[10,7] Ἄιδει ὁ Δημόδοκος ἐν τῇ Φαιάκων δαιτί
νεῖκος Ὀδυσσῆος καὶ Πηλείδεω Ἀχιλῆος·
Ὀδυσσεὺς παρών, ἀκούων τῆς ᾠδῆς, γνωρίσας δακρύει.
Ἆρ´ οὖν οὐκ εἰκός, ἐπιλαβομένης αὐτῷ τῆς ψυχῆς
τοιαύτης ἀρχῆς, ὁδεύειν ἐπὶ τὰ ἐκεῖ ἔργα, καὶ τὸ μὲν
σῶμα αὐτῷ συμπίνειν τοῖς Φαίαξιν, αὐτοῦ μένον· τὴν
δὲ ψυχὴν γίγνεσθαι τῆς μνήμης ἐκεῖ ἐν Ἰλίῳ, ἀναπεμπαζομένην
ἕκαστον ὧν εἶδεν τέως, καὶ ἰοῦσαν ἐπὶ πολλὰ
τῶν ἑαυτῆς θεαμάτων, ἀπὸ μικρᾶς ἀρχῆς; Ἤδη τὶς καὶ
λύραν ἰδὼν ἐμνήσθη τῶν παιδικῶν τῶν χρησαμένων
τῇ λύρᾳ· κοῦφον γάρ τι χρῆμα ἀνάμνησις καὶ εὔκολον.
Καὶ ὥσπερ τὰ εὐκίνητα τῶν σωμάτων τοῦ χείρω προάγοντος
δεῖται, καὶ παραλαβόντα τὴν ἐξ ἐκείνου ἀρχὴν
φυλάττει ἐπὶ πολὺ τὴν κίνησιν· οὕτω καὶ ὁ νοῦς ἐπιλαβόμενος
πρὸς μνήμην βραχείας ἀρχῆς, ἣν ἡ αἴσθησις
αὐτῷ ὀρέγει, ἐπὶ πολλὰ χωρεῖ προιὼν κατὰ ἀνάμνησιν.
Ἕκαστον γάρ, οἶμαι, τῶν ὄντων ἢ γεγονότων, οἷς ἡ
ψυχὴ ἐνέτυχεν, ἀκολουθίαν ἔχει, ἢ κατὰ χρόνον, ὡς
ἐπὶ ἡμέρᾳ νύξ, καὶ ἐπὶ νεότητι γῆρας, καὶ ἐπὶ χειμῶνι
ἔαρ· ἢ κατὰ πάθος, ὡς κάλλει ἔρως ἐπιγίνεται, καὶ
προπηλακισμῷ ὀργή, καὶ ἡδονὴ εὐτυχίαις, καὶ λύπη
συμφοραῖς· ἢ κατὰ τόπον,
Φᾶρίν τε, Σπάρτην τέ, πολυτρήρωνά τε Θίσβην·
ἢ κατὰ νόμον,
Βοιωτῶν μὲν Πηνέλεως καὶ Λήϊτος ἦρχον,
Ἀρκεσίλαός τε, Προθοήνωρ τέ, Κλόνιός τε·
ἢ κατὰ δύναμιν,
Ζεῦ πάτερ, ἢ Αἴαντα λαχεῖν, ἢ Τυδέος υἱόν,
ἢ αὐτὸν βασιλῆα πολυχρύσοιο Μυκήνης.
| [10,7] VII. Chez les Phéaciens, Démodocus chante, dans un festin, sur « une querelle
entre Ulysse et Achille fils de Pélée». Ulysse est présent, il entend Démodocus, il
se reconnaît dans ce qu'il entend, et il pleure. N'est-il pas probable que le récit de cet
événement servit à transporter l'âme d'Ulysse dans les lieux mêmes où il s'était passé
; et que, tandis que son corps ne bougeait point de chez les Phéaciens, et qu'il buvait
avec eux, son âme, prenant son essor sur les ailes de la mémoire, par une si faible
cause, se retrouva sous les murs d'Ilion; qu'elle y passa en revue chacune des
choses dont jadis elle y fut témoin ; et qu'elle s'y promena au milieu de la plupart des
objets qui l'avaient autrefois touchée? Ne voit-on pas des individus se rappeler, à
l'aspect d'une lyre, les beaux moments passés auprès de la personne qui se
servait de cet instrument? La réminiscence est une chose agile et rapide. De même
que ceux d'entre les corps qui se meuvent facilement, ont besoin d'une main qui leur
donne l'impulsion ; et qu'après l'avoir reçue, ils conservent longtemps le mouvement
qui en provient; de même, quelque léger que soit le branle que l'on donne à
l'entendement par l'impulsion de la mémoire, qui est chez lui le résultat de la
sensation, il parcourt successivement plusieurs choses, par la réminiscence. Car je
pense que chacune des choses qui existent, ou qui ont existé, et avec lesquelles l'âme
a eu quelques relations, se lient, s'enchaînent avec elle, de manière que l'idée de l'une
traîne à sa suite l’idée de l'autre, ou sous le rapport du temps comme dans la
succession du jour et de la nuit, de la jeunesse et de la vieillesse, de l'hiver et du
printemps; on sous le rapport des affections. C'est ainsi que la beauté produit l'amour,
l'injure la colère, la prospérité la volupté, et l'infortune la douleur; ou sous le rapport
des lieux, comme lorsqu'Homère parle de ceux qui habitaient « et Pharès, et Sparte, et
Messé fameuse par ses pigeons »; ou sous le rapport politique, comme lorsque le
même poète dit, « et Pénélée, et Léitus, et Arkésilas, et Prothoénor, et Klonion,
commandaient les peuples de la Béotie» ; ou sous le rapport de la bravoure et du
courage, comme lorsqu'il s'écrie : « ô Jupiter ? fais tomber le sort, ou sur Ajax, ou sur
le fils de Tydée, ou même sur le Roi de l'opulente Mycènes».
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