[36,6] Πῶς οὖν οὐ προηγούμενος τῷ Διογένει ὁ βίος
οὗτος, ὃν ἑκὼν εἵλετο, ὃν Ἀπόλλων ἔδωκεν, ὃν ὁ Ζεὺς
ἐπῄνεσεν, ὃν οἱ νοῦν ἔχοντες θαυμάζουσιν; ἢ ἄλλό τι
ἡγούμεθα εἶναι τὴν περίστασιν, ἢ χρῆσιν πράξεως,
οὐκ αὐθαίρετον τῷ ἔχοντι; Ἔρου δὴ τὸν γεγαμηκότα·
’Τίνος εἵνεκεν γαμεῖς;‘ Παίδων, φησίν· τὸν παιδοτροφοῦντα,
τίνος εἵνεκα ἐτεκνώσατο; διαδοχῆς ἐρᾷ· τὸν
στρατευόμενον, πλεονεξίας ἐρᾷ· τὸν γεωργοῦντα, καρπῶν
ἐρᾷ· τὸν χρηματιζόμενον, εὐπορίας ἐρᾷ· τὸν πολιτευόμενον,
τιμῆς ἐρᾷ. Τῶν δὲ ἐρώτων τούτων οἱ
πολλοὶ ἀμβλισκάνουσιν, καὶ εἰς τοὐναντίον περϊίστανται,
καὶ εὐχῆς ἔργον ἡ ἐπιτυχία, οὐ γνώμης οὐδὲ τέχνης.
Ἕκαστος δὴ τῶν ταῦτα αἱρουμένων περίστασίν
τινα διαπεραίνεται τοῦ βίου, καὶ ταλαιπωρίας ἀνέχεται
οὐχ ἑκουσίου, οὐδὲ δι´ ἄγνοιαν τῶν αὐθαιρέτων ἀγαθῶν.
Τίνα γὰρ ἄν τις καὶ φαίη τούτων ἐλεύθερον;
τὸν δημαγωγόν; δοῦλον λέγεις πολλῶν δεσποτῶν· τὸν
ῥήτορα; δοῦλον λέγεις πικρῶν δικαστῶν· τὸν τύραννον;
δοῦλον λέγεις ἀκολάστων ἡδονῶν· τὸν στρατηγόν;
δοῦλον λέγεις ἀδήλου τύχης· τὸν πλέοντα;
δοῦλον ἀσταθμήτου τέχνης· τὸν φιλόσοφον; ποῖον λέγεις;
ἐπαινῶ μὲν γὰρ καὶ Σωκράτην· ἀλλ´ ἀκούω λέγοντος·
’Πείθομαι τῷ νόμῳ, καὶ ἑκὼν ἐπὶ τὸ δεσμωτήριον
ἄπειμι, καὶ λαμβάνω τὸ φάρμακον ἑκών.‘ Ὦ
Σώκρατες, ὁρᾷς τί φῆς; ἑκών, ἢ πρὸς ἀκουσίους τύχας
εὐπρεπῶς ἵστασαι; ’Πειθόμενος νόμῳ.‘ Τίνι; εἰ μὲν
γὰρ τῷ τοῦ Διός, ἐπαινῶ τὸν νομοθέτην· εἰ δὲ τῷ
Σόλωνος, τί βελτίων ἦν Σόλων Σωκράτους; Ἀποκρινάσθω
μοι καὶ Πλάτων ὑπὲρ φιλοσοφίας, εἰ μηδεὶς αὐτὴν
ἐπετάραξεν, μὴ Δίων φεύγων, μὴ Διονύσιος ἀπειλῶν,
μὴ τὰ Σικελικὰ καὶ τὰ Ἰώνια πελάγη, ἄνω καὶ
κάτω πρὸς ἀνάγκην διαπλεόμενα. Κἂν ἐπὶ Ξενοφῶντα
ἔλθω, βίον καὶ τοῦτον ὁρῶ μεστὸν πλάνης, καὶ τύχης
ἀμφιβόλου, καὶ στρατιᾶς κατηναγκασμένης, καὶ στρατηγίας
ἀκουσίου, καὶ φυγῆς εὐπρεποῦς. Ταῦτα τοίνυν
φημὶ τὰς περιστάσεις διαφεύγειν ἐκεῖνον τὸν βίον,
δι´ ὃν καὶ Διογένης ὑψηλότερος ἦν καὶ Λυκούργου
καὶ Σόλωνος καὶ Ἀρταξέρξου καὶ Ἀλεξάνδρου, καὶ
ἐλευθερώτερος αὐτοῦ τοῦ Σωκράτους, οὐ δικαστηρίῳ
ὑπαχθείς, οὐδὲ ἐν δεσμωτηρίῳ κείμενος, οὐδὲ ἐκ τῶν
συμφορῶν ἐπαινούμενος.
