[21,5] Οἷον τὸ τοιόνδε λέγω (αἴσθομαι γάρ τοι ἐμαυτοῦ
γλίσχρως τὸ πρᾶγμα διελομένου, καὶ δεομένου εἰκόνος).
Σῶμά που τραφῆναι ἀδύνατον, ὅτι μὴ σιτίων προσφορᾷ,
καὶ ἐργασίᾳ ὀδόντων, καὶ σπλάγχνων ὑποδοχῇ,
καὶ τῇ ἔνδον οἰκονομίᾳ, προσγινομένης αὐτῷ τῆς ὑποτροφῆς. Ἦσαν δέ που κατὰ τὸν ἐπὶ Κρόνου, φασίν,
βίον αἱ τροφαὶ τοῖς ἀνθρώποις φηγοὶ καὶ ὄγχναι· καὶ
διὰ τοῦτο ἐπεφημίσθη φέρειν ἡ γῆ τοὺς καρποὺς αὐτομάτους,
ὅτι αὐτοῖς οὐδὲν ἔδει γεωπονίας, ἐξ αὐτοφυοῦς
τροφῆς βιοτεύουσιν. Ἐὰν τοίνυν προσθῇς ὀψοποιόν,
καὶ ἡδύσματα, καὶ τροφὴν ποικίλην, ἄλλῳ ἄλλην,
καρυκείαν Σικελικήν, καὶ Συβαριτικὴν χλιδήν, καὶ
Περσικὴν τρυφήν, πάντα ταῦτα ἐρεῖς ἡδονῆς ὄνομα·
καὶ κοινὸν μὲν πᾶσι τὴν τροφὴν ἐρεῖς, ἴδιον δὲ ἑκάστῳ
τὴν ἡδονήν, καὶ κατὰ φύσιν μὲν τὴν τροφήν, κατὰ
τέχνην δὲ τὴν ἡδονήν. Κἂν μεταθῇς τραπέζας, τὴν
Σικελικὴν τοῖς Πέρσαις, καὶ τὴν Περσικὴν Σικελιώταις,
τροφὴ μὲν ὁμοίως ἑκατέροις ἑκάτερα, τὸ δὲ τῆς ἡδονῆς ὑπαλλαχθέν, δι´ ἀήθειαν εἰς λύπην μετέβαλλεν.
Γίγνεται τοίνυν ἡ μὲν τροφὴ κατὰ τὴν οὐσίαν τοῦ
τρέφειν δυναμένου, ἡ δὲ ἡδονὴ κατὰ τὸ πάθος τοῦ
ἥδεσθαι εἰθισμένου.
| [21,5] V. Voici quelle est ma pensée, (car je sens que j'ai de la peine à
m'entendre moi-même, et que j'ai besoin d'un exemple). Il est
impossible que notre corps soit entretenu, s'il ne reçoit la nutrition
nécessaire ; s'il ne prend des aliments ; si les mâchoires, l'estomac et
toutes les parties de l'économie intérieure ne font leurs fonctions.
Du temps de Saturne, les hommes se nourrissaient, dit-on, de faînes et de
poires sauvages. De là, l'opinion qui s'est répandue, que la terre
produisait ses fruits d'elle-même. On ne devait pas, en effet, avoir
besoin d'agriculture, lorsqu'on vivait de ce qui naissait spontanément. A
ces aliments de la Nature substituez des cuisiniers, des épiceries, des
mets, des ragoûts divers, tels qu'en ont enfantés la friandise des
Siciliens, le raffinement des Sybarites, le luxe des Perses ; vous
donnerez à tout cela le nom de voluptés. Vous appellerez aliment ce qui
est commun à tous, et volupté ce qui est particulier à chacun ; aliment,
sous le rapport de la Nature, et volupté, sous le rapport de l'art.
Transposez maintenant les tables ; présentez à des Siciliens un repas
fait pour des Perses, et à des Perses un repas préparé pour des Siciliens.
Les uns et les autres auront également de quoi s'alimenter. Mais adieu la
volupté. Le défaut d'habitude l'a changée en dégoût. L’aliment consiste
dans la propriété qu'il a reçue d'alimenter. La volupté est dans l'usage
qui nous a accoutumés à ce qui en est l'objet.
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