[33,3] Τοὺς μὲν οὖν πολλοὺς ἡδονὴν ὑμνοῦντας φέρω·
βάναυσος γὰρ ψυχὴ καὶ ἀπεληλαμένη λόγου, ἐλεεινὴ
μὲν τοῦ πάθους, σύγγνωστος δὲ τῆς ἀγνοίας· Ἐπίκουρον
δὲ διὰ τοὔνομα οὐ φέρω, οὐδὲ ἀνέχομαι φιλοσοφίας
ὑβριζούσης. Οὐδὲ γὰρ στρατηγοῦ ἀνέχομαι τὴν
τάξιν ἀπολείποντος καὶ ἐξηγουμένου τῆς φυγῆς, οὐδὲ
γεωργοῦ ἀνέχομαι ἐμπιμπράντος τὰ λήϊα, οὐδὲ κυβερνήτου
ἀνέχομαι ἀποδειλιῶντος πρὸς τὴν θάλατταν·
πλεῖν σε δεῖ, στρατηγεῖν σε δεῖ, γεωργεῖν σε δεῖ· πόνων
ταῦτα μεστά· ἀλλ´ οὐδὲν καλὸν ὑπὸ ῥᾳστώνης
γίγνεται. Εἰ δὲ ἕπεται ἡδονὴ τοῖς καλοῖς, δίδωμι
τοῦτο· ἑπέσθω, ἀλλ´ ἡγείσθω τὸ καλὸν πανταχοῦ·
εἷς κοίρανος ἔστω, εἷς βασιλεύς,
ᾧ ἔδωκεν ἄρχειν ὁ Ζεύς. Ἐὰν δὲ μεταθῇς τὴν τάξιν,
καὶ ἄρχῃ μὲν ἡδονή, ἕπηται δὲ λόγος, δίδως τῇ ψυχῇ
τύραννον πικρὸν καὶ ἀπαραίτητον, ᾧ δουλεύειν ἀνάγκη,
καὶ ὑπηρετεῖν ὑπηρεσίας ἀνεπιτιμήτους καὶ παντοδαπάς,
κἂν αἰσχρὰ προστάττῃ, κἂν ἄδικα προστάττῃ. Τί γὰρ
ἂν εἴη μέτρον ἡδονῆς ἐπιλαβομένης ἐξουσίας ἐπιθυμημάτων; Ἀκόρεστος γὰρ ὁ τύραννος οὗτος, καὶ τῶν
παρόντων ὑπεροπτικός, καὶ τῶν μὴ παρόντων ὀρεκτικός,
καὶ διὰ περιουσίαν ἐξαπτόμενος, καὶ ὑπὸ ἐλπίδος
κουφιζόμενος, καὶ δι´ εὐπορίαν ἐξυβρίζων. Οὗτος ὁ
τύραννος ἐπανέστησεν τὰ αἰσχρὰ τοῖς καλοῖς, οὗτος
ἐφώπλισεν ἀδικίαν δικαιοσύνῃ, οὗτος μέτρῳ ἀμετρίαν·
ὡς ἥ γε χρεία τῶν σωμάτων τὰς αὐτῆς ὀρέξεις οὐ
χαλεπῶς ἀναπίμπλησιν. Διψῇ τίς; κρῆναι πανταχοῦ·
πεινῇ τίς; φηγοὶ πανταχοῦ. Ἥλιος οὗτος, χλανίδων
ἀλεεινότατος· λειμῶνες οὗτοι, θεαμάτων τὰ ποικιλώτατα·
ἄνθη ταῦτα, εὐωδίαι φυσικαί. Καὶ μέχρι μὲν
τούτων ἐστὶν λαβεῖν ὅρους ἡδονῶν, τὴν χρείαν αὐτήν·
ἐὰν δὲ ταῦτα ὑπερβῇς καὶ προσέλθῃς περαιτέρω, δίδως
ταῖς ἡδοναῖς δρόμον ἄπαυστον, καὶ τὰς ἀρετὰς ἀποτειχίζεις.
| [33,3] III. Je conçois donc que le vulgaire préconise la volupté. Son âme est enfoncée
dans la matière. Elle est étrangère à l'usage de la droite raison. Cette situation excite
la commisération. Cette ignorance doit être excusée. Mais je ne pardonne point à
Épicure. Je ne peux supporter qu'on outrage la philosophie. Je n'aime point un
Général qui abandonne son poste au milieu de l'action, et qui se met à la tête des
fuyards. Je n'aime point un agriculteur qui met le feu à ses moissons, ni un pilote qui
ne jette ses regards sur les flots qu'en tremblant. Tu dois naviguer, tu dois commander
une armée, tu dois cultiver des champs. Tout cela exige des travaux et des fatigues.
Les grandes, les belles actions ne sont point filles de l'inertie. Que la volupté
accompagne les belles actions ; j'y consens. Qu'elle les accompagne, mais que les
belles actions aient partout la prééminence sur elle. « Que le sceptre ne soit que dans
une seule main, que le diadème ne ceigne qu'une seule tète, et que ce soit la tête et la
main de celui à qui Jupiter a donné l'empire». Mais si cet ordre est renversé ; si la
volupté commande, et que la droite raison soit subordonnée, on donne à l'âme un
tyran impérieux et inexorable. On la réduit à la nécessité d'en être l'esclave, de
devenir, malgré elle, l'instrument d'actions de tout genre, quelque honteuses, quelque
iniques qu'elles puissent être. Car quelle mesure imposer à la volupté, après qu'elle
aura soumis les désirs à sa puissance ? Ce tyran est insatiable. Il dédaigne les biens
qui sont à sa disposition. Il se passionne pour ceux qui lui manquent. L'abondance
l'excite, l'espérance le réconforte, la profusion le jette hors de toute mesure. C'est ce
tyran qui porte les affections honteuses à la révolte contre les affections honnêtes.
C'est lui qui allume la guerre de l'injustice contre la justice. C'est lui qui donne la
victoire contre la modération, au vice qui lui est opposé. Et cependant les besoins
du corps, à combien peu de frais il est aisé de les satisfaire. A-t-on soif ? on a partout
des fontaines ? A-t-on faim? les hêtres croissent en tous lieux. La chaleur du soleil
réchauffe bien mieux que celle des vêtements. Le spectacle le plus varié est celui des
prairies. Les fleurs dont elles sont émaillées répandent les parfums de la nature. Et
jusque-là, il est possible d'assigner à la volupté des limites, savoir, celles du besoin. Si
on les franchit, si l'on va plus avant, on donne à la volupté un essor qui n'a point de
terme, on donne l'exclusion à la vertu.
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