[22,6] Τίς ἂν οὖν γένοιτο ψυχαῖς εὐωχία λόγων ταύτης
προσηνεστέρα; Χαλεπὸν μὲν εἰπεῖν καὶ ἀντιτάξασθαι
πολλῷ καὶ γενναίῳ λογοποιῷ, ῥητέον δὲ ὅμως· ὅτι
’καλὴ μὲν ὑμῶν ἡ ἁρμονία καὶ ᾄδεσθαι προσηνής, ἄλλο
δὲ ποθεῖ ἡ ἐπιεικὴς ψυχή, καὶ οὐχ οἷον παρέχεσθαι
ὑμῖν.‘ Τί γὰρ σεμνὸν ἡ μνήμη τῶν πάλαι κακῶν τῷ
μήπω μαθόντι, ὅπως ταῦτα φυλακτέον; ἢ τί πλέον
Ἀθηναίοις ἐγένετο διὰ τὴν ἱστορίαν τὴν Ἀττικήν; ἢ
τί πλέον Ἁλικαρνασσεῦσιν διὰ τὴν ἱστορίαν τὴν
Ἰωνικήν; ἢ τί Χίοι διὰ ταύτην εὐδαιμονέστεροι; Εἰ
μὲν γὰρ ἀποκρίναντες τὰ καλὰ τῶν αἰσχρῶν, τὰ μὲν
ἀπέκρυπτον, τὰ δὲ ἱστόρουν, ἦν ἄν που τῇ ψυχῇ
ὄνησις κατὰ μίμησιν τῶν ἱστορημένων, καθάπερ ὀφθαλμοῖς
κατὰ μίμησιν γραφῆς· νῦν δὲ ἀναμὶξ εἰσφύρεται
πάντα ἐν τοῖς λόγοις, καὶ πλεονάζει τὰ χείρω, καὶ
κρατεῖ τὰ αἰσχρά· καὶ τὸ πολὺ τῆς ἱστορίας πλεονέκται
τύραννοι, καὶ πόλεμοι ἄδικοι, καὶ εὐτυχίαι ἄλογοι, καὶ
πράξεις πονηραί, καὶ συμφοραὶ ἀγνώμονες, καὶ περιστάσεις
τραγικαί· ὧν σφαλερὰ μὲν ἡ μίμησις, βλαβερὰ
δὲ ἡ μνήμη, ἀθάνατος δὲ ἡ δυστυχία. Ἐγὼ δὲ ποθῶ
πρὸς τὴν εὐωχίαν τροφὴν λόγων ὑγιεινῶν, καὶ ἀνόσου
τοιούτου δέομαι σιτίου, ἀφ´ οὗ καὶ Σωκράτης ὑγίανεν,
καὶ Πλάτων, καὶ Ξενοφῶν, καὶ Αἰσχίνης.
| [22,6] VI. Quel sera donc le genre de discours plus propre encore que l'Histoire
à composer les festins de l'âme? Il est fâcheux de le dire, et de se
mettre en opposition avec plusieurs d'entre vous? Historiens célèbres;
néanmoins il ne faut pas le dissimuler. Quoiqu'il y ait beaucoup
d'harmonie dans vos écrits, et que vous puissiez le disputer aux poètes,
l'âme qui a le goût, de l’honnête et du bon, désire autre chose, et qui ne
soit point tel que ce que vous nous présentez. Quel avantage peut
recueillir du tableau des maux passés, celui qui n'a point encore appris
comment se défendre du mal? Qu'ont gagné les Athéniens à savoir l'histoire
de l'Attique, et les habitants d'Halicarnasse à savoir celle de l'Ionie?
Les insulaires de Chio se sont-ils par-là rendus plus heureux? Si du
moins, séparant le bon du mauvais, on laissait le dernier dans l'oubli, et
que l'on ne s'occupât que de l'autre, l'âme pourrait tirer quelque fruit
des actions dont le tableau lui serait offert ; de même que l'œil prend
des modèles dans les ouvrages des peintres. Mais dans l'Histoire, on mêle,
on confond tout ; et il y a plus de mauvaises actions que de bonnes. On
n'y voit, à peu près, que brigandage, tyrannie, guerres injustes, revers
non mérités, attentats, déplorables calamités, et tragiques
révolutions : toutes choses, qu'il serait dangereux d'imiter, dont le
souvenir afflige, et dont les funestes résultats sont éternels. Quant à
moi, je désire régaler mon âme de mets plus nourrissants et plus
salutaires. Il me faut de ces aliments salubres, avec lesquels et Socrate,
et Platon, et Xénophon, et Eschine, ont donné à leur âme une si brillante
santé.
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