[12,6] Τί δὲ τοίνυν ἔσται καὶ πέρας τοῦ κακοῦ; εἰ γὰρ
ὁ ἀδικηθεὶς ἀμύνεται, ἀεὶ μεταβαίνει τὸ κακὸν ἀπ´
ἄλλου πρὸς ἄλλον καὶ μεταπηδᾷ, καὶ διαδέξεται ἀδικία
ἀδικίαν. Ὧι γὰρ δικαίῳ συγχωρεῖς τῷ παθόντι ἐπεξεῖναι,
τῷ αὐτῷ τούτῳ δικαίῳ ἐπαναχωρεῖ αὖθις ἀπ´ ἐκείνου
πρὸς τὸν αὐτὸν ἡ τιμωρία· τὸ γὰρ δίκαιον ἐπ´ ἀμφοῖν
ἴσον. Ὦ Ζεῦ, καὶ οἷον πεποίηκας; δικαιοσύνην
ἐξ ἀδικημάτων; καὶ ποῖ βαδιεῖται τὸ κακόν; καὶ ποῦ
στήσεται; Οὐκ οἶσθα, ὅτι πηγὴν ταύτην ἀέναον κινεῖς
πονηρίας, καὶ γράφεις νόμον ἀρχέκακον τῇ πάσῃ γῇ;
Τοῦτο γὰρ ἀμέλει ἐστὶν τὸ τῶν πάλαι κακῶν τοῖς
ἀνθρώποις ἡγησάμενον, στόλων βαρβαρικῶν καὶ Ἑλληνικῶν
ἐπ´ ἀλλήλους περαιουμένων, ἁρπαζόντων, καὶ
πολεμούντων, καὶ ληϊζομένων, προκάλυμμα ποιουμένων
τῆς παρούσης ἀδικίας τὴν φθήσασαν. Φοίνικες ἐξ
Ἄργους βασιλικὴν κόρην ἄγουσιν, Ἕλληνες ἐκ Κόλχων
βαρβαρικὴν παρθένον ἄγουσιν, καὶ αὖθις Φρύγες ἐκ
Πελοποννήσου Λακωνικὴν γυναῖκα. Ὁρᾷς τὴν διαδοχὴν
τῶν κακῶν, καὶ τὰς προφάσεις τῶν πολέμων,
καὶ τὸν πολυπλασιασμὸν τῶν ἀδικημάτων. Τοῦτο καὶ
τὴν Ἑλλάδα συνέτριψεν αὐτήν, ἡ περὶ ἑαυτὴν δόξα
ἀδικίας διαβαίνουσα ἐπὶ τοὺς πλησίον, καὶ ἄπαυστοι
θυμοί, καὶ ὀργαὶ ἀθάνατοι, καὶ τιμωρίας ἔρως, καὶ
ἀμαθία δίκης.
| [12,6] VI. Quel sera donc le terme du mal ? Car, si celui qui éprouve une injustice, use
de représailles, le mal va se trouver dans un état de vicissitude, d'alternative, de
réciprocité sans fin; et l'injustice succédera perpétuellement à l'injustice. En vertu du
droit que l'on donne à celui qui est attaqué, de se venger de son agresseur, on fait
retomber contre lui-même le droit d'une seconde agression. Le droit devient, en effet,
égal des deux côtés. O Jupiter ! que faisons-nous, de poser la justice pour base de
l'injustice ! Jusqu'où ira le mal, et où s'arrêtera-t-il? Ne voyons-nous pas que nous
ouvrons une source intarissable de mauvaises actions, et que nous érigeons, par toute
la terre, la méchanceté en loi ! Telle fut, sans doute, dans l'antiquité, la première
origine du malheur des hommes. Les Grecs et les Barbares se désolèrent
alternativement par des incursions, des guerres, des dévastations, des brigandages.
Les premières agressions furent le prétexte de celles qui les suivirent. Des Phéniciens
vinrent, dans la Grèce, enlever la fille d'un Roi d'Argos. Des Grecs allèrent, dans
la Colchide, enlever la fille d'un Roi Barbare. Des Phrygiens, dans le
Péloponnèse, enlevèrent une femme de Lacédémone. Voilà l'origine et la
succession des maux. Voilà le prétexte des guerres. Voilà les agressions qui
engendrent les agressions. La Grèce trouva, en effet, sa ruine dans l'opinion
qu'elle adopta sur la matière que nous traitons, et qui se répandit chez ses voisins. Elle
la trouva dans son irascibilité sans frein, dans ses implacables ressentiments, dans sa
passion pour la vengeance, dans son ignorance de la justice.
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