[22,5] Τὰ μὲν οὖν τῶν Περσῶν καὶ τὰ Ἀττικὰ ἐῶμεν,
ἐπανάγωμεν δὲ αὖθις ἐπὶ τὰ ἡμέτερα. Λόγοις τοιγαροῦν
εὐωχητέον τὰς ἀγαθὰς ψυχάς, καὶ οὐ δικανικοῖς
λόγοις, φησὶν ὁ λόγος. Τίσιν μὴν ἄρα; Οἳ τὰς ψυχὰς
ἐπὶ τὸν πρόσθεν χρόνον ἀναβιβασάμενοι παρέχουσιν
αὐταῖς τὴν θέαν τῶν γενομένων πάλαι. Προσηνὲς
γὰρ ἡ ἱστορία καὶ τὸ μηδὲν καμόντα πανταχοῦ περιπολεῖν,
πάντα μὲν χωρία ἐποπτεύοντα, πᾶσιν δὲ πολέμοις
ἐκ τοῦ ἀσφαλοῦς παραγιγνόμενον, μῆκος δὲ ἀμήχανον
χρόνου ἐν βραχεῖ ἀναλεγόμενον, πλῆθος δὲ
ἄπειρον πραγμάτων ἐν ὀλίγῳ μανθάνοντα, τὰ Ἀσσύρια,
τὰ Αἰγύπτια, τὰ Περσικά, τὰ Μηδικά, τὰ Ἑλληνικά·
νῦν μὲν πολεμοῦσιν ἐν γῇ παραγινόμενον, νῦν δὲ ἐν
θαλάττῃ ναυμαχοῦσιν, νῦν δὲ ἐν ἐκκλησίαις βουλευομένοις·
μετὰ Θεμιστοκλέους ναυμαχοῦντα, μετὰ Λεωνίδου
ταττόμενον, καὶ μετὰ Ἀγησιλάου διαβαίνοντα,
καὶ μετὰ Ξενοφῶντος σωζόμενον· ξυνερῶντα Πανθίᾳ,
συνθηρῶντα Κύρῳ, συμβασιλεύοντα Κυαξάρει. Εἰ δὲ
καὶ Ὀδυσσεὺς σοφός, ὅτι πολύτροπος ἦν, καὶ
πολλῶν ἀνθρώπων ἴδεν ἄστη καὶ νόον ἔγνω,
ἀρνύμενος ἥν τε ψυχὴν καὶ νόστον ἑταίρων,
πολύ που σοφώτερος ὁ τῶν μὲν κινδύνων ἐξιστάμενος,
τῆς δὲ ἱστορίας ἐμπιμπλάμενος. Χάρυβδιν ὄψεται, ἀλλ´
οὐκ ἐν ναυαγίῳ· Σειρήνων ἀκούσεται, ἀλλ´ οὐ δεδεμένος·
Κύκλωπι ἐντεύξεται, ἀλλ´ εἰρηνικῷ. Εἰ δὲ καὶ
Περσεὺς εὐδαίμων, ὅτι πτηνὸς ἦν, καὶ περιεφέρετο ἐν
τῷ αἰθέρι, πάντα ἐποπτεύων τὰ ἐν γῇ παθήματα καὶ
χωρία, πολὺ τῶν Περσέως πτερῶν ἡ ἱστορία κουφότερον
καὶ μετεωρότερον· ἣ λαβοῦσα τὴν ψυχὴν περιφέρει
πανταχοῦ, οὐκ ἀργῶς οὐδὲ ἠμελημένως δεικνύουσα,
ἀλλὰ καὶ ἄνδρα γενεαλογεῖ καὶ ποταμόν·
Κροῖσσος ἦν Λυδὸς μὲν γένος, παῖς
δὲ Ἀλυάττεω, τύραννος δὲ ἐθνῶν·
Δάρδανον αὖ πρῶτον τέκετο νεφεληγερέτα Ζεύς.
Γενεαλογεῖ καὶ πόλιν·
Ἐπίδαμνός ἐστιν πόλις ἐν δεξιᾷ εἰσπλέοντι
τὸν Ἰώνιον κόλπον· προσοικοῦσιν δ´ αὐτὴν
Ταλάντιοι βάρβαροι·
ἔστι πόλις Ἐφύρη μυχῷ Ἄργεος ἱπποβότοιο.
Γενεαλογεῖ δὲ καὶ ποταμόν·
ὃς ῥέων ἐκ μεσημβρίης πρὸς βορέην
ἄνεμον εἰς τὸν Εὔξεινον πόντον καλεόμενον ἐκδιδοῖ·
ὃν Ξάνθον καλέουσι θεοί, ἄνδρες δὲ Σκάμανδρον.