| [36,6] Comment donc Diogène n'aurait-il point donné la première importance
à ce genre de vie qu'il choisit spontanément, qui lui fut indiqué par
Apollon, qui reçut les éloges de Jupiter, et que tous les hommes de bon
sens admirent? Ou bien regarderons-nous les choses qui sont pour nous
l'œuvre des circonstances, comme étant autre chose que des détails de la
vie pratique qui ne sont pas de notre choix. Demandez à celui qui se
marie, pourquoi il prend une femme. Il vous répondra que c'est pour avoir
des enfants. Demandez à celui qui a des enfants à élever, pourquoi il les
a mis au monde. Il vous répondra qu'il aime à avoir des successeurs.
Demandez au militaire pourquoi il porte les armes. Il vous répondra que
c'est pour augmenter sa fortune. Demandez au cultivateur pourquoi il
travaille la terre. Il vous répondra que c'est pour avoir de bonnes
récoltes. Demandez à celui qui trafique, pourquoi il fait des affaires. Il
vous répondra que c'est pour ajouter à son aisance. Demandez à celui qui
court la carrière des fonctions publiques, quel est son but. Il vous
répondra qu'il a l'amour des honneurs et de l'autorité. Mais le plus grand
nombre de ces objets d'affection s'évanouissent. Les résultats ont lieu en
sens contraire ; et le succès est moins l'œuvre de la prudence, ou de
l'industrie, que celle de la fortune. Chacun de ceux qui prennent ces
diverses conditions, traverse la carrière de la vie, au milieu de telles
ou telles circonstances; et, s'il est malheureux, ce n'est pas sans le
vouloir, ni par ignorance du vrai bien auquel il dépendait de lui de
s'attacher. Auquel de ces individus donnera-t-on le nom d'homme-libre ?
Sera-ce au démagogue ? C'est nommer l'esclave d'une foule de
despotes. Sera-ce au rhéteur ? C'est nommer l'esclave des Magistrats
austères qui composent les tribunaux. Sera-ce le tyran? C'est nommer
l'esclave des voluptés les plus effrénées. Sera-ce le Général d'armée?
C'est nommer l'esclave d'un hasard aveugle. Sera-ce le navigateur? C'est
nommer l'esclave d'un art qui n'a rien de fixe. Sera-ce le philosophe ?
Duquel parlez-vous? Sans doute je loue Socrate, mais je lui entends dire:
« Je me soumets à la loi; j'entre volontiers en prison ; je prends
volontiers la ciguë ». O Socrate ! prenez-vous garde à ce que vous dites?
Est-ce volontiers, ou bien pour faire bonne contenance dans un malheur
involontaire, que vous vous soumettez à la loi ? Et à quelle loi ? Si
c'est à la loi de Jupiter: à la bonne heure, de ce Législateur. Mais si
c'est à la loi de Solon, en quoi Solon valait-il mieux que Socrate ?
Que Platon lui-même me réponde, touchant sa propre philosophie. N'a-t-elle
jamais éprouvé d'atteinte, ni par le bannissement de Dion, ni par les
menaces de Denis, ni au milieu des bourrasques de la mer de Sicile, et de
la mer Ionienne, lorsque la nécessité l'obligeait de s'y embarquer ? Je
m'adresse aussi à Xénophon, dont je vois la vie pleine d'alternatives, de
succès, et de revers. Je le vois appelé, malgré lui, à commander une
armée, chargé, malgré lui, d'une expédition, et condamné à un exil
honorable. Combien toutes ces vicissitudes sont éloignées, à mon
avis, de ce genre de vie qui plaça Diogène au-dessus de Lycurgue, de
Solon, d'Artaxerxès, d'Alexandre : bien mieux, qui le rendit plus
vraiment libre que Socrate même ! Car il ne fut point traduit devant un
tribunal; il ne fut point mis en prison ; et ce ne fut point à ses
malheurs qu'il fut redevable de sa gloire.
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