖς ἀπὸ στρατοπέδου τηνικαῦτα ἀπῆσαν,
πολεμαρχῶν δὲ τότε Ἐμπέραμος ὁ τοῦ βουκόλου
δεσπότης προσεκάθητο τῇ Εἴρᾳ. ἀφικόμενος οὖν ἐς τοῦτον
πρῶτα μὲν τὸ ἐπὶ τῷ δρασμῷ παρῃτεῖτο ἁμάρτημα,
δεύτερα δὲ ἀνεδίδασκεν ὡς τὴν Εἶραν ἐν τῷ παρόντι μάλιστα
αἱρήσουσιν, αὐτὰ ἕκαστα ὁπόσα ᾔσθετο τοῦ Μεσσηνίου διηγούμενος.
| [4,20] CHAPITRE XX.
Il y avait onze ans que le siège durait, et le
terme fatal était arrivé. Ira fut donc contrainte
de céder à son destin ; et les Messéniens se
virent encore une fois chassés de leur ville.
L'évènement vérifia ce qui avait été prédit à
Aristomène et à Théoclus; car après la déroute
de la grande fosse, ils allèrent à Delphes pour
consulter l'oracle sur les moyens de rétablir
leurs affaires, et la Pythie leur répondit par ces vers :
"Quand un bouc altéré boira de l'eau du Nedès,
C'est à vous d'y veiller, c'en est fait de Messène,
Jupiter l'abandonne, et sa perte est certaine".
Le Nedès, après s'être formé d'une source qui
sort du mont Lycée, prend son cours par l'Arcadie,
puis se repliant pour ainsi dire sur lui-même,
il vient arroser la Messénie, et sert de
barrière du côté de la mer entre les Messéniens
et les Eléens. Les Messéniens, trompés par l'ambiguité
de l'oracle, crurent que tout ce qu'ils
avaient à craindre, c'était que les boucs ne bussent
de l'eau du fleuve Nedès; mais le dieu entendait
tout autre chose. Il faut donc savoir que
le même mot grec qui signifie un bouc, signifie
aussi chez les Messéniens un figuier sauvage.
Or, il y avait un figuier sauvage qui était
venu sur le bord du Nedès, et qui au lieu de
croître en hauteur, s'était comme plié et renversé
du côté du fleuve, en sorte que l'extrémité
de ses branches touchait à l'eau. Le devin Théoclus
ayant remarqué ce figuier sauvage, comprit
que ce que l'on entendait d'un bouc, la Pythie
pouvait fort bien l'entendre de cet arbre; d'où il
jugea que c'était fait des Messéniens, et que leur
perte était inévitable. Cependant il tint sa conjecture
secrète, et ne s'en ouvrit qu'au seul Aristomène ;
il le mena au pied du figuier, lui développa
le sens de l'oracle, et l'assura qu'il n'y
avait plus rien à espérer. Aristomène n'eut pas
de peine à le croire, et persuadé qu'il n'y avoir
point de temps à perdre, il prit des mesures conformes
à la nécessité présente.
Dans le trésor de l'état on gardait un monument
qui était comme un gage sacré de la
durée de l'empire, en sorte que si les Messéniens
le laissaient perdre, ils devaient périr sans ressource,
et qu'au contraire s'ils le conservaient
ils devaient se relever un jour et refleurir plus
que jamais; c'est ce que Lycus, fils de Pandion,
leur avait prédit. C'était un secret d'état que peu
de gens savaient ; Aristomène qui en avait connaissance,
dès que la nuit fut venue, prit ce précieux monument,
le porta dans l'endroit le plus
désert et le plus écarté du mont Ithome, le cacha
sous terre puis s'adressant à Jupiter Ithomate
et à tous les dieux tutélaires de l'empire, les pria
de ne pas permettre que ce sacré dépôt, l'unique
espérance des Messéniens, tombât jamais entre
les mains de leurs ennemis. Enfin il était arrêté que
les Messéniens, comme autrefois les Troyens,
périraient par un adultère. Ils occupaient non
seulement la ville d'Ira, mais aussi tous les environs
depuis la hauteur où était la citadelle
jusqu'au fleuve Nedès ; quelques-uns même habitaient
hors des portes de la ville. Aucun transfuge
n'était encore venu à eux du camp des Lacédémoniens,
à la réserve d'un esclave, qui gardait les
vaches d'Empéramus, homme distingué parmi
les Spartiates; cet esclave s'étant enfui de chez
son maître, avait passé avec ses vaches du côté
de ces Messéniens qui avaient leur habitation
hors des portes, et il menait paître tous les jours
son troupeau dans les prairies qui sont au bas de
la montagne vers le Nedès. Le hasard fit qu'il
rencontra une Messénienne qui' allait chercher
de l'eau, et qu'il en devint amoureux; d'abord il
lui tint quelques propos, ensuite il lui fit de petits
présents, enfin il gagna ses bonnes grâces et
lia un commerce avec elle. Pour la voir il prenait
justement le temps que son mari était en
faction ; car les Messéniens montaient la garde
tour-à-tour et par détachements à la citadelle,
de crainte que l'ennemi n'entrât dans la ville par
cet endroit qui était mal fortifié. Le mari n'était
donc pas plutôt sorti de sa maison, que le pâtre
venait rendre visite à sa femme. Or, une nuit que
le Messénien était de guet, il plu tant que ni lui,
ni ses camarades ne jugèrent pas à propos de
coucher au bivouac ; car, comme on avait fait
seulement quelques fortifications à la hâte, il n'y
avait ni tours, ni guérites où l'on pût se mettre
à couvert des injures du temps. Les sentinelles
quittèrent donc leurs postes et avec d'autant plus
de confiance, qu'il n'y avait pas d'apparence que
les Lacédémoniens pussent rien entreprendre par
une nuit si noire et si pluvieuse. D'ailleurs le
soldat n'avait rien à craindre de son général ;
peu de jours auparavant, Eulyalus, spartiate, à la
tête d'une troupe de Lacédémoniens et de quel-
ques archers de la ville d'Aptère, avaient enlevé
un marchand de Céphallie qui amenait des
provisions aux Messéniens ; Aristomène voulut
reprendre le prisonnier, qui était son hôte et son
ami ; il le reprit en effet avec tout ce qui lui appartenait;
mais en lui rendant ce service, il avait
été blessé dans le combat; ainsi il n'était pas en
état de faire sa ronde à l'ordinaire. Par toutes ces
raisons les soldats, qui étaient en faction dans la
citadelle, crurent pouvoir s'en retourner chez eux
sans aucun risque; de ce nombre était le Messénien
dont je parle. Dès que sa femme l'entend
frapper, elle cache son amant du mieux qu'elle
peut, court au-devant de son mari, le reçoit
avec de grandes démonstrations de joie et lui demande
par quelle bonne fortune il revenait si tôt.
Lui qui ne se défiait de rien, raconte à sa femme
tout ce qui en était, qu'il n'avait fait que suivre
l'exemple de ses camarades, et que le mauvais
temps les avait tous obligés à s'en aller. Le pâtre
qui entendait tout cela, apprenant que la citadelle
n'était pas gardée, se dérobe aussitôt et
va trouver les Lacédmoniens. Ni l'un ni l'autre
roi n'était au camp, c'était Emperamus qui en
leur absence commandait les troupes du siège.
On mène l'esclave à son maître, il se jette à ses
pieds, lui demande pardon de s'être enfui, lui
dit ensuite que le moment de prendre Ira était
venu, qu'il n'y avait point de temps à perdre,
et apprend tout ce qu'il avait su de la propre
bouche du Messénien.
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