[30,2] Ἢ ἀγνοεῖς, ὅτι ἀνθρώπων δόξαι καὶ παθήματα,
καὶ αἱ τούτων αἰτίαι καὶ γενέσεις, καὶ ἐπανορθώσεις,
καὶ σωτηρίαι, ὑπὲρ ὧν οἱ φιλόσοφοι ὁσημέραι πραγματεύονται
καὶ λέγουσιν, χρῆμα οὐ στενόν, οὐδὲ
ἁπλοῦν, οὐδὲ ἐοικὸς τοῖς εὐθυπόροις τῶν ποταμῶν,
οἷς ἐστιν παραδόντα τὴν ναῦν ἀφεῖναι τῷ ῥεύματι
κατάγειν αὐτὴν ὡμολογημένας ὁδούς; Ἀλλ´ ἔστιν γὰρ
κἀνταῦθα πέλαγος πλατὺ καὶ μέγα, παντὸς Σικελικοῦ
καὶ Αἰγυπτίου πολυπλανέστερον· ἡ δὲ τέχνη οἶδεν τὴν
ὁδόν, καὶ πρὸς τὸν οὐρανὸν ἀφορᾷ, καὶ τοὺς λιμένας
γνωρίζει. Πέπονθεν δὲ αὐτὸ ἐκεῖνο, ὅπερ καὶ τῶν
κυβερνητῶν οἱ πολλοί· ἐφίεται μὲν γὰρ ἕκαστος τοῦ
εἰδέναι, ἀπολείπονται δὲ οἱ πολλοὶ τοῦ ὀρθῶς εἰδέναι·
καὶ τῶν μὲν λιμένων ἀστοχοῦσιν, ἐκφέρονται δ´ οἱ μὲν
ἐπὶ ῥαχίας δυσχερεῖς, οἱ δὲ ἐπ´ ἠϊόνας μαλθακάς, οἱ
δὲ ἐπὶ τὰς Σειρῆνας, οἱ δὲ ἐπὶ τοὺς Λωτοφάγους καὶ
ἄλλους ἄνδρας ἢ διὰ μοχθηρίαν ἀξένους, ἢ δι´ ἀμαθίαν
ἀθέους, ἢ ὑφ´ ἡδονῆς διεφθαρμένους· εἰ δέ που
τίς ἐστιν ἀγαθὸς καὶ εὔστοχος κυβερνήτης, εὐθὺ τῶν
λιμένων χωρεῖ τῶν ἀσφαλεστάτων,
ἔνθ´ οὐ χρεὼ πείσματός ἐστιν,
οὔτ´ εὐνὰς βαλέειν, οὔτε πρυμνήσι´ ἀνάψαι.
Τίς οὖν ἐστιν ὁ κυβερνήτης οὗτος; καὶ τίνι φέροντες
ἑαυτοὺς ἐπιτρέψομεν; Μήπω με τοῦτο, ὦ τάν, ἔρῃ,
πρὶν ἂν τοὺς ἄλλους ἴδῃς καὶ ἐξετάσῃς· καὶ πρῶτόν
γε αὐτῶν τὸν ἁβρὸν τοῦτον καὶ ἥδιστον κυβερνήτην
ἡδίστης νεὼς τῆσδ´ ἐκ γῆς ἰδεῖν, ἐν δὲ τῷ πλῷ ἀχρειοτάτης
καὶ πονηρᾶς ἀεὶ καὶ δυσέργου ταῖς ὑπηρεσίαις,
καὶ ἐκτετμημένης τὰ ὄργανα, καὶ πρὸς τὰς τοῦ χειμῶνος
ἐμβολὰς ἀσθενεστάτης καὶ ἐνδοσίμου.
| [30,2] II. Ignorez-vous donc que les opinions et les passions des hommes, les causes
qui les produisent, les sources d'où elles tirent leur origine, les principes qui les règlent
et leur donnent une direction salutaire, sujets quotidiens des méditations et des
discours des philosophes, ne sont une chose ni circonscrite, ni simple, ni semblable à
ces fleuves qui vont en droite ligne, au courant desquels on peut abandonner un
vaisseau avec la confiance qu'il fera toujours bonne route. C'est une mer étendue et
profonde. On est plus exposé à s'y égarer, que sur les mers de Sicile ou d'Égypte. A la
vérité, il est un art de se diriger sur cette mer à l'aide de la connaissance des astres et
du gisement des côtes ; mais il en est de cet art-là, comme de celui des pilotes.
Chacun désire le savoir, mais le plus grand nombre ne parviennent pas à le savoir
bien. Aussi se trompent-ils sur la véritable direction des ports, et sont-ils jetés tantôt
contre des rochers périlleux, tantôt sur des bas-fonds, tantôt chez les Sirènes, tantôt
chez les Lotophages, tantôt chez d'autres peuples ou assez pervers pour
méconnaître les lois de l'hospitalité, ou assez ignorants pour n'avoir des Dieux aucune
notion, ou corrompus d'ailleurs par tous les genres de voluptés. Tandis, au contraire,
que les pilotes habiles, et sûrs de ne point manquer le lieu où ils veulent arriver, se
dirigent en droite ligne vers les meilleurs ports, « où l'on n'a besoin ni de câbles, ni de
cordages, ni d'ancres. », Mais quel est donc ce pilote ? Où est celui auquel nous
devons nous adresser et nous confier ? Ah, mon ami ! ne me le demandez point
encore, avant que d'avoir passé en revue et examiné les autres pilotes, et
principalement celui qui, abandonné aux délices et à la volupté, dirige le vaisseau dont
le coup d'œil est le plus agréable à le contempler du rivage, mais qui est en effet le
moins propre à la navigation, vaisseau sujet à toute sorte d'accidents, d'une mauvaise
manœuvre, tout défectueux dans ses agrès, sans force pour résister à la tourmente, et
livré à toutes les fureurs des vagues.
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