[8,6] Τὸ μὲν γὰρ Σωκράτους δαιμόνιον ἓν καὶ ἁπλοῦν,
καὶ ἰδιωτικόν, καὶ δημοτικόν, ἢ ποταμὸν διαβαίνοντα
ἀνακαλούμενον, ἢ Ἀλκιβιάδου ἔρωτα ἀναβαλλόμενον,
ἢ ἀπολογεῖσθαι βουλόμενον, ἢ ἀποθνήσκειν προαιρούμενον
οὐ κωλῦον. Ὁμήρῳ δὲ τὸ δαιμόνιον συνίσταται
οὔτε ἑνί, οὔτε ἐφ´ ἑνί, οὔτε ἕν, οὔτε ἐπὶ σμικροῖς·
ἀλλὰ καὶ παντοδαπόν, καὶ πολλάκις, καὶ ἐν
πολλοῖς ὀνόμασιν, καὶ ἐν πολλοῖς φαντάσμασιν, καὶ
ἐν παντοδαπαῖς φωναῖς. Ἆρ´ οὖν καὶ ἀποδέχῃ τὶ
τούτων, καὶ ἡγεῖ τι εἶναι τὴν Ἀθηνᾶν, καὶ τὴν Ἥραν,
καὶ τὸν Ἀπόλλωνα, καὶ Ἔριν, καὶ ὅστις ἄλλος δαίμων
Ὁμηρικός; Μή με οἴου πυνθάνεσθαι εἰ τοιαύτην
ἡγεῖ τὴν Ἀθηνᾶν, οἵαν Φειδίας ἐδημιούργησεν, οὐδὲν
τῶν Ὁμήρου ἐπῶν φαυλοτέραν, παρθένον καλήν, γλαυκῶπιν,
ὑψηλήν, αἰγίδα ἀνεζωσμένην, κόρυν φέρουσαν,
δόρυ ἔχουσαν, ἀσπίδα ἔχουσαν· μηδὲ αὖ τὴν Ἥραν,
οἵαν Πολύκλειτος Ἀργείοις ἔδειξεν, λευκώλενον, ἐλεφαντόπηχυν, εὐῶπιν, εὐείμονα, βασιλικήν, ἱδρυμένην
ἐπὶ χρυσοῦ θρόνου· μηδέ γε αὖ τὸν Ἀπόλλωνα, οἷον
γραφεῖς καὶ δημιουργοὶ εἰκάζουσιν, μειράκιον γυμνὸν
ἐκ χλαμυδίου, τοξότην, διαβεβηκότα τοῖς ποσὶν ὥσπερ
θέοντα. Οὐ τοῦτο ἐρωτῶ, οὐδὲ ἡγοῦμαί σε φαῦλον
εἶναι τ´ ἀληθῆ εἰκάζειν, ὥστε μὴ μεταβάλλειν τὸ αἴνιγμα
εἰς λόγον· ἀλλ´ εἰ τῷ ὄντι ἡγεῖ ταυτὶ τὰ ὀνόματα
καὶ τὰ σώματα αἰνίττεσθαί τινας δαιμονίους
δυνάμεις, καὶ συνισταμένας τῶν ἀνθρώπων τοῖς εὐμοιροτάτοις
καὶ ὕπαρ καὶ ὄναρ. Εἰ μὲν γὰρ μηδεμίαν
ἡγεῖ, ὥρα σοι καὶ Ὁμήρῳ πολεμεῖν, καὶ τὰ μαντεῖα
ἀναιρεῖν, καὶ ταῖς φήμαις ἀπιστεῖν, καὶ τὰ ὀνείρατα
φεύγειν, καὶ Σωκράτην δὲ ἐᾶν. Εἰ δὲ ταῦτα μὲν
οὔτε ἄπιστα ἡγεῖ οὔτε ἀδύνατα, ἀπορεῖς δὲ περὶ Σωκράτους· μεταλαβὼν ἐρήσομαί σε, πότερα οὐκ ἄξιον
ἡγεῖ τὸν Σωκράτην μοίρας δαιμονίου, ἢ τὸ δυνατὸν
ἄλλοθι ἐνταῦθα ἐξασθενεῖ. Ἀλλὰ τὸ μὲν δυνατὸν
διδούς, κἀνταῦθα δώσεις, τὸ δὲ ἄξιον οὐκ ἀφαιρήσεις
τοῦ Σωκράτους. Εἰ τοίνυν καὶ δυνατὸν τὸ πρᾶγμα,
καὶ ἄξιος Σωκράτης, λείπεταί σοι μὴ περὶ Σωκράτους
ἀμφισβητεῖν, ἀλλὰ καθόλου σκοπεῖν, τίς ἡ τοῦ δαιμονίου φύσις.