Τοῦτο τὸ ἄκουσμα ἐφήμερον τὸ τῶν ἀνθρώπων γένος
καὶ φθειρόμενον ταχὺ καὶ ἀπολλύμενον καὶ ὑπορρέον
τῇ μνήμῃ σώζει, καὶ τὰς ἀρετὰς φυλάττει, καὶ τὰς
πράξεις ταῖς δόξαις ἀθανάτους ποιεῖ. Διὰ τοῦτο ὁ
Λεωνίδης ᾄδεται οὐχ ὑπὸ Λακεδαιμονίων μόνον τῶν
τότε, καὶ ὁ Θεμιστοκλῆς ἐπαινεῖται οὐχ ὑπὸ Ἀθηναίων
ἐκείνων· μένει δὲ καὶ ἡ Περικλέους στρατηγία, καὶ
νῦν ἔτι ἡ Ἀριστείδου δικαιοσύνη· δίδωσιν Κριτίας
καὶ νῦν δίκην, φεύγει καὶ νῦν Ἀλκιβιάδης. Συνελόντι
δὲ εἰπεῖν, οἱ καθ´ ἱστορίαν λόγοι τῷ μὲν ἀνηκόῳ τερπνότατον
καθ´ ἡδονήν, τῷ δὲ εἰδότι ἐπαγωγότατον
κατὰ ἀνάμνησιν.
| [22,5] V. Mais laissons-là les Perses et les Athéniens, et revenons à notre
sujet. La raison nous enseigne que l'âme, qui a le goût du bien, doit
être régalée de discours comme d'un festin ; mais non pas de discours tels
que ceux du Barreau. De quels discours donc? De ceux qui, reportant l'âme
vers le passé, lui présentent le tableau des événements anciens. Car il
est très agréable de lire l'Histoire; de se transporter de tous les côtés
sans éprouver aucune fatigue ; de promener ses regards sur toutes les
régions ; d'être témoin de tous les combats, sans courir aucun risque ;
d'embrasser les siècles dans un moment, d'apprendre, en peu de temps, une
multitude de faits, ce qui s'est passé chez les Assyriens, chez les
Egyptiens, chez les Perses, chez les Mèdes, chez les Grecs; d'être
présent, tantôt aux opérations militaires sur le continent, tantôt aux
expéditions maritimes, tantôt aux délibérations politiques ; de combattre,
à Salamine, avec Thémistocle, aux Thermopyles, avec Léonidas ; de passer
la mer avec Agésilas; de se battre en retraite avec Xénophon ; de partager
l'amour de Panthée avec Abradatas, la passion de la chasse avec
Cyrus, les soins du Gouvernement avec Cyaxare. Si Ulysse passait pour
sage, parce qu'il était fécond en ressources, parce qu'il visita les
villes, et étudia les mœurs de plusieurs peuples, tout en cherchant à
retourner lui-même, et à ramener ses compagnons, dans sa patrie: bien
plus sage est celui, qui, à l'abri de tout danger, se nourrit de l'étude
de l'Histoire. Il voit Charybde, sans risquer le naufrage ; il entend le
chant des Sirènes, sans avoir besoin de se garrotter : il se trouve avec
le Cyclope, mais sans en avoir rien à craindre. Si Persée était heureux
d'avoir des ailes, de se promener dans les airs, contemplant tous les
évènements, toutes les régions de la terre ; les ailes de
l'Histoire sont bien plus légères, et s'élèvent bien plus haut que celles
de Persée. Elles emportent l'âme, et lui font parcourir tous les climats;
non en lui présentant un stérile et vain spectacle, mais en lui offrant,
tantôt l'origine et la généalogie des hommes, par exemple : « Crésus
était originaire de Lydie ; il était fils d'Alyatte, et Roi des peuples
qui habitent les bords de l'Halys; Dardanus tirait immédiatement son
origine de Jupiter; tantôt des villes, par exemple : La ville d'Épidamne
est à droite en entrant dans le golfe d'Ionie ; les Taulentiens, peuple
barbare, en sont limitrophes : dans le golfe d'Argos féconde en
chevaux, est la ville d'Éphyre ; tantôt des fleuves, par exemple : Il
est un fleuve qui, coulant du Midi au Nord, va se décharger dans le
Pont-Euxin ; les Dieux le nomment le Xanthus, les hommes l’appellent le
Scamandre». Quelque éphémère, quelque passagère, quelque fugitive,
quelque périssable que soit l'espèce humaine, l'Histoire la sauve de
l'oubli ; elle conserve la mémoire de la vertu, elle immortalise le
souvenir des grandes actions. C'est ainsi que les Lacédémoniens et les
Athéniens ne sont point les seuls qui célèbrent la gloire de Léonidas, et
la renommée de Thémistocle. On avait encore aujourd'hui Périclès, diriger
le Gouvernement d'Athènes, Aristide être l'oracle de la justice, Critias
subir sa catastrophe, et Alcibiade prendre la fuite. En un mot,
l'Histoire est extrêmement agréable à celui qui ne la connaît pas, par le
plaisir qu'elle lui procure, et à celui qui la connaît, par les souvenirs
qu'elle réveille.
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