[36,5] Ἀπολείπουσά μοι ταυτασὶ τὰς εἰκόνας αὐτοῖς
μύθοις, ἴθι ἐπ´ ἄνδρα, οὐ κατὰ τὴν Κρόνου καὶ ἀρχὴν
βιοτεύσαντα, ἀλλ´ ἐν μέσῳ τῷ σιδηρῷ τούτῳ γένει,
ἐλευθερωθέντα ὑπὸ τοῦ Διὸς καὶ τοῦ Ἀπόλλωνος·
Ἦν δὲ οὗτος οὐκ Ἀττικός, οὐδὲ Δωριεύς, οὐδ´ ἐκ τῆς
Σόλωνος τροφῆς, οὐδ´ ἐκ τῆς Λυκούργου παιδαγωγίας
(οὐ γὰρ χειροτονοῦσιν τὰς ἀρετὰς οἱ τόποι οὐδὲ οἱ
νόμοι), ἀλλὰ ἦν μὲν Σινωπεὺς ἐκ τοῦ Πόντου·
συμβουλευσάμενος δὲ τῷ Ἀπόλλωνι τὰς περιστάσεις πάσας
ἀπεδύσατο, καὶ τῶν δεσμῶν ἐξέλυσεν αὑτόν, καὶ περιῄει
τὴν γῆν ἄφετος, ὄρνιθος δίκην νοῦν ἔχοντος, οὐ τύραννον
δεδιώς, οὐχ ὑπὸ νόμου κατηναγκασμένος, οὐχ
ὑπὸ πολιτείας ἀσχολούμενος, οὐχ ὑπὸ παιδοτροφίας
ἀγχόμενος, οὐχ ὑπὸ γάμου καθειργμένος, οὐχ ὑπὸ
γεωργίας κατεχόμενος, οὐχ ὑπὸ στρατείας ἐνοχλούμενος,
οὐχ ὑπὸ ἐμπορίας περιφερόμενος· ἀλλὰ τούτων
ἁπάντων τῶν ἀνδρῶν καὶ τῶν ἐπιτηδευμάτων κατεγέλα,
ὥσπερ ἡμεῖς τῶν σμικρῶν παίδων, ἐπειδὰν ὁρῶμεν
αὐτοὺς περὶ ἀστραγάλους σπουδάζοντας, τύπτοντας καὶ
τυπτομένους, ἀφαιροῦντας καὶ ἀφαιρουμένους· αὐτὸς
δὲ βασιλέως ἀφόβου καὶ ἐλευθέρου δίαιταν διαιτώμενος,
οὐκ ἐπιτρίβων ἐν χειμῶνι Βαβυλωνίους, οὐδὲ
Μήδοις ἐνοχλῶν ὥρᾳ θέρους, ἀλλ´ ἐκ τῆς Ἀττικῆς ἐπὶ
τὸν Ἰσθμόν, καὶ ἀπὸ τοῦ Ἰσθμοῦ ἐπὶ τὴν Ἀττικὴν
αὖθις ὁμοῦ ταῖς ὥραις μετανιστάμενος. Βασίλεια δ´
ἦν αὐτῷ τά τε ἱερὰ καὶ τὰ γυμνάσια καὶ τὰ ἄλση·
πλοῦτος δὲ ἀφθονώτατος καὶ ἀσφαλέστατος καὶ ἀνεπιβούλευτος,
γῆ τε πᾶσα, καὶ οἱ ἐν αὐτῇ καρποί, καὶ
κρῆναι γῆς ἔγγονοι, παντὸς Λεσβίου καὶ Χίου πώματος
δαψιλέστεραι· καὶ φίλος ἦν καὶ συνήθης τῷ ἀέρι,
ὥσπερ οἱ λέοντες, καὶ οὐκ ἀπεδίδρασκεν τὰς ὥρας τοῦ
Διός, οὐδὲ ἀντεμηχανᾶτο αὐτῷ, τοῦ μὲν χειμῶνος τεχνιτεύων
θάλπος, τοῦ δὲ θέρους ἀναψύχεσθαι ποθῶν·
ἀλλ´ οὕτως ἄρα ἐθὰς ἦν τῇ τοῦ παντὸς φύσει, ὥστε
ἐκ τοιαύτης διαίτης ὑγιεινός τε ἦν καὶ ἰσχυρός, καὶ
κατεγήρα εἰς τὸ ἀκρότατον· μηδὲν φαρμάκων δεηθείς,
μὴ σιδήρου, μὴ πυρός, μὴ Χείρωνος, μὴ Ἀσκληπιοῦ,
μὴ Ἀσκληπιαδῶν, μὴ μάντεων μαντευομένων, μὴ ἱερέων
καθαιρόντων, μὴ γοήτων ἐπᾳδόντων. Πολεμουμένης
δὲ τῆς Ἑλλάδος, καὶ πάντων πᾶσιν ἐπιτιθεμένων,
οἳ πρὶν ἐπ´ ἀλλήλοισι φέρον πολύδακρυν Ἄρηα,
ἐκεχειρίαν ἦγεν μόνος, ἐν ὡπλισμένοις ἄοπλος, ἐν μαχομένοις
ἔνσπονδος πᾶσιν· ἀπείχοντο δὲ αὐτοῦ καὶ οἱ
ἄδικοι, καὶ οἱ τύραννοι, καὶ οἱ συκοφάνται. Ἤλεγχε
μὲν γὰρ τοὺς πονηρούς, ἀλλ´ οὐ λόγων σοφίσμασιν,
ὅσπερ ἐλέγχων ἀνιαρότατος, ἀλλὰ ἔργοις, παρατιθεὶς
ἑκάστοτε, ὅσπερ ἐλέγχων ἀνυσιμώτατος καὶ εἰρηνικώτατος·
καὶ διὰ τοῦτο οὔτε Μέλητός τις ἐπὶ Διογένην
ἀνέστη, οὔτε Ἀριστοφάνης, οὐκ Ἄνυτος, οὐ Λύκων.