| [8,6] VI. Voulez-vous que nous laissions Socrate de côté, et que nous demandions à
Homère, le plus illustre des poètes, que veut dire tout cela ? L'Esprit familier de
Socrate était unique, ingénu, propre à un seul individu, il ne se communiquait point à
tout le monde. Tantôt il dissuadait de passer un fleuve ; tantôt il proposait des
délais, lorsqu'il s'agissait de l'amour d'Alcibiade ; tantôt il déconseillait une
défense que l'on voulait entreprendre; tantôt il ne s'opposait pas à une mort décidée.
Chez Homère, au contraire, le Dieu n'y est point borné à un seul individu, à une
seule conjoncture, il n'y est point unique, il n'y intervient point pour des bagatelles. Il
est attaché à plusieurs personnages, il se montre en diverses circonstances, il y porte
différents noms, il s’y présente sous des apparences très variées, il y parle tantôt un
langage, tantôt un autre. Admettrez-vous donc quelqu'un de ces Dieux, et croirez-vous que Minerve, que Junon, qu'Apollon, que la Discorde, et tous les autres Dieux d'Homère sont quelque chose? Ne pensez pas que je vous demande si vous croyez que cette Minerve ressemble à celle qui est la fille du ciseau de Phidias, et qui ne le cède point à celle qu'Homère décrit dans ses vers, et qu'il nous peint, comme une
jeune personne d'une grande beauté, ayant les yeux bleus, d'une haute taille, ceinte
de son Égide, coiffée d'un casque, tenant une lance, armée d'un bouclier : ni si vous
croyez que Junon ressemble à celle qui sortit du ciseau de l'Argien Polyclète, ayant les
cuisses blanches, les bras d'ivoire, de très beaux yeux, des vêtements magnifiques,
une prestance de reine, et pour siège un trône d'or : ni si vous croyez qu'Apollon soit
comme le représentent les peintres et les statuaires, un très beau garçon, ne portant
point de chlamyde, armé d'un arc, et les pieds séparés l'un de l'autre, comme s'il
marchait. Je ne fais point de questions de cette nature. Je ne vous présume pas
assez peu de sagacité pour ne pas apercevoir la vérité, et pour ne pas réduire à sa
mesure ce que l'énigme enveloppe. Mais je vous demande si vous pensez réellement
que tous ces emblèmes, toute cette nomenclature de Dieux, ne signifient que
l'intervention de la puissance des Dieux qui prêtent, nuit et jour, leur assistance à des
hommes privilégiés. Car, si vous n'admettez aucune intervention de ce genre, c'est
déclarer la guerre à Homère, c'est renverser les oracles, c'est n'avoir aucune foi aux
présages, c'est rejeter le pronostic des songes, c'est abandonner Socrate à lui-même.
Mais, si, sans regarder tout cela comme incroyable, comme impossible, - vous n'en
êtes pas plus éclairé sur ce qui concerne Socrate, je changerai de question, et je vous
demanderai, si vous ne regardez pas Socrate comme digne d'avoir un Esprit familier,
ou si vous regardez comme impossible ici ce qui vous paraît possible ailleurs. Mais,
dès que vous avez admis cette possibilité, vous admettrez les droits de Socrate, et
vous ne leur ôterez rien. Si donc la chose est possible, et que Socrate y ait des droits,
il ne nous reste plus, une fois fixés sur ce qui concerne Socrate, qu'à rechercher, en
général, en quoi consiste la nature de son Esprit familier.
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