| [36,5] Mets au rang des fables tous ces emblèmes que je viens de te présenter
; et vas vers un homme qui n'a point vécu sous le règne de Saturne, mais
au milieu même de ce siècle de fer, dans un état d'indépendance dont il
était redevable à Jupiter et à Apollon. Cet homme n'était ni Athénien, ni
Dorien. Il n'avait été élevé ni dans les principes de Solon, ni dans les
principes de Lycurgue : car la vertu ne tient ni aux localités, ni aux
formes de Gouvernement. Il était de Sinope, ville du Pont, fidèle au
conseil d'Apollon, il rompit les divers rapports par où il pouvait
être attaché ; il se délivra de toute sorte de chaînes ; il se mit à
voyager avec une pleine indépendance ; tel qu'un oiseau qui serait doué
d'intelligence, ne craignant point les tyrans, n'étant obligé d'obéir à
aucune loi, ne devant son oisiveté à aucune forme de politie, n'étant
point tenu d'employée son temps à élever des enfants, étranger aux devoirs
qu'imposent les liens du mariage, n'ayant ni champs à cultiver, ni service
militaire à remplir, ni commerce qui lui demandât des déplacements. Il
riait de tout, des hommes et des choses, comme nous rions des enfants,
lorsque nous les voyons jouer avec des osselets, battre, être battus,
spolier, être spoliés. C’était un Roi exempt de crainte, et maître absolu
de lui-même. Il n’avait pas besoin de passer l'hiver à Babylone, ni de
venir, l'été, en imposer à la Médie. De l'Attique à l'Isthme de
Corinthe, de l'Isthme de Corinthe à l'Attique, c'était là toutes ses
promenades, selon les saisons. Il avait son palais, son temple, ses
gymnases, ses bois sacrés. Il possédait les richesses les plus immenses,
les plus solides, les moins exposées aux événements. Toute la terre, tous
les fruits qu'elle produit, toutes les fontaines qui sortent de son sein,
et qui sont plus abondantes que les vignobles de Chio ou de Lesbos,
étaient à lui. Il était l'ami et le camarade de l'air comme le sont les
lions. Il ne cherchait point à se dérober aux intempéries ; il ne s'armait
point contre elles. Il ne se ménageait point du chaud, en hiver, ni de la
fraîcheur, en été. Il s’était tellement accoutumé à toutes les
températures, sa manière de vivre lui avait donné tant de santé, et tant
de vigueur, qu'il poussa sa carrière jusqu'au terme le plus reculé, sans
avoir nul besoin, ni de médicaments, ni de fer, ni de feu, ni de Chiron,
ni d'Esculape, ni de ses disciples, ni de la préscience des devins,
ni des cérémonies des prêtres, ni du grimoire des magiciens. Le feu de la
guerre embrasa la Grèce. « Ses peuples, jusqu'alors en possession de se
combattre réciproquement », se déclarèrent et s'armèrent tous contre
tous. Il n'y eut de trêve que pour lui seul. Il resta sans armes, tandis
que tout le monde était armé. Il conserva ses relations avec tous, tandis
que tous se faisaient la guerre. Les méchants, les tyrans, les sycophantes
s'abstinrent de lui faire aucun mal. Ce n'est pas qu'il ne fît la
censure de leur conduite, mais ce ne fut point par des arguments et des
discours. Il n'eut garde de se compromettre. Ce fut en offrant à tous les
regards le tableau de sa vie, genre de répréhension le plus efficace et le
moins dangereux. Aussi Diogène ne se mit-il à dos, ni Mélitus, ni
Aristophane, ni Anytus, ni Lycon.
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